Pour ce troisième volet de la série de Requiem enregistrés par Guy Janssens pour Cypres, présentée de façon chronologique, place au romantisme du jeune Bruckner, et à la sérénité de Duruflé. Du Requiem composé entre 1848 et 1849 par un jeune Bruckner déjà fort fervent, force est de dire que l’ouvrage ne se hisse pas encore au niveau des futures fresques du compositeur. Si la conviction religieuse ne fait aucun doute, ici renforcée par une interprétation très investie, le langage reste très conventionnel et tributaire des techniques d’écriture contrapuntique largement amorties. Ce que d’aucuns apprécieront, peu charmés qu’ils sont des épanchements brucknériens, c’est la belle concision et la clarté du contrepoint. Belles interventions solistes également, notamment dans l’Agnus Dei.
La pièce maîtresse du disque est évidemment le Requiem de Duruflé, autrement convaincant, même si l’écriture ne se veut pas révolutionnaire en cette année 1947. Celui de Fauré lui a inexplicablement volé la vedette dans le cœur des mélomanes, et c’est bien dommage, car, comme lui, mais avec peut-être une once de ferveur supplémentaire, il s’inscrit dans la lignée des Requiem lumineux, confiants (et sans Dies Irae). Pour chœur mixte avec deux solistes, mezzo et baryton, il en existe trois versions : deux utilisant un orchestre plus ou moins important, et une avec le seul orgue, préférée ici. L’usage de l’orgue seul, comme narrateur plus que comme accompagnant, rejoint magnifiquement le jugement de Duruflé, qui trouvait l’orchestre encore trop « humain » pour exprimer l’espérance de l’au-delà. L’effet de sérénité extraordinaire qui se dégage de l’écoute ne tient pas seulement à l’usage fréquent du Requiem grégorien comme initiateur des séquences, mais aussi à la souplesse des phrasés, à la tranquillité de la scansion largement inspirée des schémas rythmiques grégoriens, à la subtilité harmonique et modale. L’espérance et la conviction tranquille règnent à chaque instant, nul effroi, nul doute, nulle Apocalypse. Les Laudantes Consort l’expriment avec raffinement, mais sans jamais tomber dans l’écueil de la mièvrerie et de la plastique vocale.
Sophie Roughol