Forum Opéra

Edgardo Rocha : « Travailler avec Cecilia Bartoli a changé ma façon de penser l’opéra »

arrow_back_iosarrow_forward_ios
Partager sur :
Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur pinterest
Partager sur whatsapp
Partager sur email
Partager sur print
Interview
23 juin 2014

Infos sur l’œuvre

Détails

Né en 1983 à Rivera, en Uruguay, le ténor Edgardo Rocha commence à se faire un nom dans le répertoire belcantiste, ainsi que le confirme sa récente prestation dans l’Otello de Rossini au Théâtre des Champs-Elysées. Il est actuellement Alberto dans La Gazzetta à l’Opéra Royal de Wallonie-Liège. Cette double première – dans le rôle et en Belgique – fut l’occasion de faire plus ample connaissance avec ce jeune artiste, charmant et charmeur.


Vous avez débuté par le piano et la direction d’orchestre et de chœur ; pourquoi avez-vous finalement opté pour le chant soliste ?

C’est la vie, je pense (rires) ! J’ai découvert ma voix à l’âge de 18 ans. J’ai voulu approfondir et j’ai formé un petit chœur avec mes amis qui m’ont encouragé à persévérer. Moi je n’étais pas certain. Lorsque j’ai découvert l’opéra, ce fut une révélation ! Et la direction d’orchestre et chorale devint complémentaire. Le chant m’a totalement accaparé. L’étudier demande beaucoup de temps ; tu ne peux pas aller trop vite. Il faut vraiment avoir la patience de progresser pas à pas. A l’âge de 24 ans, je suis parti en Italie. J’avais besoin de nouvelles opportunités. Ce fut difficile car je ne connaissais personne et j’ai dû recommencer à zéro. J’ai intégré le chœur du Maggio Musicale Fiorentino. Je me suis découvert une voix de ténor et j’ai commencé à chanter des petits rôles en province. Ma carrière de soliste a démarré avec ma prestation dans Gianni di Parigi de Donizetti [au Festival delle Valle d’Itria]. Il est plus facile de chanter Bellini et Donizetti après avoir abordé Rossini parce que dans la musique de celui-ci, il y a tout – la coloratura, il fraseggio, les aigus, les graves, les piano, les couleurs, la présence. Elle renferme tous les secrets du bel canto. J’adore Mozart : c’est la perfection du théâtre en musique. Mais sa musique est plus compliquée. Je ne chante que ses opéras italiens ; le singspiel, c’est une autre vocalité et je ne sais pas si je serai en mesure de rester fidèle à l’esprit du compositeur.

Le goût de la musique, de l’opéra en particulier, vous vient-il de votre famille ?

Mon père aimait la musique, mais pas l’opéra : seulement la musique populaire. Il chantait et sifflotait beaucoup à la maison. Mon frère jouait de la guitare et de la harpe paraguayenne. Je me souviens encore que, lorsque j’étais enfant – j’avais à peine 4 ans, je chantais et il m’accompagnait. Ma femme est psychologue et n’aime pas l’opéra, raison pour laquelle je l’ai choisie !

Prenez-vous encore des cours de chant ?

J’écoute l’avis d’un ami, Jorge Ansorena, que j’ai rencontré lorsque je faisais partie du chœur du Maggio Musicale Fiorentino, qui me soumet régulièrement ses remarques. Sinon, j’apprécie trouver des conseils auprès de mes collègues chanteurs. J’ai fait la connaissance de John Osborn à Paris : il est d’après moi le meilleur interprète pour I Puritani. Je préparerai cette partition avec lui, il m’apportera énormément pour ce rôle. Cecilia Bartoli est très disponible. Je l’ai regardée travailler : elle est magnifique, très professionnelle. Elle a beaucoup de respect pour la musique : elle ne s’inquiète ni du public, ni des critiques, ni de la beauté de la voix. Elle se concentre uniquement sur le personnage, la situation, le moment. Travailler avec elle a changé ma façon de penser l’opéra et le théâtre en général. Je suis très content et honoré de cette collaboration. Nous allons bientôt nous retrouver pour Le Comte Ory.

Certains critiques ont soulevé la faiblesse musicale de La Gazzetta. Quelle est votre opinion ?

