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Les croisades et l’opéra, sanglantes épopées

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Actualité
20 novembre 2020
Les croisades et l’opéra, sanglantes épopées

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Blondel, blond troubadour, prend son luth et, d’une voix vibrante se met à chanter : « O Richard ! O mon roi ! / L’univers t’abandonne / Sur la terre il n’est donc que moi / Qui s’intéresse à  ta personne ? » Nous sommes ici dans l’opéra de Grétry « Richard Cœur de Lion » dont le DVD enregistré par Hervé Niquet vient de sortir. On est au temps des croisades. Richard Cœur de Lion qui a surmonté la sanglante épopée de la troisième croisade, s’est fait emprisonner, en rentrant en Europe, par un souverain autrichien. Pas de chance ! Cela fait un sujet d’opéra… Comme tous les grands faits d’histoire, les croisades ont trouvé écho dans la musique et dans l’art lyrique. Remontons les siècles…


Richard Coeur de Lion – dir H. Niquet © Agathe Poupeney 2019

Huit croisades se sont déroulées entre 1096 et 1270, la première étant celle de Godefroy de Bouillon, les deux dernières celles de Saint Louis. C’est à l’époque de la première croisade qu’est apparue la « chanson de geste » – ancêtre de l’art lyrique. La « geste » était, comme chacun sait, l’action d’éclat des héros. Trouvères et troubadours s’y donnaient à coeur joie et la chantaient, le soir, quand le feu flambait et que le vin coulait dans les salles de banquet des châteaux forts. Les belles minaudaient sous leurs coiffes aguichantes. Pour les séduire, les seigneurs inventaient des aventures épiques.

L’imagination des trouvères ou troubadours était sans limite. Ils créaient à foison des légendes autour des faits historiques. C’est ainsi que, dans les premières chansons de geste est apparu le personnage du chevalier au cygne qui aurait été un aïeul du héros de la première croisade, Godefroy de Bouillon. Que deviendra, sept siècles plus tard, ce personnage du chevalier au cygne ? Lohengrin, fils de Parsifal, chevalier du Graal, héros des opéras de Wagner.

Une autre légende est rattachée à la première croisade : celle de la magicienne Armide qui transforme en animaux les chevaliers chrétiens venus attaquer Jérusalem et qui tombe amoureuse de l’un d’eux, Renaud. Cette histoire a été racontée au XVIème siècle par le poète italien Tasso, dit le Tasse, dans sa « Jérusalem délivrée ». Elle a suscité une cascade d’opéras : de Vivaldi, Lully, Gluck, Haendel, Salieri, Rossini et même – c’est moins connu – de Dvořák.


Armide de Lully – dir. C. Rousset © Opéra National de Lorraine

L’ Armide de Lully, avec son célèbre monologue « Enfin il est en ma puissance » et sa fameuse passacaille, est la dernière grande œuvre de son compositeur, raillée par Rousseau lors de la Querelle des Bouffons. Le livret, dû à Quinault, a été repris par Gluck au siècle suivant pour sa propre Armide. Celle de Haendel a pour titre Rinaldo (Renaud en italien). C’est dans cet opéra que se trouve l’air célèbre air « Lascia ch’io pianga ». Le personnage de Goffredo n’est autre que Godefroy de Bouillon L’Armida de Rossini, écrite par le compositeur pour sa femme Isabelle Colbran sollicite pas moins de… six ténors. Quant à l’Armide de Dvořák, datant de 1904, elle témoigne du désir du compositeur de la Symphonie du Nouveau Monde de se rapprocher, à la toute fin de sa vie, du style de Wagner.

Toujours inspirée par la première croisade, voici I Lombardi alla prima crociata. Qui en est le compositeur ? Giuseppe Verdi en personne. Fier du succès de son Nabucco à la Scala, Verdi décide de traiter à nouveau un sujet historique sur fond religieux. Une nouveauté : l’histoire concernera le passé des Milanais, lesquels sont des Lombards. Ce sera l’histoire de deux frères rivaux qui, ayant causé la mort de leur père, trouveront la rédemption en participant à première croisade. L’opéra fut créé en 1843. Le choeur « O signor dal tetto natio » deviendra comme le « Va pensiero » de Nabucco, un hymne de la révolte lombarde, le peuple s’identifiant aux croisés. Cet opéra fut transformé en Jérusalem dans une version française représentée à Paris en 1847. Pour l’occasion, les Milanais devinrent des Toulousains. Ils n’en partirent pas moins à la croisade.

Ce n’est pas dans la deuxième mais la troisième croisade qu’apparaît le personnage de Richard Coeur de Lion. Pour nous, musiciens, il était non seulement guerrier mais aussi chanteur et poète. Il ne se séparait pas de son troubadour Blondel. Richard avait de qui tenir : son aïeul, le duc d’Aquitaine Guillaume IX (1071-1127) est considéré comme le premier troubadour célèbre de l’Histoire de la musique. Dans l’opéra que lui a consacré Grétry, Richard, après avoir été séquestré par un souverain autrichien, est libéré grâce à son troubadour Blondel. On a toujours besoin d’un musicien près de soi. Le chant délie les chaînes…

C’est dans la sixième croisade qu’apparaît le personnage d’Armand, chevalier provençal laissé pour mort, qui, revenu à la vie, se fait passer pour un musulman afin d’échapper à la capture comme esclave. Il épousera en secret Palmide qu’il convertira au catholicisme. Cette histoire est celle du Croisé en Egypte, premier opéra de Meyerbeer représenté à Paris en 1825, qui valut à son auteur une considérable célébrité. On y entend un choeur des esclaves qui, éloignés de leur patrie, s’époumonent à chanter « O patrie bien aimée ! » Cela rappelle quelque chose…  

On ne sait à quelle croisade fait allusion le compositeur d’opérette Claude Terrasse dans son œuvre « Au temps des croisades ». Toujours est-il qu’il a traité avec légèreté ce sujet historique, en 1901, sur un livret de Franc-Nohain, racontant l’histoire du soldat qui part à Jérusalem en emportant avec lui la clef de la ceinture de chasteté de sa femme épousée la veille. On voit le genre. Qu’allait donc faire Terrasse en Terre Sainte ? Il prouva qu’en France on peut rire des sujets les plus sérieux. Qu’on peut tout caricaturer. Enfin presque…

 

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