Vincent Boussard est un homme posé et subtil à l’image de ses mises en scène ; quelqu’un qui vous parle avec délicatesse des œuvres qu’il monte, de la musique qui le transporte. Explorateur du continent humain, inventif, attentif, Vincent Boussard sculpte ses personnages sur mesure avec une seule idée fixe : le respect des œuvres et des hommes. Et ça marche ! Après le succès de Louise à l’Opéra National du Rhin en novembre dernier, il met en scène Agrippina de Haendel au Staatsoper de Berlin en février prochain.
Parlez nous de votre parcours vers la mise en scène d’opéra.
J’y suis arrivé par deux biais. D’abord par la musique car avant j’étais musicien, puis par le théâtre comme acteur mais aussi comme assistant à la mise en scène et un jour les deux voies se sont rejointes. J’ai vraiment appris ce métier en assistant Yanis Kokkos. Puis assez naturellement j’ai été amené à mettre en scène des projets, d’abord de petites formes, des opéras baroques. Les choses se sont ensuite enchaînées progressivement avec une première fidélisation auprès de l’Opéra de la Monnaie à Bruxelles où Bernard Foccroulle, alors directeur, m’a invité durant cinq années à mettre en scène différents spectacles.
Qu’est-ce qui vous intéresse dans l’opéra par rapport au théâtre ?
D’abord la musique. Malgré les grandes ressemblances, ce sont deux manières d’aborder la scène très différentes. Simplement parce que les contraintes liées aux chanteurs et celles liées aux acteurs ne sont pas les mêmes. L’énergie qu’exige le chant est différente de l’énergie que réclame le jeu de l’acteur. Je me suis pris de passion pour ces contraintes-là mais aussi pour la puissance expressive de la musique en scène. Ce n’est pas un simple élément décoratif, il s’agit d’un vrai texte dramatique dans la plupart des œuvres qui nous sont confiées et il y a là un potentiel vivant incroyable. Les chanteurs ont en main une palette expressive extrêmement puissante et large. C’est aussi un art qui se libère complètement des contraintes de la langue au sens où l’on doit normalement travailler dans sa propre langue pour se faire comprendre. Là il s’agit d’un langage universel que l’on peut utiliser tant à Tokyo qu’à San Francisco, au Cap ou à Stockholm. J’aime cette immense ouverture que l’opéra procure tout en étant spécifique à des époques, des lieux… Tout cela s’inscrit dans un souci d’ouverture et dans une extrême générosité.
Est-ce facile ou difficile de diriger des chanteurs qui ne sont pas à la base acteurs ?
Cela est à la fois une difficulté et une facilité. Une difficulté parce ce sont des gens qui n’ont pas forcément confiance en leur talent d’acteur, en leur capacité d’expression physique. Dans le même temps ils sont très souvent demandeurs d’une aide pour avancer sur ce terrain. Ils ont pour guide la musique qu’ils doivent chanter. Si nous arrivons à les libérer de la contrainte physique, nous pouvons les libérer de l’angoisse d’être acteur. Beaucoup de chanteurs m’ont dit : je joue mal, on ne peut rien faire de moi, il faut me mettre là et me faire chanter c’est tout… Paradoxalement c’est à partir de ce moment-là que nous pouvons commencer à travailler. Il y a aussi le fait que nous ne pouvons pas jouer de la même manière du Monteverdi, du Wagner, du Mozart ou du Puccini. Chaque œuvre requiert un style qui s’incarne dans un style de jeu. Il existe des styles plus véristes, plus expressionnistes. Ce qui est passionnant c’est de devoir inventer à chaque fois avec eux une forme qui leur correspond et les aide à chanter. Il y a finalement un travail de haute couture à faire avec chacun des chanteurs. J’aime ce travail sur mesure. Parfois le fait qu’ils soient malhabiles constitue un terrain vierge à partir duquel il est plus facile travailler. Cela dit je rencontre de plus en plus de gens qui sont extrêmement demandeurs du travail scénique. D’abord parce qu’ils ont énormément d’énergie. Ils ont besoin de ce carburant-là pour chanter et ils savent aussi s’il est canalisé, organisé, ils peuvent le mettre au service d’une performance d’acteur très puissante et ils sont de plus en plus doués pour cela.
