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Cinq questions à Rame Lahaj

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5 questions
13 octobre 2016

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A partir du 14 octobre, Rame Lahaj sera Edgardo dans Lucia di Lammermoor à l’Opéra Bastille, en alternance avec Piero Pretti. Cinq questions pour mieux connaître celui qui a déjà été Edgardo un peu partout en France.


Vous allez faire vos débuts en Edgardo, après avoir chanté dans Lucia di Lammermoor  à Rouen, à Limoges, à Reims et à Nancy. Vous vous identifiez à ce personnage ?

Mon premier engagement en France était un tout petit rôle dans Les Puritains, à Lyon. En 2012, j’ai chanté Rodolfo de La Bohème à Montpellier. En fait, ces trois productions successives de Lucia, c’est quelque chose que nous avons voulu avec mon agent, car je voulais avoir le temps de rôder le personnage avant de l’interpréter à Paris. Mon professeur de chant habite La Réunion, mais il vient régulièrement en métropole. Un jour, j’ai été contacté par l’Opéra de Paris, j’ai passé une audition et on m’a proposé plusieurs rôles, dont Cavaradossi, pour lequel je ne me sentais pas du tout prêt. Je rêve depuis toujours de chanter dans Tosca, quand j’étais étudiant, j’écoutais « E lucevan le stelle » sans même oser le travailler. En revanche, j’ai accepté pour les saisons prochaines Traviata et L’Elixir d’amour : Alfredo est un rôle que je chante depuis toujours, mais Nemorino sera une première, un rôle beaucoup plus difficile, avec une tessiture toujours dans le passage, qui exige une discipline constante pour tenir jusqu’au bout.  Et j’ai préféré faire mes débuts parisiens avec Edgardo. C’est après une des représentations à Rouen que le directeur de l’opéra de Nancy est venu me voir pour me dire qu’il voulait monter Lucia avec moi. Les productions dans lesquelles j’ai chanté Edgardo à Rouen et à Nancy était relativement faciles, par rapport à celle d’Andrei Serban à Paris, qui est assez complexe, mais très belle. Le décor n’est pas de tout repos, mais les chanteurs doivent respecter la volonté du metteur en scène, et chaque production a ses propres difficultés. Je regrette malgré tout que, pour des raisons de sécurité liées à ce décor, il ait été décidé de couper le duo du ténor avec le baryton. Toute la fin de l’opéra repose sur les épaules du ténor, un rôle qui doit être chanté par une jeune voix lyrique. Très difficile, surtout la dernière scène.

Vos débuts professionnels ne datent que d’il y a six ans, comment votre carrière a-t-elle démarré ?

Je suis né en 1983 au Kosovo. La vie était très dure sous le régime de l’ex-Yougoslavie. J’ai grandi dans une petite ville où il n’y avait pas d’école de musique. J’ai fait ma scolarité dans un lycée ordinaire et je n’ai commencé la musique qu’à 21 ans. Après avoir obtenu un diplôme en informatique, je me suis mis à travailler ma voix : il était trop tard pour apprendre un instrument, mais je n’imaginais absolument gagner ma vie avec le chant. Et c’est seulement en 2010 que j’ai chanté mon premier rôle sur une scène : Alfredo de La Traviata, pour les cinquante ans du festival d’Eutin, une petite ville d’Allemagne. C’était un spectacle en plein air, dans des conditions assez éprouvantes pour un débutant comme moi.

Après cela, vous avez enchaîné les productions de Rigoletto, de La Bohème et de La Traviata un peu partout en Europe. Le public est-il différent entre le sud et le nord du continent ?  

La différence entre les publics est une question de culture. Si vous chantez en Allemagne, même si vous donnez le maximum, les spectateurs attendront poliment la fin pour vous applaudir, alors qu’en Italie, s’ils obtiennent ce qu’ils attendent, ils réagissent immédiatement. J’ai chanté en Italie, en Grèce, mais aussi en Pologne ou en Norvège, et je retrouverai l’an prochain le Duc de Mantoue à Helsinki et à Savonlinna. C’est d’ailleurs en Pologne et avec Rigoletto que j’ai rencontré mon idole, Roberto Alagna. Je chantais avec sa femme et, après la première partie, j’ai eu la surprise de le voir arriver en coulisses. Je lui ai dit : Moi qui vous écoute depuis quinze ans, c’est mon tour d’être écouté par vous ! Et nous sommes devenus amis.

Vous avez remporté cet été le troisième prix du concours Operalia, cela va-t-il donner une autre dimension à votre carrière ?

Je dois avouer que j’ai vécu un moment assez difficile avec ce concours. J’avais déjà des contacts avec les opéras d’Helsinki, de Paris, de Santiago, et certains directeurs faisaient partie du jury. Operalia est un événement important, auquel je rêvais de participer, et il était temps que j’y aille car j’allais atteindre la limite d’âge. Hélas, je n’étais pas au mieux de ma forme. J’avais souffert d’une intoxication alimentaire et j’étais encore sous traitement médical, donc j’étais très stressé parce que j’avais le sentiment de ne pas me montrer sous mon meilleur jour. Bien sûr ce prix va m’aider, notamment peut-être pour chanter en Amérique. Mais je me suis déjà produit hors de l’Europe, avec une Traviata à Sydney en juillet 2015. Ce fut une expérience formidable, avec une production très traditionnelle. J’ai été invité à retourner en Australie, mais nous n’avons pas encore pu nous entendre sur la date. 

En mars 2017, vous aborderez Faust à Tel Aviv, c’est votre tout premier rôle français ?

Depuis un moment, les gens avec qui je travaille me disent : tu devrais te lancer dans le répertoire français, qui est idéal pour ta voix et ta musicalité. Jusqu’ici on ne me demandait que des opéras italiens, et je n’ai encore jamais chanté de rôle français en entier, seulement des airs. Salzbourg m’a proposé Werther, mais j’ai estimé que c’était trop tôt, car c’est un rôle lourd. Les responsables de l’opéra de Tel Aviv m’ont contacté pour Faust, parce qu’ils m’ont entendu chanter les airs de Werther sur Internet, et j’ai aussitôt accepté. Ce sera une expérience, mais je pense que l’opéra français me conviendra bien, la difficulté restant de trouver les rôles adéquats pour un jeune chanteur. Le Roméo de Gounod me tente aussi, et dans les années à venir j’aimerais aborder Don José. Apprendre un rôle français me demandera plus de temps qu’un rôle italien. Je suis à Paris jusqu’au 16 novembre, donc je vais profiter de ce séjour pour étudier à la fois Faust et le français, mais je vais devoir apprendre tout le rôle phonétiquement, et c’est un peu comme si je retournais à l’école maternelle, pour réapprendre à la lire et à écrire !

Propos recueillis et traduits le 26 septembre 2016

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