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Lili Boulanger et son opéra perdu : prémices d’une enquête

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Actualité
18 décembre 2020
Lili Boulanger et son opéra perdu : prémices d’une enquête

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Détails

« En tant qu’ami de la France, je voudrais vous dire ma surprise que Lili Boulanger ne soit pas considérée pour ce qu’elle est : c’est-à-dire la plus grande des femmes compositeurs de l’Histoire de la Musique ! »
Igor Markévitch

Il est pour le moins paradoxal que cette figure féminine du début de l’autre siècle n’ait laissé en France que l’empreinte d’une élégante évanescence alors qu’elle est portée aux nues aux Etats-Unis. Et pourtant, Lili Boulanger aurait dû marquer les esprits de son temps et arriver jusqu’à nous auréolée d’une notoriété due tant à son talent qu’au mythe d’un jeune être emporté à l’aube d’un destin prometteur. A l’ère des suffragettes toutes entières vouées à leur cause, l’art musical de Lili est une révolution de velours, une expression à pas feutré d’un féminin qui tend vers un pluriel universel dans un monde qui bascule. « Intelligence du sujet. Justesse de la déclamation. De la sensibilité et de la chaleur. Sensibilité poétique. Orchestre intelligent et coloré », c’est en ces termes que les Académiciens, qui lui décernent le Grand Prix de Rome, évoquent sa musique.  Ce même jour, Auguste Mangeot dans Le Monde musical, écrivait « le féminisme venait de remporter une victoire décisive et éclatante. » Et pourtant, les esprits fin de siècle misogynes et moqueurs, même à l’orée d’un vingtième siècle en mutation, occupent encore le devant de la scène, dans le ton d’Emile Vuillermoz lequel, dans son article Le péril Rose (Musica, 11 – 1912), mettait en garde ses lecteurs contre le danger de l’incursion des femmes dans la musique française et ses conséquences désastreuses sur sa qualité car, selon lui, la mode remplacerait bientôt la création. C’est dans ce contexte d’une société entre deux rives, l’une conservatrice, l’autre annonciatrice d’une aube nouvelle sous l’impulsion du désir de liberté qui meut les peuples d’Europe, que le talent de Lili Boulanger émerge. La parenthèse sera brève mais d’une intensité et d’une puissance musicale rare.

La jeune compositrice est l’incarnation du don, cette offrande de la Providence qui ne s’explique pas, comme un prolongement naturel de son être. Ce don n’échappe pas au regard de sa sœur, Nadia : « Dès sa petite enfance et jusqu’à l’âge de seize ans, elle se promène à travers la musique, chantant, travaillant divers instruments, mais ne se décidant à rien. Quel monde intérieur construit-elle, cette curieuse petite fille au caractère si précocement dessiné ? ». Mais à seize ans, Lili a une révélation, elle sera compositeur. En 1912, après quelques mois passé dans la classe de composition de Paul Vidal, elle se porte candidate au Concours de Rome. Elle doit hélas renoncer à la compétition, pour cause de santé déjà fragile, après avoir toutefois réussi la fugue et le chœur du « concours d’essai ». Mais l’année suivante, elle se présente de nouveau et remporte à 19 ans, avec sa cantate Faust et Hélène, le grand Prix de Rome de composition musicale, décerné pour la première fois à une femme. Mais c’est au seuil d’une gloire naissante qu’elle est emportée par une tuberculose intestinale que l’on nommera plus tard syndrome de Crohn. Le roman de sa vie s’achève en effet le 15 mars 1918, par un chef-d’œuvre ultime, Pie Jesu, dicté sur son lit de mort à Nadia, qui désormais entretiendra, avec un attachement viscéral, sa mémoire et son œuvre.

Mais avant son grand départ, Lili Boulanger se prend de passion pour l’œuvre de Maurice Maeterlinck. Elle donne à quelques-uns de ses poèmes une parure musicale mais est surtout captivée par La Princesse Maleine, une pièce d’inspiration shakespearienne dont elle nourrit l’ardent désir de tirer un opéra. Un opéra qui restera inachevé, suspendu sur le fil du temps, et qui demeure aujourd’hui entouré d’énigmes et de mystères autant sur ce qui motiva Lili Boulanger à dédier son talent à la pièce de Maeterlinck que sur les raisons pour lesquelles une grande partie du matériel de composition a été perdu. Une jeune femme décédée prématurément à l’âge de 24 ans, un opéra en suspens, des protagonistes aux patronymes dignes des Maîtres du roman à énigmes, telle que cette première biographe de Nadia, Leonie Rosenstiel, sont autant d’éléments qui fascinent et intriguent les esprits curieux à l’imagination fertile.