Quelles sont les contraintes liées aux chanteurs ?
Elles sont multiples. Par exemple on ne peut pas demander à un quelqu’un de chanter la tête en bas quand il a une note extrêmement difficile à sortir. Nous sommes obligés de tenir compte de ces difficultés-là. Avec le temps, je commence à sentir et à comprendre ce qui est de l’ordre du possible sans mettre en péril le chant. Lorsque cette confiance-là existe entre le chanteur et le metteur en scène il est possible d’aller très loin. Nous pouvons inventer et progresser sur d’autres terrains où ils seront moins frileux. Parfois même par l’usage du corps, nous pouvons aussi les aider à mieux chanter.
On dit qu’aujourd’hui l’opéra est vampirisé par la mise en scène, que celle-ci serait plus importante que la musique. Partagez-vous ce point de vue ?
Je n’arrive pas à opposer mise en scène et musique. J’ai l’impression de mettre en scène de la musique. D’ailleurs, j’essaie de ne pas plaquer de manière artificielle un langage scénique sur une œuvre. Depuis un certain nombre d’années, il existe tout un courant de mise en scène qui revisite de manière un peu brutale les œuvres, en considérant que le livret et le contexte de l’ouvrage n’ont pas grand intérêt, qu’il faut projeter de manière radicale ces œuvres dans un contexte nouveau. Cela peut parfois donner des chocs d’une puissance incroyable. Seulement je trouve toujours très dangereux d’ignorer d’où vient l’œuvre et comment elle a été nommée. Même si je reste attaché à l’idée qu’il faut absolument la projeter vers l’avenir, c’est à dire vers le public d’aujourd’hui. Cela ne veut pas dire, tout actualiser et mettre des écrans de télé partout… J’essaie juste de concevoir mon travail en faisant en sorte que mise en scène et musique soient intimement liées. Parfois ce qu’on entend et ce qu’on voit sont en tel décalage. Qu’on a l’impression d’une sorte de schizophrénie; on voit deux spectacles en même temps et cela ne marche pas… Le lien entre la musique et la mise en scène doit être naturel. Cela ne veut pas dire que je rentre dans une dimension muséologique. Je ne cherche pas à recréer les œuvres telles qu’elles ont été crées au 17e, 18e… Je n’en sais rien, je n’en ai aucune idée. En revanche ce qui est intéressant, c’est de savoir comment elles ont été écrites, pourquoi et dans quelles conditions.
Comment est le rapport entre le metteur en scène et le chef d’orchestre ? Facile, difficile ?
Il est toujours difficile quand le souci de collaboration n’est pas le même. Il est toujours extrêmement facile lorsque chacun a le souci de comprendre le langage de l’autre, quand on a la conviction de travailler à la même chose. J’ai rarement rencontré de difficultés, pour ainsi dire jamais. J’essaie toujours de susciter les rencontres avant. J’organise des séances préparatoires afin que nous puissions parler de la même œuvre. Je comprends les contraintes des chefs, j’essaie de les analyser, de les intégrer. Lorsque j’arrive face à un chef ou à des chanteurs au début des répétitions, j’ai effectivement un spectacle idéal dans la tête. Mais je sais parfaitement que le visage du spectacle le jour de la première sera le fruit de la rencontre entre mon idéal, le chemin intime qu’a choisi le chanteur et le projet tel que voulait le développer le directeur musical. C’est de la fusion de ces 3 visions-là que va résulter une quatrième qui sera le spectacle final. J’aime énormément être surpris par les chanteurs, être surpris par les chefs qui m’apportent aussi beaucoup. J’adore les erreurs. L’erreur est toujours juste. Cela rend humain. Ce sont des vraies surprises. J’essaie de me mettre le plus possible en état d’ouverture pour attraper tous les éléments extérieurs.
Quel est votre opéra préféré ?
