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Dix vidéos célébrant le génie d’Edita Gruberova

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Actualité
19 octobre 2021
Dix vidéos célébrant le génie d’Edita Gruberova

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Témérité ? Edita Gruberova s’est frottée aux plus grands rôles du répertoire. À l’heure où les mélomanes se repassent les vidéos qui témoignent de son génie, il est permis de s’arrêter – comme en un musée – devant quelques interpretations particulièrement saisissantes. Bilan, en dix microludes, de la gruberosphère, un monde de surprises et d’émerveillement. 

1. Zerbinetta / Ariadne auf Naxos (Richard Strauss)
Si certains amateurs de belcanto romantique, suspicieux dès qu’il s’agit de sopranos coloratures, regardent d’un oeil torve son incursion dans leur répertoire favori, nul ne peut contester la légitimité superlative d’Edita Gruberova en Zerbinetta, rôle qu’elle étrennera à Vienne en 1973 avant de le chanter plus de 200 fois et de l’enregistrer aux côtés de Jessye Norman sous la direction de Kurt Masur dans une intégrale qui se pose aujourd’hui encore en référence. Karl Böhm, qui avait personnellement connu Richard Strauss, disait regretter que le compositeur ne l’ait jamais entendue. [Christophe Rizoud]
2. Konstanze / Die Entführung aus dem Serail (Wolfgang Amadeus Mozart)
Justement, lorsque Karl Böhm, octogénaire, découvre Edita Gruberova, membre pas encore trentenaire de la troupe de l’Opéra de Vienne, il est émerveillé : cette agilité, cette technique, cette légèreté de timbre alliée à une telle puissance – tout pour incarner la Zerbinetta idéale ! Mais la coopération dépassera ce seul emploi Straussien. Connaissant Mozart comme personne, Böhm savait aussi que Gruberova pouvait être la Konstanze de sa génération. Ce n’est pas ce Martern aller arten étourdissant, capté à Munich en 1980, qui lui donnera tort ! [Clément Taillia]
3. Gilda / Rigoletto (Giuseppe Verdi)
Edita Gruberova fut une extraordinaire Gilda. Teresa Brambilla, créatrice du rôle à Venise en 1850, avait elle aussi une expérience notoire des reines donizettiennes : Verdi conféra à sa jeune fille un port et un phrasé royaux, la faisant paraître plus noble que le Duc, aristocrate patenté. C’est à cette suprême tenue vocale et dramatique que Gruberova rend justice exemplairement (même si, pour s’en rendre compte, il faut regarder en fermant les yeux le film graisseux de Ponnelle). [Sylvain Fort]
4. Amina / La Sonnambula (Vincenzo Bellini)
Edita Gruberova n’a pas abordé très souvent le rôle d’Amina à la scène, bien qu’elle l’ait enregistré en 1998 à Munich sous la direction de Marcello Viotti, ou qu’elle en ait régulièrement donné quelques airs en récital. Parmi les témoignages scéniques, ce Ah non giunge final à Genève en 1982 est tout à fait représentatif des capacités hors normes et de l’engagement de l’artiste dans ce répertoire. [Cédric Manuel]
5. Donna Anna / Don Giovanni (Wolfgang Amadeus Mozart)
Mozart est peut-être le compagnon de route le plus fidèle du parcours d’Edita Gruberova. Éloignée des pyrotechnies de Konstanze, la Donna Anna du soprano slovaque résument toutes les qualités qui rendaient ses personnages proches de la perfection : un phrasé à se pâmer, un saupoudrage de nuances et de couleurs au diapason de l’âme de son personnage, des vocalises et des trilles toutes dédiées à l’expressivité. Jamais peut-être le désir et le dilemme moral d’Anna n’auront trouvé une aussi belle expression de leur combat. [Yannick Boussaert]
6. Elisabetta / Roberto Devereux (Gaetano Donizetti)
Edita Gruberova, c’était une technique et un son uniques. Mais que l’on n’oublie pas quel tempérament scénique elle fut également ! La scène finale du Roberto Devereux qu’elle chanta régulièrement à Munich dans la mise en scène de Christof Loy est à cet égard saisissante: regardez comment l’interprète, toute habitée par son rôle, et sans jamais rien abdiquer de son art du chant, s’arrache peu à peu sa perruque – geste halluciné et littéralement sidérant ! Oui, une grande dame de l’art lyrique s’en est allée… [Jean-Jacques Groleau]
7. Violetta / La Traviata (Giuseppe Verdi)
L’avantage de Violetta c’est que, face à elle, toutes les interprètes sont égales : aucune n’a la voix du rôle. Trop légère, trop dramatique, trop lyrique, trop sfumata, trop ceci, trop cela. Edita Gruberova, donc, n’avait pas la voix de Violetta. Mais elle ne fit néanmoins qu’une bouchée de son premier air. Les nombreuses difficultés d’une partition qui n’en est pas avare soulignent à quel point l’héroîne de Verdi connait sa résilience sur le bout des doigts. [Camille De Rijck] 
8. Vorrei Spiegarvi oh Dio (Wolfgang Amadeus Mozart)
Ah Mozart. Le compositeur qui, entre tous, appelle l’orthodoxie. On ne le chante qu’avec des gants blancs, certain de sa ligne, de son phrasé, de sa grammaire. Et pourtant, c’est avec sa liberté toute gruberovesque – son petit jazz personnel – que la diva slovaque s’est emparé des airs de concert tout au long de sa carrière. L’enregistrement live avec Nikolaus Harnoncourt et les musiciens du Chamber Orchestra of Europe marque la rencontre de deux mondes totalement dissemblables qui se regardent et s’admirent. Un sommet de la musique classique enregistrée. [Camille De Rijck]

9. Lucia / Lucia di Lammermoor (Gaetano Donizetti)
Edita Gruberova ne rentre que pas à pas dans le répertoire belcantiste, mais quand elle aborde Donizetti en 1975, cela devient une évidence insolente. Trente ans plus tard,elle aura chanté plus de 200 fois le rôle de Lucia, qui semble écrit sur mesure pour sa voix. Elle survole les multiples embûches de l’air de la folie avec une aisance confondante tout en remplissant la scène de sa seule présence. Et pour conclure, elle se permet d’attaquer son contre-mi final en douceur, avant de l’envoyer avec éclat dans les cintres. [Benoît Jacques de Dixmude]

10. Adele / Die Fledermaus (Johann Strauss II)
Comment définir une soprano « Mitteleuropa », sinon en disant qu’elle doit ressembler à Edita Gruberova ? Née à Bratislava, révélée quelques dizaines de kilomètres plus loin, à Vienne, Gruberova a évolué toute sa vie dans l’aire de rayonnement de l’ancien Empire Austro-Hongrois, où des résonnances slaves et de lointains échos de la Bohême viennent colorer l’influence viennoise. Autant dire qu’elle était faite pour la musique de la dynastie Strauss, dont elle faisait ressentir tout à la fois le brio inextinguible et la légère amertume. Adèle, dans La Chauve-Souris, lui aura ainsi permis de démontrer son éclatante virtuosité – et de dispenser, jusqu’aux derniers moments de sa carrière, de savoureux bis ! [Clément Taillia]

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