Petit Papa Noël de Forum Opéra, quand tu descendras du ciel, n’oublie pas le petit soulier de mon meilleur ami, et de mon meilleur ennemi.
Laurent Bury
A mon meilleur ami, j’offre le cadeau d’une découverte enchanteresse, avec les cantates composées par Paul Dukas pour ce Prix de Rome qu’il n’obtint jamais. Un compositeur de génie, qui a trop peu écrit pour la voix, des interprètes à la hauteur, avec Hervé Niquet à la baguette et quelques-uns de nos meilleurs chanteurs français et francophones. Preuve qu’on peut encore croire au Père Noël.
Paul Dukas : Cantates, chœurs et musique symphonique – Brussels Philharmonic, Hervé Niquet (direction) – Palazzetto Bru Zane (plus d’informations)
A mon meilleur ennemi, impitoyable baroqueux qui ne tolère que la reconstitution à la chandelle de suif (la bougie, c’est trop moderne), j’offrirai innocemment le DVD de la magnifique production des Indes galantes, montée par Laura Scozzi à Bordeaux puis reprise à Toulouse. Ni perruques ni robes à panier ? Zut, j’étais pourtant sûr d’avoir fait le bon choix avec Rameau…
Jean-Philippe Rameau : Les Indes galantes – Les Talens lyriques, Christophe Rousset (direction) – Alpha
Brigitte Cormier
Toujours un casse-tête de choisir un cadeau lyrique pour mon meilleur ami ! Cette année, pas besoin d’aller chercher loin, je lui offrirai mon livre sur Ewa Podleś, la légendaire contralto polonaise, paru chez Symétrie. Pour se le procurer, rien de plus simple : http://symetrie.com/fr/titres/ewa-podles-contralto-assoluto
Brigitte Cormier, Ewa Podleś, contralto assoluto – Editions Symétrie
Mon meilleur ennemi est épris de perfection. Même les plus grands trouvent rarement grâce à ses yeux. Je lui ai choisi un « monument vivant » devant lequel, pour changer, il ne pourra que s’incliner.
José van Dam : Coffret autographe du 75e anniversaire – 10 CD : Opéra, Oratorio, Mélodies, Lieder – Erato, Warner classics
Tania Bracq
Je choisirai le thème léger des amours à scènes de ménage en invitant ma meilleure amie à une représentation de Kiss me Kate au théâtre du Châtelet. Cole Porter et ses clins d’oeil à la Mégère Apprivoisée nous offriront sans aucun doute une soirée revigorante.
Kiss me Kate de Cole Porter – Théâtre du Châtelet du 3 au 12 février 2016 (plus d’informations)
A mon meilleur ennemi, j’offrirai deux billets pour la soirée Guitry/Bernstein de l’Opéra de Tours, parce que passer le périphérique et sortir de sa trinité Mozart-Verdi-Wagner lui ouvrira doublement l’esprit.
La Société Anonyme des Messieurs Prudents de Louis Beydts et Trouble in Tahiti de Léonard Bernstein – Opéra de Tours, 25, 27, 29 mars 2016 (plus d’informations)
Stéphane Longeot
A mon meilleur ami, j’offrirai Le Messie de Haendel, Noël oblige ! Oui mais quelle version ? A la monumentalité de la version de Covent Garden, Emmanuelle Haïm préfère la version chambriste de la création. Cette lecture souple et poétique, au plus près du texte, réserve des surprises à chaque instant. Les chœurs prennent en retour du relief, tour à tour puissants et dépouillés, toujours animés d’une grande générosité, délivrant avec coeur une joie lumineuse et communicative.
Georg Friedrich Haendel, Messiah – Concert d’Astrée, Emmanuelle Haïm (direction) – Erato
A mon meilleur ennemi qui ne jure que par la générosité flamboyante du bel canto rossinien, j’offrirai L’Autre Monde de Cyrano de Bergerac. Je l’invite à changer d’échelle et à se mettre à l’écoute de l’art de la déclamation baroque d’un Benjamin Lazar, qui sait si bien rendre le clair obscur et les chatoiements de la langue française. Ici se révèle à la lumière des bougies un autre monde. Question d’échelle !
Cyrano de Bergerac, L’Autre Monde – La Rêveuse, Benjamin Lazar – BelAir
Sonia Hossein-Pour
A ma meilleure amie, que ni le charme et la beauté de Jonas Kaufmann, ni la noirceur du timbre ou la sensibilité des interprétations n’indiffèrent, j’offre mon disque de chevet, les Lieder de Strauss interprétés par le ténor allemand et accompagné du pianiste Helmut Deutsch chez Harmonia Mundi.