J’ai toujours tendance à dire que c’est celui que je suis en train de faire. J’ai la chance de pouvoir travailler un large répertoire, du baroque vénitien à la création contemporaine. Actuellement je commence à me pencher un peu plus sur le répertoire du 19e siècle. Je trouve qu’à chaque époque, chaque style, correspond une saveur. J’essaie toujours de tomber amoureux de l’œuvre pour la défendre intimement. Comme j’en ai très peu fait, j’aimerais beaucoup travailler sur le répertoire italien du 19e, et sur le répertoire allemand que je n’ai jamais vraiment abordé.
Le répertoire allemand vous fait-il peur ?
Tout répertoire moins connu fait peur. Si je devais aborder ce répertoire il faudrait que je me documente énormément. C’est un répertoire très attirant. Strauss et Wagner sont des monuments avec des puits sans fonds dans lesquels il existe une volupté incroyable. Naturellement, je suis plus italianiste. J’ai travaillé sur le 17e et le 18e. Là, je commence à travailler sur les œuvres françaises. J’ai fait Pelléas, Louise à Strasbourg. Je prépare Hamlet pour mai 2010 à Marseille. Ce sont des oeuvres qui me sont naturelles par la langue. L’allemand, que je parle un petit peu quand même, me semble accessible mais c’est un répertoire qu’il faut aborder une fois qu’on a compris certaines choses et notamment ce qu’est la construction d’un opéra et aussi ce qu’est un chanteur. Je n’ai pas un répertoire de prédilection dans lequel je voudrais me plonger pendant des années. La chose étrange à l’opéra c’est que nous, metteurs en scène, sommes la plupart du temps sollicités pour travailler sur une œuvre au gré des désirs formulés par les directeurs de théâtres ou par certains chefs d’orchestre. C’est à la fois un inconfort et la garantie d’un très grand éclectisme. Après tout dépend du lien que nous entretenons avec les directeurs de maison. Parfois nous pouvons manifester le désir de travailler sur des œuvres que l’on aime particulièrement. De même lorsque j’ai la chance d’être choisi assez tôt sur des projets, je me permets de solliciter les gens sur la question des chanteurs. Il y a des personnes avec lesquelles j’aime travailler, avec lesquelles il se passe quelque chose d’immédiat, d’intime et tout va plus vite. Cela dit, j’aime aussi pouvoir découvrir des chanteurs que je ne connais pas.
Est-ce facile de se faire une place en tant que metteur en scène à l’opéra ?
Les maisons d’opéra souffrent comme tous les autres secteurs. Le contexte n’est pas des plus porteurs mais j’ai la chance d’être appelé régulièrement pour travailler. Je ne connais donc pas cette situation de me retrouver sans travail. C’est un métier que je trouve difficile par le fait qu’il réclame énormément. Il faut beaucoup travailler, beaucoup bouger. On sent qu’aujourd’hui, l’attention est de plus en plus portée sur la maîtrise des coûts et la taille des enveloppes budgétaires consacrées à chaque spectacle. On nous demande d’être vigilants. Malgré tout, nous avons encore les moyens et le temps de travailler. Certaines maisons d’opéra donnent parfois 5 à 6 semaines de préparation entre le premier jour des répétitions et la première représentation. Pour moi c’est le vrai luxe. Bien plus que des millions pour fabriquer des décors élyséens. Rien ne vaut le temps de travail possible avec les chanteurs.
Vous mettez en scène Agrippina de Haendel ? Pourquoi cette œuvre ?
Il s’agit d’un vrai défi. Je ne suis pas du tout un spécialiste de Haendel. J’ai mis en scène deux de ses pièces dans le passé, un oratorio et un opéra londonien. Agrippina est une œuvre un peu particulière car elle est la plus italienne de Haendel. Il l’a écrite à la fin de son séjour à Venise avant de partir en Angleterre. Cette pièce est composée à 80 % de récitatifs. Elle est très longue, à peu près 3 heures et demie et elle s’inspire vraiment de la dramaturgie italienne, c’est-à-dire beaucoup de textes chantés et parlés. Le vrai défi est de prendre en charge cette dimension- là et d’arriver à rendre le tout, le plus contrasté et le plus attrayant possible. Agrippina est une œuvre particulièrement difficile mais très belle et passionnante, avec un livret pour le coup extrêmement bien écrit. J’ai la chance de l’aborder avec un grand spécialiste René Jacobs avec qui j’ai déjà collaboré. René est un homme qui prépare énormément et qui m’associe à son travail. Dans ce cas de figure, le rapport entre le projet scénique et musical ne devrait pas poser de problème dès lors que nous l’élaborons ensemble.
