La Périchole d’Offenbach mise en scène par Laurent Pelly au Théâtre des Champs-Elysées du 13 au 27 novembre ; les 40 ans des Musiciens du Louvre auxquels France Musique consacre une journée spéciale le 8 novembre avec, en point d’orgue, la diffusion du concert de gala enregistré le 19 octobre à l’Opéra royal de Versailles ; un livre aux Editions Séguier… Cet automne, Marc Minkowski fait feu de tout bois.
Marc Minkowski, Chef d’orchestre ou centaure, tel est le titre d’un livre confessionnel qui sort le 10 novembre aux Editions Séguier. Entretien ou biographie ?
Entretien. Entretiens au pluriel, avec Antoine Boulay qui n’est ni journaliste ni musicien professionnel mais, comme on dit au piano, « grand amateur ». Et grand bosseur ! C’est lui qui a eu cette idée : profiter du double anniversaire de l’ensemble et du fondateur pour raconter l’histoire à quelqu’un qui aime sans être du sérail. Donc s’adresser à tous. L’histoire : celle d’un parcours pas très typique. Mais aussi évocation de mes maîtres et modèles, visite à mes deux familles : la dynastie colorée des Minkowski, et la branche maternelle, les Wade, historiquement la plus « musicienne ». C’est aussi une vraie confession, un recueil de souvenirs joyeux ou moins joyeux, une ode à la nature qui est mon milieu naturel et au cheval qui me complète au sens propre, un regard posé sur quelques expériences dont certaines pourraient servir aux collègues plus jeunes, une galerie de portraits que j’espère honnêtes et vivants.
Les Musiciens du Louvre ont soufflé cette année à Versailles leurs 40 bougies dans un programme Gluck et Haendel. Après tant d’années de redécouverte des répertoires baroque, classique et romantique sur instruments d’époque, comment parvenez-vous à maintenir intact l’enthousiasme originel ?
L’enthousiasme, vous prononcez le maître-mot. L’intermittence repose sur l’enthousiasme. Elle limite par définition les effets de la routine. Les ensembles de musiciens intermittents sont toujours en route, jamais arrivés. Ils voyagent plus que les autres, non seulement en train, en car et en avion, mais à travers les styles, les techniques, les éditions, les découvertes. Les effectifs eux-mêmes évoluent, se régénèrent… comme le fondateur.
Les Musiciens du Louvre sont aussi un havre pour les chanteurs, amis ou novices. Depuis quarante ans nous accompagnons les premiers pas puis les destinées de nombreux talents. Quel honneur pour nous de voir ce qu’est devenue la fine fleur du chant européen, notamment français, dont nous avons été en quelque sorte le parrain. Nous sentons cette mission comme une vocation. Notre gala d’anniversaire le montre : Laurent Naouri chantait un air de La resurrezione, oratorio de Haendel que nous avons enregistré ensemble il y a presque trente ans ; nous retrouvions aussi Magdalena Kozena dont nous avons guidé les premiers pas en Europe de l’Ouest à la même époque ; mais aussi la toute jeune Caroline Jestaedt, ou Marie Perbost qui se produisait avec nous pour la première fois. Retrouver Gaëlle Arquez et Stanislas de Barbeyrac en Armide et Renaud six ans après notre somptueuse production à Vienne, proposer à Aude Extrémo sa première Alceste et à Paul-Antoine Bénos son premier Dardano, admirer l’éclosion de Marina Viotti, pousser Florian Sempey vers les baryténors de Haendel si souvent confiés à des Evangélistes déroutés, suivre le chemin d’Alexandre Duhamel qui affirme une personnalité de plus en plus dramatique… ce compagnonnage intense, jamais en repos, avec des artistes capables à l’occasion d’une soirée d’anniversaire de prendre de vrais risques parce que la confiance règne : quelle récompense plus précieuse ?
Le même esprit court dans l’orchestre. Mercredi soir, Jean-Michel Forest, notre contrebassiste depuis les premiers jours, côtoyait de (tout) nouveaux venus. Le relais passe, la vie circule, tout le monde peut le sentir, à l’intérieur comme dans le public.
Quel(s) univers vous reste-t-il à explorer ?
Venus de Lully, Rameau, Haendel et Gluck, nous avons depuis longtemps élargi notre répertoire à Mozart, Haydn, Schubert, Mendelssohn, Offenbach, Bizet, Johann Strauss, Massenet et au-delà. Nous avons déjà enregistré Le Vaisseau fantôme : Wagner reviendra bientôt. Mais aussi le Grand opéra de Meyerbeer, Halévy et Verdi. Bruckner j’espère – que je dirige régulièrement avec des formations permanentes mais qui reste à conquérir pour l’ensemble. Comme Beethoven, que nous avons visité souvent et ne me quitte pas, mais dont j’ai toujours repoussé l’enregistrement. Certaines œuvres ont besoin de fraîcheur, d’autres doivent mariner, mûrir. La plupart aiment les deux. Si nous devions nous fixer un idéal, ce serait cela : la maturité comme une première fois.
Marc Minkowski © Edouard Brane
Vous retrouvez prochainement au Théâtre des Champs-Élysées votre complice offenbachien de toujours, Laurent Pelly, dans une nouvelle production de La Perichole. Pour quelle version de l’œuvre avez-vous opté : 1868, 1874, ou un peu des deux, comme en 2018 lors des représentations bordelaises ?
Trois actes comme en 1874, donc une autre version que celle de 2018 qui fêtait le siècle et demi de… 1868. Cette année « 1868 » était le thème du festival organisé à Salzbourg par Cecilia Bartoli, à l’origine du premier projet, ceci expliquant cela. Nouvelle Périchole pour moi, nouvelle Périchole pour Laurent Pelly vingt ans après le spectacle qu’il avait monté à Marseille. Tout sera nouveau – hormis le Vice-Roi et Piquillo qui ont enregistré l’œuvre avec nous. En pleines répétitions, je ne peux rien dire, sinon que Laurent se déchaîne. Je me crois revenu à l’époque de nos Orphée, Belle Hélène, Grande-Duchesse et Hoffmann. La même rigueur millimétrée dans le délire complet, la même joie de sortir du studio épuisé, la même création collective où chacun donne tout ce qu’il a. Chut ! mais confiance…