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Dix manières de tomber amoureux de Lise Davidsen

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26 mars 2021
Dix manières de tomber amoureux de Lise Davidsen

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10 manières de tomber amoureux de Lise Davidsen c’est finalement très peu mais c’est déjà une belle invitation à suivre cette soprano hors norme !


1. Richard Wagner : Tannhäuser – « Dich, teure Halle », Amsterdam, 2015

Il faut un début à tout. Deux semaines avant les palmes d’Operalia en juillet 2015, Lise Davidsen se mesurait à l’International Hans Gabor Belvedere Singing Competition. Le format héroïque de son soprano offrait alors un contraste saisissant avec les autres voix en lice. Trop dramatique ? Trop puissant ? Trop saisissant ? S’il ne lui fut concédé qu’un 2e prix, le public et le media jury (dont nous faisions partie) ne s’y trompèrent pas et lui réservèrent sans l’once d’une hésitation la première marche du podium. Vox populi… [Christophe Rizoud]

 

2. Luigi Cherubini : Medea – Scène finale, Wexford Festival, 2017

A Wexford en 2017, Lise Davidsen était Médée. Rôle inattendu ? Et pourtant, ça envoie ! Tout y est (si ce n’est, pour pinailler, l’italien) : l’autorité et la folie, les aigus et la poitrine, et la sprezzatura des plus grandes. Le lien ci-dessous ne contient que le son ; on n’a pourtant guère de peine à imaginer les yeux exorbités de la matricide. [Maximilien Hondermarck]

 

3. Giuseppe Verdi : Requiem – « Libera me », Londres, 2016

En écoutant combien la voix de Lise Davidsen sait servir le répertoire wagnérien, on se prend à imaginer combien elle pourrait également régner sur tout un pan du répertoire italien, chez les véristes ou chez Puccini, mais aussi chez Verdi. C’est donc avec impatience et curiosité que l’on découvrira les extraits dévolus à ce dernier dans son nouvel album, avec deux atmosphères radicalement différentes qui sollicitent des moyens eux-mêmes différents, entre le Pace mio Dio de la Force du destin et l’Ave Maria d’Otello. 

Car les témoignages que nous a laissés Lise Davidsen chez Verdi jusqu’à présent restent rares, mais porteurs de promesses, pour Desdémone sans doute mais aussi pour les deux Leonora, Elisabeth, Aida…  C’est dans le Requiem, qu’on l’entendait essentiellement jusqu’à aujourd’hui. Ici, par exemple, sous la direction d’Edward Gardner, son Libera me concentré et souverain, puissant sans écraser, peut en effet promettre aux verdiens des lendemains qui chantent… [Cédric Manuel]

 

4. Richard Strauss : Ariadne auf Naxos – « Es gibt ein Reich », Aix en Provence, 2018  

Ariane, c’est un miroir que Richard Strauss tend à ses sopranos, un creuset où se mêlent l’esprit mozartien de la Maréchale et l’amplitude wagnérienne de Salome ou d’Elektra, où la Comtesse Madeleine de Capriccio y est aussi bien anticipée que l’Impératrice de La Femme sans Ombre. A Aix-en-Provence en 2018, Lise Davidsen saisit toutes ces nuances sans le moindre effort apparent, sans qu’un soupçon d’artifice vienne altérer le naturel de son incarnation : son Ariane a de la jeunesse autant que de la mélancolie, de profonds abattements et de vigoureux soulèvements d’nthousiasme, aspire à la vie aussi irrésistiblement qu’elle est happée par la mort. Et surtout, elle chante comme on ne l’espérait plus : la longueur du souffle, le soyeux du timbre, la richesse des harmoniques, la fulgurance d’aigus au laser qui vous plaquent le dos au fauteuil… après Jessye Norman, l’affaire était entendue, ce n’était plus possible ! Vous avez un doute ? Passez directement à « Es gibt ein Reich » ! [Clément Taillia]

 

5. Richard Strauss : Vier letzte Lieder, « Beim Schlafengehen », Paris, 2019

Avec de tels moyens vocaux, il est naturel que Lise Davidsen soit rapidement allée à Wagner et Strauss. Avec son écriture généreuse mais travaillée, ce dernier lui sied mieux encore, et chaque prise de rôle est une confirmation supplémentaire pour la soprano. Ces Quatre derniers lieder enregistrés en 2019, le public parisien a pu les entendre quelques mois plus tard lors des débuts de la chanteuse à la Philharmonie. Notre confrère Clément Tailla y louait une cohérence vocale et dramatique, qualités que nous ne pouvons que souligner. La longueur de la ligne et l’émotion droite et pure qui nimbent « Beim Schlafengehen » confirment la place de choix qui est due à Lise Davidsen dans la discographie déjà riche du tout dernier Strauss. [Alexandre Jamar]

