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L’opéra au cinéma, l’envers du décor

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Enquête
8 mai 2017
L’opéra au cinéma, l’envers du décor

Infos sur l’œuvre

Détails

Diffuser en direct une représentation d’opéra dans les cinémas du monde entier : tel est le pari fait en 2006 par Peter Gelb, le directeur du Metropolitan Opera. Depuis la machine est rodée et chaque année, la programmation cinématographique fait l’objet d’une annonce en parallèle de la saison lyrique. Nom de guerre : Live in HD. Comprendre « en direct et en haute définition ». « Souvent imité, jamais égalé » pourrait en être le slogan. Nombreuses en effet sont les maisons d’opéra ayant tenté de reprendre le procédé. En vain. Les ingrédients du succès n’ont rien de secret mais le savoir-faire, basé sur une expérience d’une dizaine d’années, et des distributions entre toutes prestigieuses, seules capables d’attirer un large public, rendent la formule inapplicable ailleurs, pour le moment et sans doute pour longtemps encore.


Metropolitan Opera Live in HD : dernière mise au point avant le début de la représentation © Christophe Rizoud

Gary Halvorson, l’homme clé de l’opération

Dans la salle du Metropolitan Opera, rien ne différentie une représentation diffusée en direct d’une représentation normale si ce n’est la présence de caméras, jusqu’à dix, disposées savamment en fonction de l’œuvre jouée. Pour Eugène Onéguine le 22 avril dernier par exemple, choix avait été exceptionnellement fait de placer une caméra au-dessus de la fosse d’orchestre en raison des nombreux ballets et passages symphoniques que comprend la partition. Qui décide de cette installation ? Gary Halvorson, l’homme clé de la retransmission. Présent dès les répétitions, ce pianiste de formation, réalisateur par ailleurs de plusieurs épisodes de la série Friends, positionne les caméramans, comme un chef militaire ses troupes avant l’assaut. Le jour J, c’est dans un camion garé à l’extérieur du Lincoln Center qu’il mène les opérations. Là, entouré d’une dizaine de personnes dans un espace minuscule d’une dizaine de mètres carrés, l’homme se fait démiurge.


Metropolitan Opera Live in HD : Gary Halvorson dirige la retransmission © Christophe Rizoud

Un vrai travail de création artistique

Sur un mur face à lui, comme dans un film de science-fiction, une dizaine d’écrans numérotés, un par caméra. Derrière lui, les techniciens en charge de la synchronisation des sous-titres dans toutes les langues, plus d’une dizaine en tout : anglais, français, allemand mais aussi suédois. Autour de lui, deux assistants. L’un est la tête, l’autre la main de Gary Halvorson. Le premier, l’œil fixé sur la partition, le guide ; le second répond à ses instructions à savoir une suite de chiffres accompagnés d’un claquement de doigts. Cinq ; trois ; sept ; trois… : chaque chiffre désigne le numéro de la caméra dont l’image doit être affichée à ce moment précis sur l’écran de cinéma. Dans la salle, absorbé par la musique, on ne s’en rend pas forcément compte, mais durant l’air de Lenski par exemple, les changements de plan sont ininterrompus. Zoom sur le profil droit du chanteur lorsque l’expression gagne en intensité ; retour sur une vision d’ensemble dès que la tension se relâche, etc. Tout l’art de Gary Halvorson consiste à ce que la meilleure image possible soit précisément calée sur la bonne note de musique. Un vrai travail de création artistique. Compte tenu du rythme, autant dire que l’entracte est bienvenu. Eugène Oneguine est un ouvrage d’une durée moyenne avec des actes relativement courts ; on imagine la concentration nécessaire pour un opéra wagnérien !


Metropolitan Opera Live in HD :  en coulisse, interview d’Elina Garanca et Günther Groissböck  par Renée Fleming  © Christophe Rizoud

Renée Fleming en action

Paradoxalement, le plus problématique n’est peut-être pas la retransmission de l’opéra, somme toute rodée depuis le temps, mais l’entracte. Il s’agit d’occuper les deux fois trente minutes d’interruption du spectacle. Le changement de décor filmé depuis la coulisse ne suffit pas à distraire un public enfermé dans une salle de cinéma souvent dépourvue d’espaces de convivialité. C’est alors qu’intervient le présentateur de l’émission, généralement une star de l’opéra : Deborah Voigt, Susan Graham ou, ce 22 avril, Renée Fleming. Maréchale dans Der Rosenkavalier sur cette même scène la veille, la soprano a troqué sa partition contre un micro, le tout bénévolement. Avec deux entractes auquel s’ajoute un mot d’introduction, la chanteuse est essentielle au succès de la retransmission. Ses interventions, la plupart sous forme d’interview, sont nombreuses avec les risques que comporte toute prise de parole en direct. Il s’agit ni de bafouiller, ni de se mélanger les pinceaux. Si « impossible » n’est pas français, « amateur » n’est pas américain. Préalablement rédigé, chacun de ses speechs est répété plusieurs fois, les questions des interviews soigneusement préparées. Pourtant la tension demeure perceptible, chez l’animatrice dont le sourire figé trahit l’appréhension, comme chez les artistes interviewés, visiblement plus inquiets de parler devant une caméra que de chanter sur scène. Accompagnée de multiples assistants – maquilleurs, techniciens… –, aidée d’un téléprompteur, guidée par un minutage précis à la seconde près, Renée Fleming est en coulisse l’objet de toutes les attentions. Le 13 mai prochain, lors de la retransmission sur grand écran de Der Rosenkavalier, elle sera toujours en direct mais cette fois de l’autre côté du rideau avec, gageons-le, le même sang-froid. Il le faut : un peu partout dans le monde entier, plusieurs centaines de milliers de spectateurs seront de nouveau au rendez-vous. 

Prochaines retransmissions « Live in HD »

  • Richard Strauss, Der Rosenkavalier, 13 mai 2017
    Saison 2017-18
  • Vincenzo Bellini, Norma, 7 octobre 2017 (nouvelle production)
  • Wolfgang Amadeus Mozart, Die Zauberflöte, 14 octobre 2017
  • Thomas Adès, L’Ange exterminateur, 18 novembre 2017 (nouvelle production)
  • Giacomo Puccini, Tosca, 27 janvier 2018 (nouvelle production)
  • Gaetano Donizetti, L’elisir d’amore, 10 février 2018
  • Giacomo Puccini, La Bohème, 24 février 2018
  • Gioachino Rossini, Semiramide, 10 mars 2018
  • Wolfgang Amadeus Mozart, Cosi fan tutte, 31 mars 2018 (nouvelle production)
  • Giuseppe Verdi, Luisa Miller, 14 avril
  • Jules Massenet, Cendrillon, 28 avril (nouvelle production)

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