Tu le sais, lecteur, Forum Opéra n’est pas un site internet. C’est une revue, un magazine, un quotidien, un journal. Il se trouve qu’il paraît sur internet parce qu’il faut vivre avec son temps. Cependant, les arcanes de la programmation, du codage et autres développements nous échappent assez largement. C’est pourquoi chaque évolution de notre site est un événement d’une importance extrême qui nous mobilise pleinement. Entre nous, je ne sais pas si nous changeons de plateforme, d’interface, de turbine ou de cyclotron. Je sais seulement que le nouveau site ressemble à l’ancien, mais en mieux. C’est un peu le contraire de Kim Novak. Fait merveilleux, il a été financé grâce à ton soutien financier, lecteur : chaque don nous a fait l’effet d’un bouquet de roses enrubanné de tendres bisous (nous sommes de grands sentimentaux).
La prochaine fois que nous ferons cet exercice, ce sera vraisemblablement vers 2040. Cela coûtera vraisemblablement beaucoup plus cher : je te prie, lecteur, de commencer à remplir le petit bas de laine dont le fruit nous sera alors destiné, car on n’est jamais trop prévoyant. Et pour te mettre en appétit, voici les évolutions que nous apporterons alors.
Le format fastidieux des critiques de spectacles sera aboli. Plutôt qu’un rapport subjectif et partiel, nous vous proposerons une interface très simple : en piquant dans votre doigt une micro-aiguille reliée directement à votre ordinateur par Bluetooth, vous serez connecté aux ondes cérébrales de notre chroniqueur. Ainsi vous vivrez en direct ses émotions. Si vous préférez la catch-up review, un condensé émotionnel sera stocké sur notre site : en une injection, vous accéderez à la totalité des émotions de la soirée, reformaté pour s’adapter à vos propres données sensorielles afin que cette émotion soit pure des sensations de notre chroniqueur. Cela s’appellera la Translation Emotive 4.0.
Les critiques de disques n’existeront plus. D’abord parce qu’il n’y aura plus de disques. Mais aussi parce que nous commercialiserons une puce sub-cutanée comportant une discothèque de 700 000 titres, directement connectée à notre site. Lorsque nous uploaderons un nouveau titre sur la plateforme, il sera immédiatement pris en charge par la puce qui le comparera selon un programme multicritères aux enregistrements existants et en déterminera ainsi les coordonnées stylistiques. En fonction de votre rythme cardiaque et de vos informations biométriques recueillies par la puce, le programme déterminera alors la compatibilité de ce nouvel enregistrement avec vos fondamentaux cellulaires et déterminera une note basée sur vos seules caractéristiques, donc entièrement personnalisée. C’est le Personal Recording Valuation System.
Les interviews n’existeront plus. A partir d’un simple prélèvement ADN de l’artiste, un programme projettera les réponses les plus plausibles aux questions habituelles des intervieweurs, extraites statistiquement d’une base de données compilant toutes les interviews données dans la presse mondiale par des artistes lyriques depuis 1860. Une fois les données rassemblées, un ectoplasme virtuel en 3D de l’artiste sera projeté via notre site dans votre salon ou toute pièce de votre domicile, et vous aurez vous-même une conversation avec l’artiste configuré en mode interview. Seul point d’amélioration : la projection restera immatérielle, vous ne pourrez donc pas tripoter l’artiste. C’est le Talk To my Ass but Do Not Touch it System.
Les éditos n’existeront plus. Un logiciel aléatoire mélangera les mots de plus de trois syllabes et les ordonnera dans un ordre grammaticalement plausible, tout en tenant compte de vos paramètres personnels, qui nous auront été communiqué par le Ministère des Identités : selon votre catégorie socio-professionnelle, votre situation personnelle, vos antécédents pathologiques et vos fantasmes simulés par un robot-psyché de septième génération, vous aurez alors l’édito que vous désirez lire, et plus personne ne viendra casser les pieds au vénérable vieillard que je serai alors devenu.