Charmant opéra-comique, La Colombe fait depuis quelques années un retour en force, notamment parmi les Opéras-studios et autres troupes de jeunes artistes. On ne peut que s’en réjouir, car Gounod a mis le meilleur de lui-même dans cette partition pleine de légèreté.
Composition : printemps 1860
Création : 3 août 1860 dans le Salon Louis XIV, au Casino de Bade
Cette année-là : création posthume, à l’Opéra-Comique, de Rita, ou le mari battu, de Donizetti.
Librettistes : Jules Barbier et Michel Carré, d’après un conte de La Fontaine, lui-même inspiré d’une nouvelle du Décaméron de Boccace
Genre : opéra-comique à quatre personnages seulement
Intrigue : Le jeune seigneur Horace, ruiné, n’a plus qu’une colombe à laquelle il tient plus que tout. La comtesse Sylvie envoie son majordome, Maître Jean, acheter l’oiseau en question mais Horace refuse catégoriquement. Apprenant qu’Horace aime Sylvie, Maître Jean suggère à sa maîtresse de se rendre elle-même chez le jeune homme. Avec la complicité de son serviteur Mazet, Horace décide de sacrifier la colombe pour offrir à Sylvie un repas digne d’elle. Consternation générale, mais l’on apprend que la viande servie à la belle n’est que le perroquet de sa rivale Aminte. Tout est bien qui finit bien
Personnages : Sylvie, soprano ; Horace, ténor ; Mazet, soprano ; Maître Jean, basse
Les créateurs : Le ténor Gustave Roger, premier interprète d’Horace, avait créé le Faust berliozien de La Damnation et Jean de Leyde dans Le Prophète, où Berlioz l’admira : « Sa voix, toujours juste, vibre avec élcat dans les élans de force, et s’adoucit jusqu’au murmure dans les phrases tendres ». En 1857, il fit l’acquisition du château de La Lande, dans le Val-de-Marne, mais lors d’un accident de chasse survenu en juillet 1859 sur ses terres, il dut être amputé du bras droit. Il continua néanmoins à donner des concerts, muni d’une prothèse. C’est d’abord à lui que fut confiée l’adaptation française du livret de Tannhäuser (il avait même chanté sa traduction du premier tableau à Wagner, venu le voir dans son château). En 1880, il publia ses mémoires sous le titre Le Carnet d’un ténor.
Le tube : Inséré dans la partition en 1866, à l’occasion de la création française à l’Opéra-Comique, l’air de Mazet, « Ah ! les femmes ! », montre quel compositeur Gounod aurait pu être dans le genre comique. La chose est d’autant plus piquante que Mazet est un rôle travesti destiné à une mezzo, et que c’est donc une femme qui chante ces couplets misogynes (A la fin du premier acte, la phrase principale est reprise pour devenir « Ah, les hommes ! les hommes ! les hommes ! »…).
La scie : « Si je suis belle », l’air de Sylvie, inclut toutes les vocalises souhaitables pour faire plaisir à Mme Carvalho.
Anecdote : Après l’excellent accueil qui lui avait été réservé à Baden-Baden, La Colombe dut attendre six ans pour être montée à Paris. Venant après l’échec de La Reine de Saba, elle permit aux critiques de confirmer leur verdict : Gounod était plus doué pour le genre intime que pour le grand opéra.
CD recommandé : Opéra Rara a récemment publié une version interprétée par une jolie distribution hélas partiellement francophone, ce qui est surtout un problème dans les dialogues parlés. L’ancienne version avec Janine Micheau et Lucien Lovano pourrait donc conserver encore longtemps de solides attraits.
DVD recommandé : YouTube propose, tronçonné en neuf morceaux et dans une qualité très médiocre, le spectacle monté par Pierre Jourdan à Compiègne en 1995, qui a pour sérieux défaut de confier le rôle de Mazet à un ténor. Des extraits en playback et en hongrois traînent aussi sur Internet…