Richard Strauss, Lieder – Jonas Kaufmann, Helmut Deutsch – Harmonia Mundi
A mon meilleur ennemi, qui prend en otage la beauté du monde, et qui ne sait certainement pas l’injurier comme le faisait Rimbaud, je voudrais offrir une place pour la hardiesse et l’effronterie d’une opérette de Jacques Offenbach, Le Roi Carotte, dans la mise en scène de Laurent Pelly à l’Opéra de Lyon.
Jacques Offenbach, Le Roi Carotte – Opéra de Lyon – Mise en scène : Laurent Pelly – Avec : Christophe Mortagne, Yann Beuron, Jean-Sébastien Bou, Chloé Briot – Du 12 au 29 décembre 2015 (plus d’informations).
Thierry Bonal
Je surprends mon meilleur ami en substituant à la décoration traditionnelle et impersonnelle de son sapin un assortiment de boules de Noël « Notes de musique » du meilleur goût pour être en totale harmonie avec les chants de Noël qu’il ne manque pas de diffuser dès le premier dimanche de l’Avent.
Boules de Noël « Notes de musique » edelman chez jardiland.com
A mon meilleur ennemi j’offre un tee-shirt « note de musique » afin qu’il puisse se rendre aux festivals de musique en plein air de l’été prochain en toute décontraction, sa couleur noire assurant un minimum de sobriété…
Tee-shirt « note de musique », 10,9€, ebay.fr
Antoine Brunetto
A mon meilleur ami, amateur de bel canto, j’offre une place pour Roberto Devereux à Gènes en mars prochain. Il a encore du mal à se remettre d’avoir raté Mariella Devia dans le rôle d’Elisabetta à Madrid en octobre dernier. Qu’à cela ne tienne, je lui propose une séance de rattrapage afin qu’il puisse admirer la soprano que le temps semble miraculeusement épargner, dans une incarnation majeure. Si la chanteuse est aussi en forme qu’à Madrid, il va y avoir du frisson dans la salle ! D’autant que l’entourage pour cette production est plutôt attrayant, avec en particulier Sonia Ganassi.
Gaetano Donizetti, Roberto Devereux – Mariella Devia, Sonia Ganassi, Teatro Carlo Felice, Gènes, du 17 au 29 mars 2016 (plus d’informations)
A mon meilleur ennemi, amateur de brumes bavaroises et de blondes walkyries, j’offre des places pour un festival autour du 15 août. Mais s’il espérait gravir la colline sacrée à genoux, c’est raté ! Il aura en lieu et place les plages bondées et bétonnées des Marches, et à défaut du graal, le cygne de Pesaro, avec une cure de Rossini intensive, midi et soir. Je jubile par avance du chant virtuose qui lui écorchera les oreilles, des coloratures qui le feront bondir. Et sait-on jamais, au vu du feu d’artifice promis cet été en termes d’œuvres (La Donna del Lago, Ciro in Babilonia, Il Turco in Italia) et d’interprètes (Juan Diego Florez, Olga Peretyatko, Ewa Podles, Michael Spyres ou encore Nicola Alaimo), finira-t-il par se convertir ?
Rossini Opera Festival, Pesaro, du 8 au 20 août 2016 (plus d’informations)
Guillaume Saintagne
A mon meilleur ami, toujours curieux d’inédits baroques et d’artistes à la hauteur du défi, j’offre le très beau Baroque divas, qui voit un florilège d’airs de Gluck, Veracini, Caldara, Vinci,Vivaldi et Sarro, interprété par rien moins que Vivica Genaux, Sonia Prina, Romina Basso et Mary-Ellen Nesi. C’est le Noël des mezzos !
Baroque Divas – Genaux, Basso, Prina, Nesi – Armonia Atenea, George Petrou (direction) – Decca
A mon pire ennemi, qui pense que toutes les voix de contre-ténors se ressemblent, j’offre l’exact pendant de ce disque, produit lui aussi par Parnassus Arts, The 5 countertenors. Il pourra juger par lui-même que leurs timbres vont du vinaigré au velours le plus doux et qu’ici comme chez les wagnériens, c’est finalement le sens du drame qui distingue les meilleurs.
