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La preuve par dix : 10 suggestions de travaux pour l’Opéra de Paris

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Actualité
24 juin 2020
La preuve par dix : 10 suggestions de travaux pour l’Opéra de Paris

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Puisqu’il faut bien se résoudre à ce que l’Opéra de Paris soit fermé pour travaux dans les mois qui suivent, pourquoi ne pas en profiter pour mettre à niveau les bâtiments sur les nombreux petits irritants qui viennent polluer l’expérience du public ? Commençons par l’Opéra-Bastille. Considérant que l’Etat, c’est-à-dire les contribuables, n’ont pas les moyens de le raser pour construire une nouvelle salle, nous devons renoncer à ce qu’il offre une acoustique naturelle digne de ce nom. Limitons-nous donc à des améliorations à la marge.
 


1. Souhaitant afficher le caractère populaire du nouvel opéra, ses concepteurs avaient prévu un accès presque direct depuis le Métro. Une nouvelle sortie a donc été percée au droit de la façade, à moins de cinquante mètres de la sortie habituelle, mais elle s’est vite transformée en bouches de l’Enfer. Ses murs tagués n’atteindront jamais les cotes de Banksy ou Basquiat, et Invader, le street-carreleur, n’a jamais osé y mettre les pieds alors qu’il s’est lâché sur le Palais Garnier. Urinoir à ciel ouvert (en écho au monument de Carlos Ott qui ressemble à une vespasienne géante), le passage n’est guère emprunté que par les spectateurs enrhumés ou par des retardataires qui n’ont plus le choix. La place de la Bastille ayant été récemment transformée en réserve pour beatniks, le lieu a beaucoup perdu de son intérêt pour ses résidents permanents : pourquoi ne pas le refermer définitivement ?

2. Il faut voir la réalité en face : les détecteurs de métaux sont là pour de nombreuses années encore. Ne pourrait-on songer à les intégrer proprement à l’édifice, plutôt que de se contenter de ce misérable provisoire qui dure ? Dans ces conditions, que faire du grand escalier extérieur qui ne servira sans doute plus jamais d’accès à la salle ? On hésite entre une destruction pure et simple qui viendrait enlaidir le bâtiment, qui n’est déjà pas bien beau par ailleurs, ou une installation artistique conceptuelle définitive, à base d’éperons fixés sur les marches, à l’image des aiguilles métalliques attachées sur les statues pour dissuader les pigeons de s’y percher.

3. Selon la légende, les ascenseurs auraient été oubliés lors de la conception du bâtiment. A défaut d’être vérifiable, l’anecdote est plausible : non seulement les cabines sont sous-dimensionnées mais leur fonctionnement reste très aléatoire. Une fois l’ascenseur rempli, la platine de commande est invisible et il est impossible de savoir si le bouton de votre étage a été sélectionné précédemment, ou de comprendre où l’on se trouve. On entend alors des « Le 6 s’il-vous plait », « C’est fait ! », ou encore, « On est où ? » quand la cabine stoppe à un palier. Qui plus est, le mélomane désorienté ne sait pas s’il doit sortir vers la droite où la gauche (comme s’il y avait une hésitation possible entre la vue sur les portes d’un côté et la vue sur la place de l’autre : le mélomane n’est pas toujours très observateur). Le retour est encore plus pénible : les soirs de gala, les cabines sont en effet réquisitionnées pour faire la navette entre le parterre et le dernier étage où le souper a été dressé. De pauvres vieillards et des handicapés en fauteuil roulant se font alors sévèrement admonester par le personnel qui n’attend que leur départ pour rentrer à la maison : « Prenez plutôt les escaliers ! », lance-t-il alors à ces spectateurs encombrants.

4. Puisqu’on en parle, nous voici au dernier étage. Hors soirs de gala, l’accès central en est généralement barré par un cordon. On peut toutefois y accéder par les ascenseurs ou les petits escaliers de côté (préférez le côté cour : côté jardin, le passage est parfois barré, le couloir ayant été transformé en salle de réunion syndicale). D’un côté, une vue splendide sur la place de la Bastille. De l’autre, des toiles modernes qui évoquent un repas mal digéré (et donc tout à fait appropriées à la destination des lieux). Que de place perdue… Que de déplacements inutiles pour transformer les lieux en restaurant plusieurs soirs par an… Ne serait-il pas plus approprié de les aménager définitivement, par exemple en les transformant en un restaurant qui serait ouvert également le midi et qui, le soir, offrirait une alternative aux bars bondés des étages inférieurs et pourrait même être ouvert après le spectacle ?

