Depuis six ans maintenant, l’abbaye de Fontevraud propose un Noël en musique qui anime le lieu de fin novembre à début janvier. Ce dernier week-end est l’occasion d’une sortie de résidence pour trois chorales non professionnelles des Pays de Loire. Elles investissent trois espaces de l’abbaye avant de rassembler leurs effectifs pour une création vocale commandée au compositeur Valerio Sannicandro, en résidence à l’Abbaye cet été. Altiste, chercheur et chef d’orchestre qui s’est perfectionné auprès de Peter Eötvös et Emmanuel Nunes. Titulaire d’une thèse sur l’analyse de l’espace et des modes de résonances appliqué à la composition musicale, l’artiste utilise étonnamment peu le terrain de jeu que représente la sublime nef de l’église abbatiale en plaçant des voix solistes (malheureusement enregistrées) derrière les auditeurs tandis que les 110 choristes dirigés par Pierre-Louis Bonamy et accompagnés par Noé Abit, percussionniste, se trouvent dans le nartex.
Le texte latin de Triptyques est issu du répertoire grégorien et évoque la naissance du Christ, sa victoire sur la mort et enfin l’avènement de la lumière. Les solistes citent quant à eux l’épître « Tropée de St Paul à Titus » tiré du Graduel d’Aliénor de Bretagne, enterrée à l’abbaye.
Le texte est toutefois assez difficile à suivre car extrêmement haché, il constitue plutôt un tapis sonore, un répertoire de syllabes mises en valeur par une rythmique élaborée et une écriture très verticale aux clusters séduisants. L’alternance de sifflantes et de chuitantes évoquant le vent ou la pluie donne une singulière vitalité à l’ensemble.
Les voix sont très droites, dépourvues de vibrato et parviennent à créer une pâte sonore plutôt convaincante en dépit des différences d’âge et de maturité musicale des participants, même si une disposition plus créative dans l’espace aurait sans doute permis un résultat enrichi.
La Maîtrise de la Cathédrale de Nantes avait ouvert la soirée dans le réfectoire avec le programme le plus priant, comme on pouvait s’y attendre de la part d’une structure adossée à un lieu de culte. Les finales sont parfaitement nettes, les voix jamais forcées même si elles manquent encore de lyrique sous la direction sobre et juste d’Étienne Ferchaud. L’émotion recueillie est patente notamment dans le très beau Sanctus de Jan Sandström qui date du début du XXe siècle.
La joie est pareillement perceptible dans les timbres du « Gaudens in Domino », œuvre anonyme du XIIe siècle tandis que la tendresse se révèle prégnante dans la berceuse « Gloria Dios » de Nunez Garcia même si l’espagnol se teinte d’une nette « french touch ».
« Le Cunctissimus Concanentes », extrait du Livre Vermeil de Montserrat, musique populaire réarrangée, clôt ces dix minutes de musique. L’air nous entraîne dans la danse tout comme l’intervention choisie par Odile Amossé et Jean-Marie Cossard de l’Institut Musical de Vendée qui jouent totalement le jeu de la spatialisation du son. La phalange fait d’abord le tour du cloître en chantant « J’entends par notre rue » dans une séduisante approche crescendo magnifiée pat la splendeur du lieu.
L’anglais est excellent dans « On the twelth day of Christmas » même si l’alternance des pupitres met en exergue les importantes différences de niveau lié à l’âge des participants. Les sopranes ont un timbre lyrique bien mieux installé et une justesse qui fait parfois défaut aux pupitres graves.
Le même ton enlevé et dansant nous accompagne avec « D’où viens-tu mon berger ? » puis « Children, go where I send thee » où les chanteurs créent une haie d’honneur au milieu de laquelle passe le public pour rejoindre le chœur de l’abbatiale.
Là, c’est une atmosphère d’une grande spiritualité qu’installe Pierre-Louis Bonamy avec une déambulation silencieuse des maîtrisiens des Pays de la Loire pendant que psalmodie lentement une voix seule particulièrement convaincante.
Un majestueux Christ en croix de bois de Nicolas Alquin plane au dessus des auditeurs tandis que se succèdent un chant populaire hongrois traduit en français évoquant l’hiver, « Tabortuznel ». « Il gèle à pierre fendre » sourd de tendresse et met en valeur la pureté des timbres dont le naturel de l’émission est remarquable y compris lorsque l’ambitus est plus tendu comme dans le gospel « This little light of mine ».
Quelle belle expérience ce doit être pour les jeunes choristes que de participer à une résidence comme celle-là !