The 5 countertenors – Cencic, Sabata, Minenko, Yi, Sabadus – Armonia Atenea, George Petrou (direction) – Decca
Cédric Manuel
A mon meilleur ami qui voudrait rencontrer un peu plus d’un siècle après sa mort un monument mais qui craindrait d’escalader une montagne, j’offre ce condensé virtuose de l’immense biographie consacrée par Henry-Louis de la Grange à Gustav Mahler il y a une bonne vingtaine d’années. Seul l’auteur lui-même pouvait mener à bien cette gageure et c’est une parfaite réussite. Il se laissera emporter par le fleuve Mahler, qui le mènera tout droit à un océan. L’un des plus grands chefs d’opéras, sinon le plus grand de son temps, directeur intransigeant de la Hofoper de Vienne, créateur tourmenté et violemment secoué par une critique aboyeuse, qui n’a jamais composé d’oeuvres lyriques bien qu’ayant corrigé Die Drei Pintos de Weber, mais dont les lieder sont des mondes en eux-mêmes ; avec cet ouvrage, il aura le sentiment de vivre jour après jour auprès de lui. Une lecture incontournable.
Henry-Louis de la Grange, Gustav Mahler – Fayard
A mon meilleur ennemi, pas encore perdu pour la cause de l’opéra, mais qu’il faudrait convaincre d’évacuer définitivement notre voisinage immédiat, j’offre ce disque qui aura le double effet de le faire fuir durablement, non sans l’avoir endormi plus sûrement que le coup de massue qu’il mériterait par ailleurs. Les bornes de l’ennui le plus mortel sont franchies allègrement par l’obscur Christian-Ludwig Boxberg : une armée de mouches tsé-tsé n’obtiendraient pas un meilleur effet. Notre confrère Claude Jottrand ne s’y était d’ailleurs pas trompé, qui écrivait en janvier dernier : « Dans l’immense corpus des œuvres oubliées, certaines ont très justement trouvé leur place ; ne les dérangeons pas, et laissons les dormir en paix ».
Christian Ludwig Boxberg, Sardanapalus – 3CD Pan Classics – PC10315
Christian Peter
A mon meilleur ami j’offrirai un billet pour assister à une représentation de La Juive à l’Opéra de Munich avec Roberto Alagna dans le rôle d’Éléazar. Après Le Cid à Garnier, Le Roi Arthus à Bastille, où il fut un bouleversant Lancelot, et tout récemment Vasco de Gama à Berlin, voici que notre ténor aborde un nouveau rôle emblématique de l’opéra français aux côtés de Kristine Opolais, John Osborn, Aleksandra Kurzak, sous la direction de Bertrand de Billy, dans un nouvelle production signée Calixto Bieito. Nul doute que si Roberto Alagna affiche une forme vocale aussi insolente que lors des représentations triomphales de L’elisir d’amore qui viennent de s’achever à l’ONP, cette Juive s’annonce prometteuse, voire anthologique.
Jacques Fromental Halévy, La Juive – Bayerische staatsoper Munich, du 26 juin au 8 juillet 2016 (plus d’informations)
L’opéra préféré de mon meilleur ennemi est Turandot. Il en possède d’innombrables versions mais c’est celle de Zubin Mehta avec Sutherland, Pavarotti et Caballé qu’il chérit le plus. A lui qui aime les Calaf à l’aigu insolent, les Liù au timbre pur et aux pianissimi lumineux et les Turandot à la voix solide et tranchante, j’offrirai la toute nouvelle version dirigée à nouveau par Zubin Mehta avec Andrea Bocelli, Jessica Nuccio et Jennifer Wilson parue sous le label Decca, je suis sûr qu’il sera comblé.
Puccini, Turandot – Zubin Mehta (direction) – 2 CD Decca
Nicolas Derny
Mon ami, depuis vingt ans que tu admires Renée Fleming en Rusalka, réjouis-toi : toi qui n’a pas pu te rendre à New York en 2014 pour l’y entendre, tu la retrouveras drapée en nymphe dvořákienne au pied du sapin et, surtout, au milieu d’un plateau presqu’idéal dominé par Piotr Beczala, Prince sans véritable rival sur la scène actuelle. Côté fosse, on ne prendra jamais Yannick Nézet-Séguin en défaut d’intelligence théâtrale. Du grand art ! Mieux vaut tout de même fermer les yeux.