5. Comme dit la publicité, « Après l’effort, le réconfort ». Les français n’ont jamais eu une grande réputation en matière de propreté de leurs toilettes, mais il faut reconnaitre que l’ONP y va fort. C’est un des rares domaines où la modernité n’aura pas réussi à ébranler la tradition. Quand ils s’y risquent, les touristes américains cultivés ont en tête le mot de Mark Twain à propos de la mort de Marat : « Pour une fois qu’un français prenait un bain…». Et pourtant, des efforts ont été entrepris : à l’origine, les sanitaires hommes étaient conçus sur le modèle des backrooms du Marais voisin, sans séparateurs entre les urinoirs, mais cette époque est bel et bien révolue. C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles le bâtiment reste mal-aimé. Sur Youtube, on peut s’amuser au spectacle d’adolescents mis en présence d’un antique téléphone à cadran et se révélant incapables de s’en servir. Ici, c’est un peu pareil avec les lavabos : les plus vieux cherchent le robinet, les jeunes pensent qu’il y a un détecteur de présence, et seuls quelques boomers ont la présence d’esprit d’aller chercher le bouton pressoir au sol. Les soirs de représentation wagnérienne il est conseillé, pour être autonome, de faire comme Werther, c’est-à-dire de se faire prêter des pistolets. Au second entracte, il n’est en effet pas rare de devoir revenir à la nage.

6. Nous voici dans la salle, éclairée par un plafond lumineux d’un blanc blafard. Un détail vient vous confirmer que vous n’êtes pas par erreur chez le dentiste : il semble que les poussières ne sont pas faites souvent, et on croit distinguer des cadavres de rats entre les luminaires. Quelques verres ont été remplacés, plus blancs que les verres d’origine. Des tubes au néon vacillent, quand ce n’est pas toute la surface elle-même qui semble varier de puissance, comme si nous étions un soir d’orage, avec un groupe électrogène qui peine à prendre le relai. Pour la petite histoire, il se disait qu’une des raisons de la piètre acoustique résidait dans le fait que le plafond devait être plus épais, mais que le ministre de l’époque, Jack Lang, à la recherche d’économie, avait accepté une variante moins coûteuse. Si les faits sont avérés, on peut parler d’économies de bouts de chandelles.

7. On dit que le feu est le pire ennemi des théâtres. A l’ONP, le salut est dans la fuite : si vous cherchez un peu, vous trouverez toujours quelque part un seau récupérant de l’eau en provenance du plafond. A l’inauguration, un couloir reliait directement le parking à la salle : il fuyait tellement que l’administration dut finalement se résoudre à le fermer. C’est aujourd’hui une champignonnière tenue par des altermondialistes. Quant au parking (architecturalement irréformable), un conseil : évitez le dernier sous-sol. Par mesure d’économie, le garage public n’a pas été étanchéifié et des pompes fonctionnent nuit et jour pour rabattre la nappe phréatique (encore une économie de dernière minute). En cas de panne, le parking risque fort d’être rapidement inondé. A l’eau, quoi !

8. Revenons un instant aux ascenseurs (et accessoirement, aux ouvreurs et aux billets) : l’accès le plus pratique pour rejoindre les derniers rangs du second balcon de côté (rangs 5, 6, 7, places 50 et quelques) ne se fait pas par la porte 6 mais par la porte 5, contrairement à ce qui est indiqué partout. Rien de plus frustrant que de monter au 6e et de devoir redescendre un étage par les escaliers intérieurs dont on connaît les marches traîtresses !

9. La salle principale est flanquée de deux salles annexes. L’Amphithéâtre, inconfortable et à l’acoustique médiocre malgré sa relative petitesse (un exploit), est enterré au fond du bâtiment : en suivant l’exemple de Covent Garden, il devrait être possible d’ouvrir cette salle sur le reste du bâtiment et de dégager des espaces conviviaux. Encore plus petit, le Studio Bastille sert encore moins fréquemment. Inélégante verrue sur la façade principale, sa partie inférieure est désormais entourée de clotures métalliques pour éviter qu’il ne se transforme trop vite en dépotoir. Mais c’est peine perdue. Là encore, il faudrait songer à lui trouver une autre destination, quitte à créer un passage vers la grande salle, aux espaces publics étriqués.

10. Nous avons réservé la dixième suggestion pour l’Opéra-Garnier. Les séparations de loges doivent être remises en place : ce n’est plus une question d’esthétique ou d’acoustique, mais bien de prophylaxie. C’est entendu : les séparatifs de loges participent de la distanciation indispensable à la reprise de l’activité. Au besoin, recyclons ceux des loges du Teatro San Carlo de Naples avant que Stéphane Lissner n’y entreprenne des travaux de démolition

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