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Cinq clés pour Boris Godounov

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Actualité
28 mai 2018
Cinq clés pour Boris Godounov

Infos sur l’œuvre

L’Avant-Scène Opéra n° 191

Parution : mai 2018

L’œuvre

  • André Lischke : Argument
  • André Lischke : Genèse et versions
  • André Lischke : Introduction et guide d’écoute
  • Modeste Moussorgski : Livret intégral (1869 + 1872), translittéré par Irène Imart
  • Lily Denis et André Lischke : Traduction française

Regards sur l’œuvre

  • Pierre Gonneau : Boris Godounov et le faux Dimitri
  • Catherine Steinegger : Le chantre du peuple russe
  • Jean-Marie Jacono : La réception et les nouvelles versions

Écouter, voir et lire

  • André Lischke : Discographie comparée
  • Pierre Flinois : Vidéographie comparée
  • L’œuvre à l’affiche
  • Chantal Cazaux : Bibliographie

Détails

A partir du 7 juin, Boris Godounov fait son retour à l’Opéra national de Paris, où il n’avait plus été affiché depuis 2005. Pour y voir plus clair dans les différentes versions du plus russe des opéras russes, L’Avant-Scène Opéra propose une version actualisée de son numéro 191, consacré au chef-d’œuvre de Moussorgski (le dit numéro 191, initialement paru en 1999, avait succédé au numéro 27/28, première version du Boris ASO, publiée en 1980, modifiée en 1989 pour mettre en avant l’adaptation cinématographique de Zulawski, et remise à jour en 1998).


1. Pouchkine, mais aussi Flaubert et Gogol

A l’automne 1868, sur la suggestion de son ami Vladimir Nikolski, Modeste Moussorgski tire un livret de Boris Godounov, pièce écrite par Pouchkine en 1825, mais dont la création scénique n’interviendra qu’en 1870. En effet, ce drame historique semble être plus fait pour être lu que représenté, avec ses vingt-quatre scènes, dont certaines très courtes, et toutes situées dans des lieux différents (le compositeur ne retient d’abord que sept d’entre elles). Oui, mais avant de s’intéresser à Pouchkine, Moussorgski a d’abord été fasciné par la Salammbô de Flaubert : la plupart des pages qu’il compose entre 1863-1866 pour ce projet resté inachevé seront d’ailleurs réutilisées dans Boris Godounov. En juin-juillet 1868, nouvelle découverte : Le Mariage, pièce comique de Gogol, dont Moussorgski met en musique tout le premier acte : cette partition « lui servira de terrain d’expérimentation pour l’éléboration d’un récitatif épousant tous les détails du langage parlé dans l’ensemble de ses intonations, à l’exclusion de toute recherche de cantilène et de joliesse vocale » (A. Lischke). Autrement dit, un excellent travail préparatoire avant de se lance dans Boris.

2. 1869, mais aussi 1872

La partition de Boris Godounov est terminée le 15 décembre 1869. Soumise au Comité de lecture des théâtres impériaux, elle est rejetée catégoriquement : musique injouable, sans ballet, sans grand rôle féminin ni intrigue amoureuse. « Ce n’est pas pour faire des concessions au Comité, comme on l’a parfois avancé, que Moussorgski entreprend aussitôt après ce refus une seconde version de son opéra, tout aussi radicale que la première » (J.-M. Jacono). Le compositeur remet donc son ouvrage sur le métier, et au bout de près d’une année de travail, il termine une nouvelle version le 23 juin 1872.  A nouveau refusée, cette deuxième mouture finira par être acceptée grâce à l’intervention de la chanteuse Youlia Platonova, future créatrice du rôle de Marina. La première a donc lieu au Théâtre Mariinski le 27 janvier 1874 ; on reprend pour l’occasion les décors et costumes créés quatre ans auparavant pour créer la pièce de Pouchkine. L’opéra connaîtra 26 représentations avant son retrait du répertoire en 1882. Dans le rôle-titre, Ivan Mielnikov, qui créera l’année suivante le rôle-titre du Démon de Rubinstein et, beaucoup plus tard, Tomski dans La Dame de pique de Tchaïkovski et le rôle-titre du Prince Igor de Borodine.