Mon ennemi, je te somme en revanche d’ouvrir grand les mirettes : tu t’écorcheras la rétine là où l’oreille de mon ami jubilait. C’est que, fidèle au pire de lui-même, Otto Schenk transpose grosso modo le livret de Kvapil dans le monde de Blanche Neige version Disneyland (en plus poussiéreux). Plus grave que l’absence totale d’idées originales, la direction d’acteur sombre dans le ridicule – le pompon au rôle-titre, dont les minauderies grotesques nous font pouffer en même temps que son chant nous touche. Le public du Met, lui, semble adorer. C’est dire…
Antonín Dvořák, Rusalka – Yannick Nézet-Séguin (direction) – DVD Decca
Catherine Jordy
A mon meilleur ami, le coffret Jonas Kaufmann proposé par Decca, parce qu’il s’agit d’une valeur sûre et qu’à ce prix-là, on aurait tort de se priver de quatre productions déjà mythiques…
Coffret Jonas Kaufmann, 4 DVD, Tosca (Zürich), Carmen (Zürich), Faust (Metropolitan) et Werther (Paris), Decca
A mon meilleur ennemi, avec délectation, j’offre Les plus beaux Opéras du Monde qui présente trente opéras d’exception. À lui qui déteste tout ce qui brille, je le laisse déballer ce cadeau puis ranger le livre au fond de sa bibliothèque, peut-être même sans l’ouvrir.
Antoine Pecqueur, Guillaume de Laubier, Les plus beaux Opéras du monde, Éditions de la Martinière
Bernard Schreuders
Si, pour un adolescent, affirmer son amour de l’opéra s’apparente à un coming-out, il en va de même pour le cavallien, souvent isolé dans l’univers impitoyable des lyricomanes. J’emmènerai donc mon meilleur ami à Marseille la saison prochaine : il pourra y afficher sa passion grandissante pour Cavalli en applaudissant la recréation mondiale de L’Oristeo (1651), confiée à Jean-Marc Aymes et Olivier Lexa. Ce sera aussi l’occasion pour lui de découvrir Francesca Aspromonte (Cf. photo), révélation de l’Eritrea, et de s’assurer que le ramage de Romain Dayez se rapporte à son joli plumage…
Francesco Cavalli, L’Oristeo. A la Criée – Théâtre National de Marseille, 11 et 13 mars 2016 (plus d’informations)
Cavalli ennuie prodigieusement mon meilleur ennemi, du moins le croit-il, après avoir écouté distraitement quelques extraits en ligne. Je le mets au défi de plonger dans l’anthologie – historique, dans tous les sens du terme – publiée par Ricercar et d’en ressortir indemne. De ses héroïnes, le Vénitien, à l’égal des poètes qu’il habille de musique, met l’âme à nu et exacerbe les passions, dont Mariana Flores épouse la plus infime nuance. Le disque crée une tout autre intimité que le concert et son chant ultrasensible s’insinue au creux de l’oreille pour mieux atteindre le coeur.
Francesco Cavalli, Heroines of the venetian baroque. Mariana Flores, Anna Reinhold, Cappella Mediterranea, Leonardo Garcia Alarcon (direction). Ricercar.
Christophe Rizoud
Dans Héroïque, album musclé composé d’extraits rares et choisis d’opéras français, Bryan Hymel pulvérise sans ciller et sans une pointe d’accent yankee les sommets de la portée – 19 contre-ut, 2 contre-ut dièse et 1 contre-ré tout de même ! De joie, mon meilleur ami défaillira.
Héroïque, French Opera Arias – Bryan Hymel (Warner Classics)
Dans la nouvelle édition d’Opéra, mode d’emploi, vade-mecum docte et malicieux destiné à tous les amateurs d’art lyrique, qu’ils soient profanes ou initiés, Forum Opéra figure en tête des sites Internet recommandés avec cette définition : « Magazine très bien renseigné et souvent impertinent ». De rage, mon meilleur ennemi s’étranglera.