La partition comporte de nombreux emprunts à La Cenerentola, Il Turco in Italia et Il Barbiere. Rossini a composé des œuvres plus intéressantes. La musique de La Gazzetta convient mieux aux personnages bouffes, davantage caractérisés. Je ne me plains pas car j’ai deux airs, et le deuxième est particulièrement joli. Mon rôle [Alberto] est très masculin, physique, dans sa façon d’aimer. Dans le deuxième acte, il entre dans le jeu de la séduction avec Doralice et se met au défi de la séduire, parce qu’elle lui résiste… ce qui est toujours très attractif pour un homme (rires) ! Je ne pense pas qu’il tombe réellement amoureux. Peut-être Stefano Mazzonis di Pralafera [le metteur en scène] aura-t-il une vision différente… Le livret déborde d’énergie et de réalisme : Pomponio est un vrai Napolitain ! L’époque importe peu : l’intrigue pourrait être transposé.

Où aurons-nous le plaisir de vous écouter prochainement, en dehors de Liège ?

Je tiendrai le rôle de Don Ramiro dans une version concertante de La Cenerentola sous la direction de Jean-Christophe Spinosi à Beaune en juillet prochain, puis je retourne en Uruguay pour donner un récital de mélodies mêlant Liszt, Rachmaninov, Duparc, Chausson, Fauré, Strauss. J’adore ce répertoire ! J’ai commencé avec cette musique. A l’époque je n’avais pas les aigus et je ne pouvais pas chanter de l’opéra. J’ai donc commencé par Schubert et Strauss. La musique de chambre est plus difficile selon moi à interpréter car elle requiert beaucoup plus de concentration, de contrôle, d’élégance alors que dans l’opéra tu peux lâcher davantage, être plus libre. L’opéra est plus exigeant sur le plan technique : j’ai dû énormément travailler pour développer mon aigu et gagner en virtuosité, avec insistance et patience.

D’ici la fin de l’année, j’enchaîne plusieurs productions d’Il barbiere di Siviglia [rôle du Comte Almaviva] à l’Opéra de Paris, Zurich, Tel Aviv et Hambourg. Je débute ensuite dans I Puritani à Florence. Ce sera une étape supplémentaire car je n’ai jamais chanté Bellini ; j’ai beaucoup d’attentes. Nous nous baserons sur l’édition critique parisienne de 1825-26 et tenterons de proposer une interprétation fidèle à l’esprit et à l’époque, avec des instruments historiques. Je serai de retour à Liège en février 2016 pour La Scala di seta [de Rossini].  

Propos recueillis le 11 juin 2014

 

>> La Gazzetta de Rossini, Opéra Royal de Wallonie-Liège, du 20 au 28 juin 2014, informations

 

Commentaires

VOUS AIMEZ NOUS LIRE… SOUTENEZ-NOUS

Vous pouvez nous aider à garder un contenu de qualité et à nous développer. Partagez notre site et n’hésitez pas à faire un don.
Quel que soit le montant que vous donnez, nous vous remercions énormément et nous considérons cela comme un réel encouragement à poursuivre notre démarche.

Infos sur l’œuvre

Détails

Nos derniers podcasts

Nos derniers swags

This be her Verse, par Golda Schultz et Jonathan Ware

La parole aux femmes
CDSWAG

Le Bourgeois Gentilhomme

Un gentilhomme en fête
CDSWAG

Debussy La Damoiselle élue

Lignes claires
CDSWAG

Les dernières interviews

Stanislas de Barbeyrac : « Il y aura peut-être un jour Tristan, si je suis sage »

Interview

Questionnaire de Proust – Sophie Koch : « Christian Thielemann compte beaucoup pour moi »

Interview

Sophie Koch : « Aborder Isolde, c’est être devant l’Everest »

Interview

Les derniers dossiers

Questionnaire de Proust

Dossier

Les grands entretiens de Charles Sigel

Dossier

Philippe Boesmans (1936 – 2022)

Dossier

Zapping

Vous pourriez être intéressé par :

Se réinventer ou mourir : l’opéra face à son destin

Actualité

Saison 2023-24 : les programmes

Les programmes 2023-24 des principales institutions lyriques de France, d’Europe et au-delà
Actualité

Stanislas de Barbeyrac : « Il y aura peut-être un jour Tristan, si je suis sage »

Interview

Questionnaire de Proust – Sophie Koch : « Christian Thielemann compte beaucoup pour moi »

Interview