Quel genre de mise en scène avez vous choisi pour ce spectacle ?
Les références historiques que nous allons emprunter sont très légères. Dans cette œuvre, la véracité historique ne se pose absolument pas. Nous avons affaire à un compositeur allemand qui est à Venise, et va parler d’un sujet romain avant de partir en Angleterre, tout ça pour se moquer de la cour du pape Clément XI régnant à Rome. En revanche il y a quelque chose d’extrêmement baroque dans le recours anachronique, voulu par le compositeur. Je vais donc essayer de créer un temps qui appartienne au spectacle et qui soit profondément contemporain. Par contemporain, j’entends donner au spectateur le sentiment que chacun respire le même air, que nous sommes dans la même électricité, les mêmes vibrations plutôt que dans le même calendrier. La mise en scène est moderne, assez épurée pas très décorative mais le plus ludique possible. Avec un jeu d’acteurs et de chanteurs très développé…
Vous êtes souvent dans des mises en scène moderne, très épurée, pourquoi ?
Chaque époque comporte sa part de poussières anecdotiques. J’essai de débarrasser l’œuvre de ce qu’elle comporte d’incompréhensible pour l’époque d’aujourd’hui. J’essai aussi de ne pas tomber dans le piège de rajouter à une œuvre l’histoire actuelle. Cela passe forcément par une certaine épure dans les moyens que j’emploie. Tout ça pour mettre en valeur le chanteur et sa palette expressive. Je trouve que parfois on ne gagne pas à le recouvrir de couches et de couches décoratives sous prétexte de résoudre les problèmes que l’œuvre pose. Il faut accepter de se mettre un peu à nu, de prendre des risques, de ne pas se faciliter la tache dans la préparation. Je préfère me dire que nous allons résoudre le problème de l’œuvre en travaillant avec les chanteurs. C’est le chanteur – qui respire, qui vibre dans sa chair – qui donne la température du spectacle plus que le contexte scénographique aussi superbe soit-il…C’est un travail tendu parce que parfois on se met en danger. Nous n’avons pas beaucoup d’appui. En même temps lorsque cela fonctionne l’œuvre devient très vivante.
Vous jouez au Staatsoper à Berlin. Les allemands ont-ils une façon de choisir les productions et d’aborder la mise en scène différente de chez nous ?
Le mode de fonctionnement est totalement différent. En France on travaille essentiellement (à part peut être à l’Opéra de Paris) en série c’est-à-dire que nous répétons le spectacle et nous le jouons dans la foulée. Cela occupe le théâtre pendant 2 mois. En Allemagne on rentre dans un système qui est celui de l’alternance c’est-à-dire que dans la même semaine une maison d’opéra va donner 4 ou 5 spectacles différents. L’approche n’est donc pas la même. Cela forge les esprits de façon radicalement différente. Dans la tradition allemande, il existe un langage scénique particulier, fort, inspiré du théâtre où la mise en scène est reine. Il va guider le spectacle. Mais je crois que nous avons appris à connaître ces représentations en les accueillant en France. Il ne s’agit pas pour moi d’aller faire un spectacle à la mode allemande sous prétexte que je suis en Allemagne. Je ne résonne jamais comme ça mais plutôt dans ma propre sincérité, que je sois à Tokyo, Berlin ou Londres. Il existe effectivement une tradition très puissante, de la mise en scène comme un art souverain comme une écriture en soi. Ce langage qui prévaut en Allemagne a d’ailleurs secoué de manière très radicale la pratique de la mise en scène d’opéra ces 40 dernières années. Elle a influencé l’Europe entière. Je ne suis pas forgé à cette école là mais je vais essayer d’apporter un spectacle qui soit lié à ce que je pense être la vérité de l’œuvre.
Vous collaborez régulièrement avec Christian Lacroix, le fait qu’il vienne de la Haute Couture est-il un plus ?
