Considéré par Gounod comme son meilleur opéra, Polyeucte attend d’être exhumé pour nous convaincre du bien-fondé de cette opinion.
Composition : gestation particulièrement longue, puisqu’elle s’étend de juillet 1869 au printemps 1878 (de retour en France en 1874 après son séjour outre-Manche, Gounod ne put récupérer sa partition quasi achevée mais séquestrée par son ex-égérie Georgina Weldon, et il mit un an à la reconstituer de mémoire)
Création : 7 octobre 1878 à l’Opéra de Paris, un peu trop tard pour bénéficier de l’afflux de touristes suscité par l’exposition universelle
Cette année-là : L’opérette se porte bien, à Paris avec Le Petit Duc de Lecocq (25 janvier), comme à Londres avec H.M.S. Pinafore de Gilbert & Sullivan (25 mai) ; à Vienne, Johann Strauss fils a moins de succès avec Blindekuh (18 décembre). Le 18 septembre à Prague, on crée Le Secret de Smetana.
Librettistes : Jules Barbier et Michel Carré, d’après la pièce de Corneille, en montrant tous les événements spectaculaires que la tragédie laissait en coulisses
Genre : Opéra chrétien qui lorgne sur l’oratorio (« Mon opéra pourrait être exécuté sur une estrade de concert, par des acteurs en habit noir »). Gounod avait d’abord eu le projet d’un oratorio autour de sainte Cécile, avec grande scène de baptême, et l’on prétend que le déclic pour Polyeucte vint d’une véritable apparition qu’il eut à Rome, dans une église située sur la via Appia
Intrigue : Pauline, fille du sénateur Félix, a vu en rêve le baptême de son époux Polyeucte et sa mort tragique. Par ailleurs, Pauline est encore aimée de Sévère, favori de l’empereur. La première partie du songe se réalise quand Polyeucte devient chrétien. Animé du zèle des convertis, il brise les idoles du temple, ce qui lui vaut d’être emprisonné. Il cherche désormais à convertir son épouse et se déclare prêt pour le martyre. Avant de mourir, il proclame son credo et, touchée par la grâce, Pauline se fait chrétienne pour s’unir à lui dans le trépas
Personnages : Polyeucte, ténor ; Pauline, soprano ; Sévère, baryton ; Félix, basse ; Néarque, baryton ; Albin, basse ; Stratonice, mezzo-soprano ; Siméon, basse ; Sextus, ténor ; un centurion, basse
Les créateurs : La soprano autrichienne Gabrielle Krauss avait accompli ses débuts parisiens au Théâtre-Italien en 1867, mais c’est seulement en 1875 qu’elle fit sa première apparition au Palais Garnier. Pour Gounod, elle allait y créer Pauline dans Polyeucte, Hermosa dans Le Tribut de Zamora et Sapho dans la version en 4 actes. Elle fut aussi Catherine d’Aragon dans Henry VII de Saint-Saëns
Le tube : « Source délicieuse », seul air encore connu, que nos meilleurs ténors sont fiers d’interpréter de temps à autre
La scie : Paradoxalement, pour un compositeur si pieux, la musique dévolue aux chrétiens est d’une redoutable platitude
Anecdote : Gounod pensait que Polyeucte, peut-être le plus personnel de ses opéras, finirait par connaître un succès plus durable que tous les autres. « Périsse mon œuvre, périsse même Faust, aurait-il dit quelques mois avant sa mort, mais que Polyeucte soit repris et vive ! »
CD recommandé : Comme pour La Reine de Saba, la seule intégrale existante nous vient de Martina Franca (et il n’en existe pas même de rivale sur YouTube)
DVD recommandé : Vous pensiez vraiment qu’il en existerait un ?