Pourquoi une telle œuvre confidentielle, éditée en 30 exemplaires en 1889, égarée depuis dans le labyrinthe du temps, a-t-elle eu une telle résonnance dans l’esprit de la jeune compositrice ? Pour comprendre, il faut s’immerger dans l’essence même de ce drame écrit en  prose et qui a drainé en son temps les mots les plus élogieux d’Octave Mirbau dans les colonnes du Figaro 24 août 1890: « Je ne sais rien de M. Maurice Maeterlinck. Je sais seulement qu’aucun homme n’est plus inconnu que lui et je sais aussi qu’il a fait un chef-d’oeuvre. M. Maurice Maeterlinck nous a donné l’œuvre la plus géniale de ce temps et oserais-je le dire, supérieure en beauté à ce qu’il y a de plus beau dans Shakespeare ». Le traitement de la fatalité dans la Princesse Maleine a souvent été comparé à celui de Macbeth que Maeterlinck traduisit en 1909. Et en effet, c’est bien dans un drapé shakespearien que se donne à voir ce drame étrange d’âmes en errance qui se laissent guider par un destin qu’elles pressentent, mais auquel elles ne tentent à aucun moment de se soustraire ou d’en dévier la trajectoire. Dans la pièce de Maeterlinck, tout comme dans celle de Shakespeare, on retrouve, entre autres, le personnage de la reine cruelle et meurtrière, et du vieux roi qui sombre dans la folie.

Dans le château du vieux Marcellus, Roi des deux Hollandes, à l’époque médiévale, on fête les fiançailles de sa fille, Maleine, avec le prince Hjalmar, fils du Roi Hjalmar, le vieux. Une comète apparaît alors dans le ciel et semble verser du sang sur le château, « une de ces funestes étoiles à longue chevelure qui annoncent la mort des princesses » dit l’un des gardes en faction. Soudain, les vitres éclatent, s’ensuivent cris et tumulte. Le vieux roi Hjalmar, père du prince, subodorant une malédiction interpelle Marcellus: « Je vous laisse votre Maleine avec sa face verte et ses cils blancs.» Le château est ensuite incendié, Marcellus est mort, et Maleine disparaît.  Croyant cette dernière morte, Le prince Hjalmar se fiance à Uglyane, fille de la reine Anne dont le vieux Hjalmar est éperdument amoureux. Toujours en vie, Maleine s’est réfugiée dans une Tour avec sa servante. Elle décide finalement de rejoindre Yselmonde, le château d’Hjalmar où, se faisant passer pour une suivante, elle reconquiert le cœur du prince. La reine Anne feint alors d’accepter l’idée d’une union entre Hjalmar et Maleine mais elle nourrit en réalité haine et jalousie envers la jeune princesse laquelle est atteinte d’un mal mystérieux que l’on attribue à l’air des marais qui entourent le château. Le pressentiment d’une fin tragique prend alors corps lorsqu’on apprend du médecin que la Reine lui a demandé du poison, ce qui donne ainsi un écho tout particulier aux craintes du Prince Hjalmar au sujet d’Anne au premier acte : « Elle travaille comme une taupe à je ne sais quoi ; elle a excité mon pauvre père contre Marcellus et elle a déchaîné cette guerre entre les deux camps ; il y a quelque chose là-dessous ! ». Anne devine alors les soupçons que nourrit le jeune Hjalmar à son égard et craint d’être démasquée et discréditée aux yeux du Vieux Roi. Anne pénètre alors dans la chambre de Maleine, par une nuit sombre et lugubre, et étrangle la princesse alors qu’un orage éclate. Dehors les paysans rassemblés voient entrer dans le port un navire de guerre noir. Lorsque le vieux roi Hjalmar, devenu fou, dénonce le crime d’Anne, son fils poignarde cette dernière avant de se donner la mort.

