Au début du mois d’août, alors que les pâtés de sable bourgeonnaient le long du littoral, un article sur les artistes lyriques français, publié dans nos colonnes, assombrissait une météo déjà peu souriante. Quoi ? 80€ pour chanter le Requiem de Mozart à La Madeleine. Une partie de nos lecteurs, éberluée, découvrait que la profession de chanteur d’opéra au sein de notre douce contrée est tout sauf lucrative. Dire que le mur du silence s’effondrait dans un fracas de pierres et de cendres audible de la plage de Saint-Jean-de-Luz serait exagéré. Mais les langues se délièrent, des témoignages vinrent appuyer les chiffres et confirmer les situations. Outre la question économique, sourdirent les incertitudes – les humiliations parfois – qui sont le lot de la profession. « Baste ! A quoi bon rouvrir une vieille blessure » interroge Hoffmann. On connaît la fin des Contes. Devons-nous tirer le rideau pour que la pièce trouve, cachée aux yeux de tous, sa triste conclusion ?
Au contraire, dans la foulée, nous décidions d’organiser une tribune. A la mesure de nos moyens, nous lancions un appel à avis : quelles actions entreprendre pour améliorer en France le traitement des artistes lyriques. Le nombre de réponses reçues – une dizaine – ne fut pas à la hauteur de nos attentes. Désintérêt ? Découragement ? Résignation ? Déconnexion imposée par l’horaire des marées ? La qualité – on le sait – ne dépend pas de la quantité. Merci d’avoir répondu.
A défaut d’être nombreux, les messages furent longs et les propositions plurielles. Comme annoncé, elles ont fait l’objet d’une synthèse soumise aux autorités compétentes. Dans ce flot de suggestions, la question de l’intermittence surgit tel un serpent de mer. Quel nouvel Alexandre tranchera d’un coup d’un seul ce funeste nœud gordien ? Mise en place de quotas, révision de la fiscalisation, définition de grilles de salaire, simplification de la législation semblent des leviers moins périlleux à manipuler. Sans invoquer cette fois un superhéros, qui aura le courage de les actionner ?
La formation reste le nerf de la guerre. Pour les jeunes chanteurs, hors du CNSM de Paris et Lyon, point de salut. Faut-il rétablir le système des troupes ? Faut-il revoir les matières enseignées, à commencer par la langue anglaise, indispensable pour envisager une carrière hors de France ? Faut-il décourager les vocations timides pour réduire le nombre de chanteurs professionnels sur le marché ? Dans un contexte économique où le budget des institutions lyriques est chaque jour revu à la baisse, adapter l’offre à une demande en perte de vitesse relève de la logique. Moins d’argent, moins de spectacles donc moins d’artistes. Dangereux syllogisme qui aurait pour conséquence de marginaliser encore davantage un art – l’opéra – que certains qualifient volontiers de marginal. Il n’y a parfois pas de pire ennemi que l’ami qui vous veut du bien.