Je travaille avec Christian parce que j’ai la conviction que c’est un grand costumier de théâtre. Il vient là avec un fort désir de théâtre. Les costumes qu’il crée ne sont pas ceux que l’on voit sur les podiums des défilés. Sa démarche est de se mettre au service d’un projet. Il a une très grande théâtralité, une très grande liberté de langage et une capacité de pouvoir travailler avec des inspirations différentes. Il crée de magnifiques synthèses entre les éléments qui proviennent de l’histoire et ceux issus de la société contemporaine. Nous sommes sur la même longueur d’onde et dans le même souci d’être au service de la fabrication d’un spectacle. Nous avons travaillé ensembles sur 12 spectacles et avons appris à nous connaître. C’est un vrai homme d’équipe.
Vous avez d’ailleurs un peu la même équipe, vous êtes un sentimental, un fidèle ?
J’aime les gens avec lesquels je travaille. Après il ne faut pas tomber dans le piège de la fidélité. Elle peut être dangereuse. Il peut y avoir des curiosités nécessaires qui disparaissent. Il faut savoir se remettre en danger, ne pas tomber dans la facilité. Cet automatisme là conduit à un certain confort. Tant que nous sommes portés par des projets communs il faut continuer à travailler ensemble. Quand on entre dans une certaine routine, il faut passer à autre chose. Ce n’est pas toujours Christian qui fait les costumes et ce n’est pas non plus toujours le même éclairagiste… Il est vrai que la collaboration avec Vincent Lemaire depuis 6 ans pour les décors est un peu systématique. Nous nous sommes rencontrés au même stade de notre travail. Nous avançons ensemble avec des envies communes. Nous ne sommes pas mariés non plus.
Quelle place pour la création contemporaine ?
J’adore les créations contemporaines. J’ai eu la chance de collaborer avec le compositeur Benoît Mernier pour un spectacle à Bruxelles il y a quelques années. C’est un long processus qui nous a engagés sur trois ans. Nous avons collaboré ensemble depuis l’écriture du livret jusqu’à la dernière note écrite sur la partition. C’est une aventure magnifique qui offre la possibilité d’inscrire le langage scénique et le langage musical dans une même dynamique et dans un même projet dès la conception. C’est vraiment essentiel. Nous avons laissé infuser la chose durant trois années, partagé les doutes, les questions sur l’écriture du livret, de la musique. Des questions finalement très naturelles, très concrètes et qui nourrissent la création de manière radicale. Je crois beaucoup à ce type de travail et j’aimerais énormément renouveler l’expérience. Aujourd’hui ce sont souvent des créations confidentielles car à priori elles n’intéressent pas tellement le public qui préfère aller voir Traviata. Mais il existe quand même un auditoire pour la création contemporaine. Après, la difficulté est de savoir ce qu’on fait avec. Faut-il qu’elle plaise au public ? Veut-on qu’elle soit un objet expérimental, ou qu’elle soit un objet festif… Il est vrai que la musique contemporaine s’est éloignée de la considération du public pendant très longtemps, à tort ou à raison. J’ai le sentiment que beaucoup d’institutions cherchent à la faire sortir de ce cénacle de privilégiés et de spécialistes afin de la faire connaître. Cela demande évidemment qu’elle soit un tout petit peu accessible en termes de langage.
Faut-il être musicien pour être metteur en scène d’opéra ?
Pas forcément. J’ai été surpris de voir le travail de gens qui ne savent pas lire une note. Lire une note c’est en fait avoir accès à des informations techniques. Evidemment cela facilite le travail et cela permet d’aller plus vite. Mais on n’a pas besoin d’être un musicologue pour avoir le sens de la musique, savoir l’entendre, l’écouter la ressentir. La musique vous parle de manière irrationnelle. Le tout est de savoir identifier ce langage et de pouvoir réagir. Ensuite il faut être à l’écoute des contraintes des interprètes. Je travaille sur la partition c’est beaucoup plus simple mais ce n’est pas l’essentiel. C’est comprendre le langage intime qui est essentiel, quelle saveur, quelle texture on peut en tirer pour pouvoir travailler…
Propos recueillis par Raphaëlle Duroselle