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Privilégions l’humain

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Edito
8 octobre 2016

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Cet édito est naturellement dédié à Jonas Kaufmann, en lui souhaitant un prompt rétablissement.

 

Mesdames et Messieurs,  je vous remercie d’être venus assister à l’inauguration de cette nouvelle Song & Opera Academy destinée à accueillir en son sein la fine fleur du chant lyrique de demain. C’est un grand bonheur et un privilège de vous en faire visiter les installations flambant neuves mises à disposition des élèves que nous avons sélectionnés, veuillez me suivre.

Nous voici dans la salle d’exercice physique. Comme vous pourrez l’observer, cette pièce est climatisée. Grâce aux ingénieurs de la Nasa, nous avons pu mettre en place une aération à oxygène pulsé qui est régénéré en cycles courts par des solutions désinfectantes à microparticules. Le sas de décontamination est actif 24/24. Si le degré microbien du visiteur est trop élevé, le sas reste fermé. C’est une bonne solution pour interdire l’accès aux journalistes.

Voilà, nous arrivons à présent en salle de relaxation. C’est ici que les chanteurs viennent retrouver leur équilibre acide-basique dans une atmosphère éclairée par des diodes à infrasons qui agissent sur l’oreille interne pour retrouver l’équilibre psychique indispensable à nos artistes. C’est ici en particulier qu’ils viennent digérer les banquets d’après-concert si préjudiciables à la tonicité de leur hémoglobine.

Ici, évidemment, la salle de sport. Les haltères sont en fonte hypoallergénique. On estime à 8kg la prise de masse musculaire moyenne de nos élèves sur la durée de leur scolarité grâce à un programme ciblé qui renforce les muscles profonds sans altérer leur souplesse, si indispensable à la juste gestion du souffle, tout en étayant les muscles longs des bras, afin de favoriser les moulinets, si chers à nos ténors et à nos sopranos. Les barytons travaillent de préférence les muscles du cou et les cuisses, essentiels pour camper les gros méchants.

Nous voici parvenus à l’atelier de yoga. Ici, les cours de méditation sont dispensés par des maîtres de l’art ayurvédique spécifiquement formés à la nécessité des chanteurs lyriques de trouver en eux la puissance du dragon et la douceur de la chèvre mongole. Les sopranos ajoutent à cela la bonne humeur de l’anaconda et les ténors la bonhomie du rhinocéros en rut.

Ici se trouve la chambre de décompression. Afin de lutter contre les effets ravageurs du décalage horaire, nous enfermons nos artistes pendant 24 heures dans cette pièce qui les plonge dans un horaire artificiel et rétablit leur horloge vitale en un temps record, les rendant aptes à enchaîner les représentations sans impact physiologique majeur. C’est ainsi que notre ténor sino-coréen Wu Hang Su a pu chanter Siegfried à Sidney avant-hier et débute ce soir dans Nemorino à Parme.

Cette salle où les alambics se mêlent aux fioles fumantes est la reconstitution drolatique du cabinet du docteur Faust. L’idée avancée par une certaine presse mal informée que nous mijotons ici les solutions permettant à Wu Hang Su de chanter bientôt le rôle-titre de Norma est une vile calomnie. Nous ne pratiquons pas ce genre de choses. En revanche, le cri que vous venez d’entendre est bel et bien celui de l’orang-outang de Zambie, dont les cordes vocales d’une épaisseur idéale feront merveille une fois greffées dans la gorge d’Irina Fedorovna pour sa prise de rôle en Amnéris dans quinze jours. Bientôt nous serons en mesure de greffer un pénis temporaire aux chanteuses incarnant Oktavian.

Ceux qui le souhaitent peuvent glisser leur carte de crédit dans cette machine à bonbons. Les pilules bleues guérissent les coups de cafard. Les pilules roses vous reboostent après un enrouement temporaire. Les pilules jaunes apaisent vos angoisses. Attention, les petits tubes rouges s’ingèrent uniquement en intraveineuse pour une amélioration générale de l’aérobie.

Cette cantine ultra-moderne permet à nos artistes de conserver leur sveltesse afin de ne pas redouter les mises en scène où ils sont priés de pousser des contre-uts sans que leur string panthère ne se dégrafe. Nous attachons une grande importance à la vraisemblance dramatique. Les barquettes grumeleuses que vous voyez à droite sont un ragout délicieux cuisiné à partir de la queue et des oreilles de spécialistes de la spécialité un peu trop insolents.

Enfin, voici les chambres, et leurs fameux lits-caissons. Dotée d’un thermostat réglé sur -60°C, ces caissons préservent la jeunesse et la qualité de nos artistes. Le temps de sommeil est réduit à sept minutes, sans quoi nos artistes entrent dans une longue période d’hibernation thermique. Au fond à gauche se trouve le caisson où Michel Sénéchal attend patiemment que l’Opéra de Paris programme La Route fleurie, où il fera son grand retour.

Le taux d’occupation de nos chanteurs est de 100%. Nous avons naturellement congelés les ovules et les spermatozoïdes de nos artistes afin de leur offrir une vie de famille agréable à l’issue de leur carrière et de ne pas entraver leur progression par les soucis misérables d’une existence petite-bourgeoise.

Mesdames et messieurs, je suis prêt maintenant à répondre à vos questions. En conclusion, je voudrais simplement dire que nous sommes les humbles serviteurs d’un art centenaire : c’est pourquoi en toute circonstance nous privilégions l’humain.

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