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Cinq questions à Tassis Christoyannis

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5 questions
21 janvier 2016

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A 48 ans – bientôt 49 – Tassis Christoyannis fait partie de ces chanteurs que l’on aurait tort de ranger trop vite dans une case. Baryton d’origine grec, interprète du grand répertoire de Mozart à Puccini en passant par Rossini (Figaro bien sûr), il vient d’enregistrer des mélodies de Lalo et chantera en avril prochain dans Persée de Lully et dans Ali Baba de Lecocq. Verdi reste cependant au cœur de son parcours avec Posa dans Don Carlo en ouverture et clôture de cette saison, ainsi que Simon Boccanegra dirigé par Paul Daniel et mis en scène par Catherine Marnas à l’Opéra national de Bordeaux à compter du dimanche 24 janvier.


Au début de votre carrière, alors que vous étiez un jeune chanteur grec, imaginiez-vous devenir un jour baryton verdien ?

Oh oui ! J’adorais déjà Verdi, la force théâtrale et émotionnelle de ses opéras. C’est grâce à lui que j’ai voulu devenir chanteur d’opéra. Donc je m’imaginais tout à fait baryton verdien même si ma nature vocale à l’époque ne me le permettait pas.

Comment êtes-vous parvenu à chanter Verdi ?

Pour y parvenir, il m’a fallu chercher la technique idéale, une technique permettant à ma voix de se projeter et se développer de la manière la plus juste, afin d’exprimer les émotions fortes et dramatiques que l’écriture de Verdi demande. Après des études en Grèce et en Allemagne, j’ai trouvé cette technique idéale en Italie – évidement ! – en travaillant avec Aldo Protti, grand baryton verdien et excellent professeur de chant italien. Avec lui, j’ai appris à contrôler, à canaliser, à laisser vibrer mon instrument d’une manière parfaitement adaptée à ma nature. J’ai ensuite pu commencer à aborder des rôles verdiens, avec Don Carlo dans Ernani en 1995.

Ma deuxième rencontre sur cette même voie du contrôle et de la maîtrise a été René Massis, excellent baryton français qui m’aide énormément aujourd’hui encore. Il est actuellement mon agent ; il suit toutes mes productions et il est toujours présent avec une écoute très attentive et des conseils très efficaces.

J’ajouterais aussi les heures et les heures que j’ai passées au piano à jouer les opéras de Verdi, et les heures et les heures que j’ai passées à écouter attentivement les grands chanteurs d’autrefois comme Giuseppe De Luca, Battistini, Gobbi, Becchi, Bastianini, Bruson, Cappuccilli – pour ne citer que quelques noms de barytons italiens dans l’immense listes des chanteurs du monde entier et de toutes les époques.

Quelle différence faites-vous entre Simon Boccanegra et vos autres rôles verdiens – Macbeth, Germont, Posa, Renato, Ford ?

Vocalement, je ne vois pas de grande différence. La tessiture est à peu près la même, la ligne toujours noble et élégante. Si différence il y a, c’est par rapport au personnage, beaucoup plus profond que Germont, Renato ou Ford. C’est le seul d’entre eux que l’on retrouve 25 ans plus tard, sage, avec des réponses aux grandes questions de la vie. Il a une vie personnelle contrairement à Posa qui est un idéaliste mais qui n’a ni pouvoir ni moyens, et à Macbeth qui a le pouvoir mais qui use de la violence et se réfugie dans un monde irréel. Boccanegra, lui, ne parle pas seulement de la paix comme Posa mais aussi de l’amour ! Je crois qu’il est le seul à faire l’éloge de l’amour, de la paix et de l’union !

A votre avis, pourquoi Simon Boccanegra est-il moins populaire que d’autres opéras de Verdi ?

Ce n’est pas un opéra où l’on trouve comme dans les autres opéras de Verdi des passions personnelles, des intrigues, une histoire d’amour entre soprano et ténor, des complots entre personnes moins idéalistes, sociales et humanistes. Puis, il faut avouer que d’un point du vue dramaturgique, Boccanegra est faible. L’histoire n’est ni claire ni simple. Le saut dans le temps de 25 années, avec les changements de nom et d’identité, obscurcit beaucoup l’intrigue. Un opéra, comme une pièce de théâtre, a besoin à la base d’une histoire simple, claire, directe et intéressante, et dans Simon Boccanegra, ce n’est pas le cas… Dommage parce que musicalement l’ouvrage est plein de pages d’une rare et fine beauté !

Qu’est-ce qui est le plus difficile pour un baryton grec : chanter (en français) les mélodies de Lalo (que vous venez d’enregistrer) ou Simon Boccanegra ?

Il est toujours et il restera toujours difficile pour un chanteur de chanter dans une langue différente de sa langue maternelle. Quand nous chantons dans notre langue maternelle, tout notre corps, tout notre instrument vibre immédiatement à la fréquence directe des émotions exprimées. Ajoutons aussi que l’instrument vocal s’est d’abord formé à partir des sons de notre langue maternelle. Alors chanter dans une langue étrangère demande toujours un travail énorme pour reformer l’instrument et essayer d’être le plus sincère possible. Plus on parle et on se sent proche d’une langue, d’une vibration, d’une culture, d’une mentalité, mieux on la chante. Tout dépend de la proximité et de la relation qu’on a avec cette langue.

Personnellement, comme ma mère vient d’une famille napolitaine, chanter en italien est un peu plus facile que chanter en français, même si je dois dire que travailler et vivre autant en France me familiarise davantage avec le français.

Giuseppe Verdi, Simon Boccanegra. Opéra national de Bordeaux, du 24 janvier au 3 février 2016 (plus d’informations)

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