L’inspiration du Maître de Stratford habite incontestablement cette histoire à l’atmosphère étrange, laissant planer l’ombre de la tragédie et de la mort, agrémentée d’une atmosphère ténébreuse dans le plus pur style d’Edgard Allan Poe, une encre noire dans laquelle le poète belge a, à l’évidence, trempé sa plume au point de se sentir possédé par les ombres et les mystères de l’écrivain et poète américain. « Je suis profondément troublé. Dans ma pauvre Princesse je ne vois que de Shakespeare, de l’Edgar Poe et je n’y distingue plus rien qui m’appartienne ». La Princesse Maleine baigne dans un climat d’angoisse. Un château fantomatique, une lumière pâle presque mortifère, des personnages insaisissables suggèrent ici la tragédie qui couve sous les braises, et qui n’en finit pas de se faire attendre, comme les trépas sublimes des héros de l’opéra. A cet égard, La princesse Maleine apparait, à l’évidence, un terreau fertile pour une œuvre opératique. Et c’est sans doute le tragique et le sublime de cette pièce, comme une peinture suggérant sans l’exhiber toutes la palette des émotions humaines, qui a capturé d’emblée l’attention et l’inspiration de Lili Boulanger. Il faut également se rappeler que la jeune compositrice aimait les écrivains symbolistes tels que Francis Jammes et Paul Claudel. Elle avait d’ailleurs conservé dans son journal de 1915 un passage du Trésor des humbles de Maeterlinck que sa mère avait copié pour elle. Aussi, quand elle a lu la pièce du poète belge pour la première fois en 1911, elle a naturellement copié certaines répliques et fait des croquis pour plusieurs scènes dans un carnet. Bien que cela ne l’ait pas à ce stade conduite plus loin, sa première fascination pour la pièce de Maurice Maeterlinck est demeurée et s’est ainsi ultérieurement imposée dans son esprit comme sujet idéal pour un opéra.

Et il y a la figure de Maleine, cette héroïne fragile perdue dans les brumes de l’angoisse et du mystère, victime d’une machination dont l’étau se resserre peu à peu autour d’elle, tout comme la mort attend Lili en embuscade et qu’elle emportera dans la fleur de l’âge. Dans  la trajectoire de Maleine peut se lire, en miroir, le destin de Lili, une vie qui avait commencé sous les meilleurs auspices et qui s’achève sous d’obscures ténèbres, ceux d’une guerre mondiale et des affres de la maladie. Dans  une interview avec Leonie Rosenstiel, Nadia a révélé que sa sœur cadette « s’identifiait à la pauvre petite héroïne de Maeterlinck [Maleine] tout comme elle avait déjà ressenti ce sentiment d’union entre elle et la jeune fille évoquée par Francis Jammes dans les Clairières ». La fragilité et la souffrance de  Lili Boulanger fait d’elle-même une héroïne d’opéra. Et elle s’identifie d’autant plus à Maleine qu’il ne s’agit pas seulement pour elle de mettre en musique une œuvre littéraire mais d’imposer un style féminin dans l’opéra dans un début de siècle qui le rejette encore. Une telle identification avec Maleine tant dans l’esprit de la compositrice elle-même que celui de Maeterlinck va créer un lien d’empathie entre eux. Le poète belge saisit d’emblée que Lili a été choisie par le destin pour compléter en opéra la pièce de théâtre qui dépeint le scénario de sa propre vie. Et cette identification est si forte dans l’esprit de Maeterlinck qu’il n’est pas concevable qu’elle quitte la vie sans avoir achevé cet opéra auquel elle tient tant. « Chère Mademoiselle et amie. Toutes mes pensées sont avec vous dans votre douleur et votre inquiétude. Mais j’ai une confiance qui me viens je ne sais d’où et que je voudrais vous faire partager. Je sens, je dirais presque, je sais que l’enfant de génie qui doit donner une voix à “la Princesse Maleine” ne peut pas s’en aller avant d’avoir accompli son œuvre qui semble se confondre avec son destin » (Correspondance, Bibliothèque Nationale de France).

Ce sont sans doute les nombreuses correspondances entre l’homme de lettres, la compositrice et l’éditeur Tito Ricordi qui rendent le mieux compte de la synergie créative qui les unit dans l’élaboration de cet opéra. Maeterlinck se sent d’autant plus en confiance dans ce travail à trois inspirations qu’il donne toute latitude à Lili Boulanger et à Ricordi pour adapter son œuvre et apparaît pleinement satisfait du résultat : « L’adaptation me parait très habile et très heureuse », écrit-il à Lili Boulanger le 24 Juin 1916 (Département de la Musique, Fonds Boulanger). Il  récompense d’ailleurs Ricordi en acquiesçant à son désir que son nom figure sur le livret de la Princesse Maleine. Lili, quant à elle, se jette dans les flammes de son enthousiasme et prend son sujet à bras le corps comme l’exprime Tito Ricordi dans une lettre adressée à Maurice Maeterlinck le 8 Septembre 1916 : « J’ai de bonnes nouvelles de Mlle Lili Boulanger et je sais qu’elle travaille avec grand enthousiasme à cette œuvre où elle va mettre toute son âme et tout son cœur d’artiste » (Milan, Archivio Storico Ricordi, Copialettere 1916–17, II, no 408).

