Que retenir de l’année 2021 ? Bien des choses en somme mais, s’il faut résumer, pourquoi ne pas commencer par ces neuf lauréats désignés par vos votes, chers lecteurs, à l’issue d’un scrutin forcément injuste tant on voudrait y inclure tous les artistes et acteurs culturels, premières victimes d’une interminable pandémie et, tel Jacques Martin aux grandes heures de L’Ecole des Fans, les désigner tous gagnants. A défaut, qu’ils soient ici chaleureusement remerciés.
Artiste lyrique : Michael Spyres (30%)
Déjà lauréat de nos trophées il y a 5 ans, Michael Spyres remonte en 2021 sur la première marche du podium, l’insigne des arts et des lettres à la boutonnière, le front ceint sur scène des lauriers de plusieurs récitals triomphaux, d’un Don Ottavio salzbourgeois déniaisé et d’un Fidelio parisien « qui à chaque note vous coll[ait] le frisson ». Au disque, le récital Bariténor qualifié ici-même de « très emballant » et la version intégrale de Mitridate (dont on reparlera plus bas), parachèvent le portrait d’un chanteur qui semble avoir fait sien le conseil donné par Diaghilev au jeune Cocteau : « étonnez-moi ».
- Lise Davidsen (12%)
- Asmik Grigorian (16%)
- Nadine Sierra (14%)
- Ludovic Tézier (28%)
Etoile montante : Alexandra Marcellier (29%)
Il a suffi d’une Butterfly pour propulser Alexandra Marcellier sous le feu des projecteurs. D’une ou plutôt de deux. A Saint-Etienne d’abord, début novembre, où l’on a assisté médusé à « l’éclosion d’un magnifique papillon ». A Monte-Carlo ensuite, lorsque la jeune soprano française – elle est née à Perpignan au début des années 1990 – a remplacé au pied levé et avec le même succès Aleksandra Kurzak souffrante. Un récital parisien, il y a quelques semaines, l’installait « un peu plus près des étoiles ». On attend la suite avec impatience.
- Amina Edris (12%)
- Pene Pati (25%)
- Andrè Schuen (6%)
- Jonathan Tetelman (28%)
Production : Glass : Akhnaten – Nice (26%)
Plus qu’une production dont il faut saluer chacune des composantes artistiques, scéniques, musicales, la nomination d’Akhnaten récompense l’audace – « Jamais on n’avait entendu un tel répertoire à Nice » – et au-delà, la renaissance d’une institution lyrique qui, après avoir traversé plusieurs zones de turbulence, semble sous l’impulsion de son nouveau directeur, Bertrand Rossi, renouer avec son passé prestigieux.
- Campra : Idoménée – Lille (18%)
- Rimski-Korsakov : Le Coq d’or – Aix-en-Provence/Lyon (16%)
- Strauss : Elektra – Toulouse (18%)
- Wagner : Tristan und Isolde – Munich (22%)
Renaissance : Verdi : Stiffelio – Strasbourg (33%)
Cette catégorie, nouvellement introduite au sein de nos trophées annuels, a suscité de vives discussions au sein de la rédaction. Qu’entend-on exactement par « Renaissance » ? Distinguer la création scénique moderne en France d’un opéra injustement négligé de Giuseppe Verdi répond à la question.
- Bizet : Djamileh / Saint-Saens, La Princesse jaune – Tours (11%)
- Enescu : Œdipe – Paris, Bastille (18%)
- Haendel :Oreste – Paris, TCE (12%)
- Offenbach : La Vie parisienne – Rouen (26%)
Création : Philippe Hersant : Les Eclairs – Paris, Opéra-Comique (32%)
Premier théâtre d’Europe prétendument éclairé à l’électricité, l’Opéra Comique se devait d’accueillir une création consacrée au courant alternatif et à son inventeur. Si la musique de ce « drame joyeux en quatre actes » composé par Philippe Hersant sur un livret de Jean Echenoz a pu ne pas répondre à certaines attentes, la « douce lumière qui illumine chaque personnage de l’intérieur » a emporté l’adhésion du plus grand nombre.
- Kris Defoort : The Time of our Singing – Bruxelles (10%)
- Zad Moultaka : Hémon – Strasbourg (15 %)
- Kaija Saariaho : Innocence – Aix-en-Provence (31%)
- Philip Venables : Denis & Katya – Montpellier (12%)
CD, intégrale : Mozart : Mitridate, re di Ponto, Erato (27%)
A quelque chose malheur est bon. En raison de la pandémie, la tournée de Mitridate initialement prévue par Marc Minkowski s’est muée en session d’enregistrement avec pour résultat un « équilibre global entre le plateau vocal et la qualité de la direction, entre l’intensité dramatique et la pure performance vocale » qu’aucune version n’avait jusqu’à présent atteint.
- Bellini : Il pirata, Prima Classics (26%)
- Lecocq : La Fille de Madame Angot, PBZ (15%)
- Salieri : Armida, Aparté (9%)
- Rameau : Les Indes Galantes, Château de Versailles Spectacles (23%)
CD, autres (récital, mélodie, musique sacrée, etc.) : Lea Desandre : Amazone, Erato (35%)
Coup d’essai, coup de maître pour le premier récital chez Erato de Lea Desandre et de l’ensemble Jupiter. « Un fil rouge original et d’une certaine modernité, des pépites inouïes, Cecilia Bartoli, Véronique Gens et William Christie en guest stars : le luxe des moyens déployés a de quoi impressionner ». La preuve avec ce trophée décerné à une large majorité relative.
- Emiliano Gonzalez Toro : Soleil noir, Naive (12%)
- Anna Netrebko : Amata dalle Tenebre, DG (23%)
- Christian Gerhaher : Schumann, Alle Lieder, Sony (17%)
- Reinoud Van Mechelen : Jéliote, haute-contre de Rameau, Alpha (13%)
DVD : Rameau : Les Boréades, Erato (27%)
« Jamais représenté, ni même édité du vivant du compositeur, révélé au public en version de concert en 1964, et mis en scène pour la première fois à Aix-en-Provence en 1982 » ( !), l’ultime chef-d’œuvre de Rameau à Dijon en 2019 conjuguait au superlatif mise en scène, distribution et direction musicale. L’édition en DVD de sa captation, » entrecroisant habilement plans d’ensemble et détails de jeu, avec de surcroit une belle prise de son, large et détaillée à la fois », effectivement s’imposait.
- Alfano : Risurrezione, Dynamic (7%)
- Lully : Atys, Naxos (18%)
- Rimski-Korsakov : Sadko, BelAir Classiques (25%)
- Beethoven : Fidelio, Unitel (23%)
Livre : Saint-Saens, un esprit libre, catalogue de l’exposition, BnF (34%)
Le catalogue de l’exposition « Saint-Saëns, un esprit libre » aurait pu arguer de sa reliure luxueuse et de sa richesse iconographique pour se contenter de jouer les « beaux livres », à la façon de ce que l’on dénomme Outre-Manche un coffee table book. La qualité des textes rassemblés par Marie-Gabrielle Soret, la commissaire de l’exposition, le pose en référence.
- Nicolas Bacri : Notes étrangères et autres écrits sur la musique, L’Harmattan (9%)
- Alexandre Dratwicki : Bons Baisers de Rome, PBZ (20%)
- Jérôme Bastianelli : Federico Mompou, Actes Sud (11%)
- Hervé Lacombe : Histoire de l’Opéra Français, Du Roi-Soleil à la Révolution, Fayard (26%)