 

6. Richard Strauss : « Morgen! », Met Stars Live in Concert series, Oslo, 2020

La valeur n’attendant point le nombre des années. Invitée à New York une fois avant la pandémie pour La Dame de Pique, Lise Davidsen a déjà séduit Peter Gelb qui lui offre les honneurs du Metropolitan. Certes, Covid oblige, ce fut pour un concert en streaming uniquement, mais c’est déjà une consécration. Pour l’occasion, la jeune soprano norvégienne choisit ici de dompter la puissance extraordinaire de son organe pour nous offrir un Morgen de la plus belle et pleine mezza voce qui soit. Quel timbre, quelle richesse d’harmoniques – et quelle ligne ! [Jean-Jacques Groleau]

 

7. Piotr Ilitch Tchaïkovski : La Dame de Pique – « Akh! istomilas ya gorem », New York, 2019

Lisa, ce « grand soprano lyrique à l’éclat juvénile », cette « sœur de Tatiana d’Eugène Onéguine » telle que décrite par Piotr Kaminski dans L’Avant-Scène Opéra est-elle l’héroïne la mieux adaptée au format dramatique de Lise Davidsen ? A l’écoute des extraits glanés de ci, de là, Il est permis sinon d’en douter du moins d’apprécier dans le rôle une voix moins tranchante. Demeure dans l’arioso du 3e acte, « Akh! istomilas ya gorem », une capacité à soumettre son chant aux impératifs du drame, une facilité à épouser le contours simple de la mélodie, une simplicité que l’on n’attendait pas forcément ;  mieux : une évidence. [Christophe Rizoud]

 

8. Leos Janacek : Jenufa – « Odesli. Jdi také! », Amsterdam, 2021

Les temps du coronavirus auront été ingrats pour tous. Guère idéal de faire une prise de rôle devant une salle vide. Pourtant en janvier 202, Lise Davidsen, décidément dans les pas prudents du début de carrière de Nina Stemme, s’attaquait à Jenufa au Concertgebouw (mais sans l’orchestre du même nom !). On trouvera à redire sur le tchèque que l’on sent mâchonné et en conséquence sur une incarnation encore à polir. On rendra les armes devant la beauté du chant et le torrent du final qui nous fait enfin croire au bonheur possible de Jenufa. [Yannick Boussaert]

9. Ludwig van Beethoven : Fidelio – « Komm Hoffnung », Londres, 2020

Auréolée des lauriers de la Colline verte l’été précédent, Lise Davidsen foule de nouveau les planches de Covent Garden. Celle qui fut la troisième norne dans le Ring un an auparavant, tient le haut du pavé en Léonore aux côtés de nul autre que Jonas Kaufmann. Les murs du Royal Opera House tremblent encore de la vigueur juvénile et de la passion enflammée de son incarnation de la jeune femme travestie. Aucun interval, aucune chausse-trappe de cet air ingrat ne la prend et défaut et c’est cranement qu’elle vient conclure la scène !  [Yannick Boussaert]

 

10. Richard Wagner, Die Walküre – O hehrstes Wunder », Berlin, 2020

Chez Wagner aussi, les brunes ne comptent pas pour des prunes. Lise Davidsen a choisi pour l’instant de s’en tenir aux rôles blonds (comme en témoigne sa perruque dans cet extrait de Die Walküre capté au Deutche Oper Berlin). Elisabeth, Elsa mais aussi Sieglinde, que seuls quelques happy few purent applaudir à la Bastille cet automne dans ce succédané de Ring auquel la pandémie a contraint l’Opéra national de Paris. Elle y fut, paraît-il, stupéfiante. Il y a dans sa voix une flamme aveuglante, une capacité à déchaîner les éléments que les micros sont impuissants à saisir. Contentons-nous de fantasmer à l’écoute d’un « O hehrstes Wunder » torrentiel en attendant de pouvoir éprouver à notre tour pour de vrai la brûlure de ce feu dévastateur. [Christophe Rizoud]

 

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