La suppression opérée par Lili Boulanger et Tito Ricordi de plus de la moitié du texte de Maeterlinck a sensiblement modifié la substance du drame. La compositrice et l’éditeur ont concentré l’action d’une part, sur la guerre en prise direct avec le contexte de leur temps, mais sans la gloire et les honneurs qui sont habituellement donnés à voir dans les livrets d’opéra, et d’autre part, sur le personnage de Maleine et ses relations avec la reine Anne. Dans la pièce, Maleine est très peu présente, étant assassinée à l’acte IV. Elle est une évocation au cœur d’une histoire. Son ombre à la lumière vacillante, silhouette frêle en fin de vie, traverse la scène sans véritablement l’occuper dans la pure tradition du symbolisme. Mais l’aura de son âme errante est omniprésente. Ricordi et Lili ont voulu donner à cette figure évanescente une existence de chair et de sang, un cœur qui bat, et une place physique centrale, tout en respectant les codes symboliques, des ombres et des mystères. Cela est particulièrement apparent au dernier acte de l’opéra, où l’action se concentre entièrement sur la mort de Maleine, alors que dans la pièce de Maeterlinck, cette scène était précédée par une scène au cimetière et suivie ensuite par un rassemblement prolongé des protagonistes de la cour dans lequel le Vieux Roi révèle publiquement la culpabilité d’Anne. Dans l’œuvre de Maeterlinck, Maleine ne semble apparaître que comme une parenthèse dans les évènements dont les autres personnages sont les protagonistes principaux. Lili Boulanger et Ricordi, au contraire, font de sa vie, de son agonie et de sa mort le fil conducteur de l’histoire.

En 1914, la jeune compositrice s’installe à la Villa Médicis, séjour interrompu par la déclaration de guerre. Elle y reviendra en 1916, mais la période est marquée à la fois par l’aggravation de son état de santé et une force créatrice hors du commun, qui la pousse à exprimer dans sa musique toutes les émotions qui la traversent : la peur, l’espérance, la force de vivre, l’accablement, l’acceptation, la sérénité.  A ce stade, elle a presque terminé le découpage en actes de La Princesse Maleine. Mais que nous reste-il de ce travail passionné dans lequel elle s’est toute entière investie ? Quels vestiges ont traversé le temps pour nous porter le témoignage du désir inassouvi d’une grande œuvre opératique ? Il reste à ce jour deux versions du livret, une courte partition de l’acte 1, scène II, et un carnet de notes contenant des croquis de scène et les motifs musicaux écrits pour chaque lieu et personnages (dont le fameux motif à 13 notes associé à Maleine). Ce carnet semble être en outre une sorte de journal de ses corrections de la partition complète de l’opéra. Il demeure également les nombreuses correspondances entre Lili, Maeterlinck et Ricordi. Par ailleurs, certains écrits des témoins du temps de la compositrice, dont notamment Théodore Dubois, laisseraient subodorer qu’Il pourrait également exister une transcription piano-voix  de l’opéra mais sans que son existence soit pour autant avérée. Et selon Annegret Fauser, auteur de la première étude en langue anglaise dédiée à La Princesse Maleine de Lili boulanger, ce que semble corroborer la thèse de Leonie Rosenstiel, qui y fait référence, il existerait également trois carnets de croquis à reliure rouge, perdus à  ce jour, contenant la composition d’ensemble et qui seraient infiniment précieux à une lecture globale de l’oeuvre.

Pour l’heure, les quelques fragments restants de l’opéra pourraient permettre un travail non de reconstitution mais tout au moins d’interprétation de La Princesse Maleine de Lili Boulanger. C’est l’orientation prise par Olivier Dhénin, directeur de la compagnie Winterreise, qui, lorsqu’il était résident à la Villa Médicis a entrepris un travail d’enquête sur l’opéra de Lili Boulanger dont il souhaitait proposer en collaboration avec une compositrice, Nigji Sanges, une version musicale recomposée en partant du livret qui est entièrement rédigé. Olivier DhénIn avait d’ailleurs fait référence  à ses recherches en préambule d’un spectacle dédié à Maeterlinck et chroniqué dans nos colonnes par Laurent Bury. Ce travail d’interprétation est toujours en cours, mais demeure suspendu à l’éventuelle réapparition des carnets rouges qui pourrait alors donner une dimension nouvelle à une recomposition de l’œuvre de Lili Boulanger.

