Que l’art lyrique soit une thérapie ; nous l’avons tous expérimenté un jour ou l’autre. Qu’il puisse aider des autistes à dépasser leur propre handicap, voilà ce que nous n’imaginions pas. Récit d’une aventure extraordinaire à laquelle nous sommes conviés le 11 octobre à Paris, Salle Gaveau, en compagnie de Laurent Naouri, l’Ensemble Calliopée, la Chorale d’Al et ses chanteurs autistes.
Repli pathologique sur soi accompagné de la perte du contact avec le monde extérieur selon le Larousse, l’autisme ne prédispose pas à la pratique du chant (les autistes présentent souvent des anomalies de la communication orale et/ou non verbale), encore moins à sa découverte (leurs centres d’intérêt sont restreints). Le premier prodige réalisé par Catherine Boni avec la Chorale d’AL est d’avoir appris à de jeunes autistes à chanter en polyphonie. Catherine Boni est sinon cantatrice, mezzo-soprano qui compte à son actif Giulietta (Les Contes d’Hoffmann), la Seconde Prieure (Dialogues de Carmélites) et même la Princesse Eboli (Don Carlos). Elle semble pourtant mieux se réaliser hors des circuits traditionnels. On lui doit par exemple Cuisine de Diva, un dialogue entre une chanteuse et sa propre voix qu’elle a écrit et qu’elle interprète elle-même. « C’est en 2002 que je pousse la première fois la porte de l’Institut-Médico-Educatif Alternance Bourg la Reine », raconte-telle, « J’ai vu de la lumière, je suis entrée… et depuis je suis restée… dans cette lumière ». Au sein de l’association, elle crée un atelier chant qui donne naissance à la chorale d’AL, une réunion de jeunes autistes et de leurs éducateurs autour du travail de la voix. Ensemble, ils explorent un répertoire qui navigue entre art lyrique et chanson. Très vite, Catherine Boni associe à ce projet Stéphane Leach, pianiste, chef de chant et compositeur avec lequel elle avait collaboré auparavant. « Une expérience inoubliable tant sur le plan humain qu’artistique, ces jeunes donnent tout et l’échange avec eux est bouleversant » témoigne le musicien, auteur par ailleurs de la musique des spectacles d’Olivier Py (il a reçu pour l’Orestie d’Eschyle, le Prix du Syndicat de la critique 2008 pour la meilleure composition de musique de scène). A l’intention de la Chorale d’AL, il écrit plusieurs chansons qui ont été enregistrées sur un CD intitulé « Voyage de Vives voix ». On note qu’il s’agit au singulier du titre du spectacle présenté le 11 octobre Salle Gaveau. Ce n’est pas un hasard, le programme reprend un certain nombre de ces compositions avec en sus, la création d’Immensité, un final sur un texte de Pierre Champion.
Le passage du singulier au pluriel, de « voyage » à « voyages », s’explique par l’intervention durant la soirée d’autres artistes, dont le chemin a croisé aussi, non sans conséquences, celui de Catherine Boni et de la Chorale d’AL : le cinéaste Olivier Segard dont quatre extraits du film La vie d’autistes seront projetés entre les différentes séquences musicales ; l’Ensemble Calliopée qui interprètera notamment le premier mouvement du Quintette avec piano en la majeur de Dvorak. Enfin, Laurent Naouri joindra sa voix à celle de nos jeunes chanteurs dans l’air du toréador, extrait de Carmen. Il aura auparavant interprété les Lieder eines fahrenden Gesellen de Gustav Mahler. « Si tant est que l’autisme peut rendre la communication entres les êtres délicate, je suis certain que la musique, en nous forçant à nous écouter les uns les autres nous a permis de mieux nous entendre » explique le baryton français auquel on doit le mot de la fin quand il affirme, à propos de Catherine Boni, qu’en ne tirant pas prétexte de la « condition » de ses élèves « pour se montrer indulgente » elle leur témoigne « ce que trop souvent on néglige : le respect. »
Christophe Rizoud
Voyages de vives voix,
Soirée exceptionnelle avec Laurent Naouri, la Chorale d’AL et ses chanteurs autistes, l’Ensemble Calliopée
Lundi 11 octobre à 20h
Tarif unique : 10 euros
Salle Gaveau, 45, rue de La Boétie, 75008 Paris
Réservations et informations : 01 49 53 05 07, www.sallegaveau.com