Alain Perroux, L’Opéra, mode d’emploi – L’Avant-Scène Opéra
Julien Marion
A mon meilleur ami, je n’offrirai pas, pour la deuxième année de suite, une nouvelle preuve du talent de Jonas Kaufmann. Pourtant, d’Aïda à Puccini, les occasions ne manqueraient pas, mais enfin, évitons la surdose. Je lui offrirai plutôt un cadeau certes moins glamour, sans aucun doute plus marginal, mais sans doute plus essentiel : je lui offrirai, pour tout dire, l’occasion de ne pas succomber aux sirènes parfois pesantes de la nouveauté, en se replongeant dans le leg vocal et choral inestimable de Ferenc Fricsay, opportunément rassemblé par Deutsche Grammophon en un coffret à chérir. Il y découvrira des interprétations d’une modernité saisissante, notamment en Mozart (une Flûte d’île déserte) ou en Verdi. C’est souvent bouleversant d’humilité et de vérité. Et comme mon meilleur ami sait, mieux que beaucoup, faire preuve de discernement, je sais qu’il y reviendra souvent.
Ferenc Fricsay – Enregistrements complets, vol.2 : Oeuvres chorales et Opéras – Deutsche Frammophon
Mon meilleur ennemi n’aime pas la musique. Qui plus est, il n’a aucun humour. Pour être certain de lui infliger le pire des supplices, je lui offrirai donc un enregistrement offenbachien récent, par exemple cette trop rare Geneviève de Brabant, récemment rééditée, reflet d’une production de l’ORTF. Il y souffrira mille morts en écoutant les couplets de la poule, le duo des gendarmes ou le boléro de Charles Martel (auquel l’actualité donne une résonnance troublante…).
Jacques Offenbach, Geneviève de Brabant – Marcel Cariven (direction) – Malibran
Mélanie Defize
A toi, mon meilleur ami, j’offre l’éloge d’une compositrice Morave oubliée, Vítězslava Kaprálová – Portrait musical et amoureux. Une question te brûle sans doute déjà les lèvres : qui était cette femme fatale de santé fragile qui choisit l’« impossible » carrière de compositrice et de chef d’orchestre dès sa plus tendre enfance dans les Tatras slovaques des années 1920 ?
Nicolas Derny, Vítězslava Kaprálová – Portrait musical et amoureux. Le Jardin d’essai
Cher pire ennemi, je t’offre les crachins feutrés des Cylindres Edison afin que tu puisses conforter tes préjugés : l’opéra est bien un genre séculaire, aux voix sculptées d’accents « ringards » et à la prononciation exagérée. Je te défie de te délecter à l’écoute de ce disque-mémoire exquis et vintage à souhait. Si tu y parviens, plus douce qu’amère sera ta victoire.
Les Cylindres Edison – Malibran
Jean-Michel Pennetier
Mon meilleur ami trouve Mozart particulièrement rasoir, et en particulier La Flûte enchantée. Mais ce n’est pas de sa faute : enfant, ses parents lui ont infligé cet ouvrage comme premier opéra, précisant, avec un air gourmand « tu verras, il y a un dragon ! ». Ils avaient juste oublié de préciser que ledit dragon était en carton-pâte ou en peluche et qu’il mourrait sans combat dès le premier quart d’heure. Depuis ce triste jour, mon meilleur ami n’approche plus le divin Wolfgang, dans la peur de longs dialogues parlés en allemand, de récitatifs interminables en italien, et de livrets insipides où de vieux barytons courtisent des sopranos obèses. A celui-ci j’offrirai les délicieux Mystères d’Isis : c’est en français, ce n’est pas vraiment de Mozart, il n’y a pas de dialogues parlés et l’histoire, quoique bancale, est mieux ficelée que celle de La Flûte enchantée qui l’a inspirée. On retrouve dans ce patchwork, assemblé pour l’Opéra de Paris des années après la mort de Mozart, l’essentiel de la partition de Die Zauberflöte, mais aussi des extraits de Don Giovanni, des Nozze di Figaro, de La Clemenza di Tito … Un « best of » en quelque sorte : si après ça mon ami n’est pas réconcilié avec Mozart, c’est à désespérer.
Wolfgang Amadeus Mozart : Les Mystères d’Isis – Le Concert Spirtiuel, Diego Fasolis (direction) – Glossa / Palazzetto Bru Zane
Mon meilleur ennemi est un baroqueux de la première heure, amateur de ces timides voix blanches supposées ressusciter l’art des castrats : à celui-ci j’offre l’Orfeo ed Euridice enregistré par l’extraordinaire Franco Fagioli. Ce sera un peu comme jeter de l’eau bénite sur un vampire, car si un artiste peut vraiment rappeler les castrats, c’est bien le contre-ténor argentin !
Christof Willibald Gluck : Orfeo ed Euridice – Insula Orchestra, Laurence Equilbey (direction) – Archiv.