Reprenant à notre tour le fil des investigations, force est de constater que  les vestiges perdus de cet opéra demeurent entourés de mystères dignes d’un roman à énigmes agathachristien. A l’ouverture en 2011 de la valise protégée appartenant à Nadia, il était entretenu l’espoir d’y retrouver les fameux carnets rouges. Hélas ces précieux écrins de l’opéra de Lili ne figuraient pas parmi les documents de cette valise ayant traversé le temps. On ne peut être qu’intrigués par la disparition de ces carnets, et ce d’autant au regard du soin scrupuleux que Nadia portait à l’héritage musical de sa sœur. Il semblerait que la biographe Leonie Rosenstiel aurait eu accès à divers documents pour la rédaction de sa thèse sur Lili Boulanger, et également à ces carnets dans la mesure où elle les évoque dans ses écrits. Quelques années plus tard, au début des années 80, il a été annoncé publiquement qu’un certain nombre de documents recueillis au fil des années sur la jeune compositrice sous l’appellation Fontainbleau allaient être mis en vente. La vente n’a in fine pas eu lieu. Il n’est toutefois nullement établi que les carnets auraient pu figurer parmi les pièces proposées. Un jour peut-être ces carnets, passagers clandestins d’un tiroir ou d’une valise, feront escale en quittant leur écrin de l’ombre pour jaillir en pleine lumière.

Lili Boulanger était au seuil de composer une des œuvres les plus marquantes de toute la musique française post-debussyste, traduction d’une douleur lancinante à travers le prisme d’un personnage miroir d’elle-même.  L’œuvre semble pouvoir s’entendre, en effet, presque comme un autoportrait (la jeunesse, la maladie, la mort), mais également comme la naissance d’un style féminin dans la composition d’une œuvre lyrique. De nombreux auteurs ont été identifiés à leurs héroïnes et Lili Boulanger n’est pas la seule musicienne dont la vie aurait été comprise à travers le prisme d’une figure littéraire. Mais si La Princesse Maleine avait pu être donnée à entendre, elle aurait sans doute concouru à faire de Lili Boulanger une jeune compositrice emblématique de l’avant-garde musicale d’un début de siècle en pleine mutation et non pas seulement la figure fragile d’un féminisme naissant.

Au seuil de sa mort elle écrivait  à sa sœur : « je comprends que je ne pourrai jamais avoir le sentiment que j’ai fait ce que je voudrais, mais j’ai fait au moins ce que je dois ! ». Elle se devait d’écrire cet opéra, elle le portait en elle, et le plus bel hommage à la jeune compositrice serait que les derniers témoignages de son opéra parviennent enfin jusqu’à nous à travers le labyrinthe du temps. Que cette étude puisse, peut-être, modestement y contribuer…

 

BIBILIOGRAPHIE SELECTIVE

Leonie Rosenstiel, The life and works of Lili Boulanger, Fairleigh Dickinson University Press, U.S. (1er août 1978)

Leonie Rosenstiel, Nadia Boulanger, A Life in Music, W.W. Norton and Co (27 Octobre 1982)

Jérôme Spycket, A la recherche de Lili Boulanger, Fayard (20 Octobre 2004)

Alexandra Laederich, Nadia et Lili Boulangertémoignages et études, Symétrie (26 Octobre 2007)

ETUDES

Annegret Fauser, Lili Boulanger’s « a princesse Maleine » : A Composer and Her Heroine as Literary Icons, Journal of the Royal Musical Association, 1997, Vol. 122, No. 1 (1997)

DISCOGRAPHIE SELECTIVE

Autour de Lili Boulanger, Helene Schneiderman, Emilie Naoumoff, Philarmonia Choir Stuttgart, direction : Helmut Wolf (1CD Saphir Productions)

Lili et Nadia Boulanger, Cyril Dubois, Tristan Raës (1 CD Aparte)

Clairières dans le ciel, Cyril Dubois, Tristan Raës (1 CD Hortus/EMI)

Du fond de l’abîme, Sally Bruce-Payne, Julian Podger, The Monteverdi Choir, London Symphony Orchestra, direction: John Eliot Gardiner (1CD Deutsch Grammophon)

Faust et Hélène, City of Birmingham Chorus, Direction : Yan Pascal Tortelier (1 CD Chandos Records)

Hymne au soleil, Orpheus vokalensemble, Antonii Baryshevskyi, Michael Alber, (1CD Carus)

Pie Jesu, Janet Price, Nadia Boulanger, BBC Symphony,  (1CD BBC Music)

 

 

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