3. Un tsar, mais aussi un peuple

Bien sûr, l’œuvre porte le nom d’un tsar et, dans la version de 1869, elle se termine très classiquement sur la mort du protagoniste. L’action commence le 17 février 1598 avec le couronnement de Boris, ex-membre de la garde personnelle d’Ivan le Terrible, et prend fin avec son trépas, le 13 avril 1605. Dans la version de 1872, en revanche, l’opéra ne s’arrête pas là, et il acquiert une symétrie nouvelle puisqu’à la toute première scène, focalisée sur le peuple, répond une ultime scène dont ce même peuple est le héros. La scène dite « de la forêt de Kromy » montre la révolte des Russes qui, aisément manipulés, vont porter sur le trône le faux Dimitri, l’imposteur qui se fait passer pour le tsarévitch prétendument assassiné par Boris. Mais ledit peuple manque aussi de lyncher deux prêtres polonais (comme ils parlent en latin, on les prend pour des espions étrangers). Et l’Innocent, rencontré par le tsar devant Saint-Basile dans la version de 1869, revient pour conclure en évoquant les éternels malheurs de la Russie. « Bourbier d’inertie ou redoutable coulée de lave, le peuple, dans Boris, Incarne l’inintelligence poussée jusqu’à la démesure, le viscéral aux antipodes du rationnel. Rarement un auteur aura signé une vision aussi intégralement pessimiste de son ethnie » (A. Lischke). 

4.  La Russie, mais aussi la Pologne

Bien sûr, Boris Godounov fait figure d’opéra russe par excellence, mais un acte entier, rajouté en 1872, se déroule en Pologne (comme dans Une vie pour le tsar de Glinka), ce qui permet d’introduire – tout en respectant la vérité historique et le texte de Pouchkine – le personnage féminin tant attendu, la princesse polonaise Marina Mniszek, mais aussi le perfide jésuite Rangoni. C’est l’occasion d’écrire un grand duo d’amour entre Marina et Dimitri et une fameuse Polonaise pour orchestre (le ballet souhaité). Depuis quelques années, la version de 1869 tend à s’imposer dans les théâtres, mais André Lischke plaide pour un panachage « le plus dense et complet possible », un « Boris idéal » qui conserverait le maximum des deux états de l’œuvre : « la conception élargie de 1872 n’est aucunement une détérioration de l’original, mais au contraire un enrichissement qui va à tous points de vue dans le sens d’une plus grande authenticité » (A. Lischke).

5. Rimski-Korsakov, mais aussi Chostakovitch et quelques autres

En tout cas, c’est désormais 1869 ou 1872 que l’on joue, mais surtout plus la version de 1896, qui a pourtant été longtemps la seule interprétée. Cette année-là, Rimski-Korsakov publie une réécriture complète de la partition, changeant l’ordre des scènes, coupant allègrement un peu partout, et transformant entièrement l’orchestration. Bien que relevant presque de la trahison, la version Rimski s’impose peu à peu. Dans le monde entier ? Non, car en 1924, on donne à Riga une version établi par Emilis Melngailis, élève de Rimski-Korsakov qui tente de reconstituer l’orchestration de Moussorgski à partir de la partition chant-piano de 1872. En 1928, le musicologue russe Pavel Lamm publie un mélange des versions de 1869 et de 1872, mais en 1939, pour le centenaire de la naissance du compositeur, on préfère commander à Chostakovitch le soin de concevoir une orchestration « brillante » pour la partition établie par Lamm. Au moins deux autres versions verront encore le jour, celle de Karol Rathaus en 1953 et celle d’Igor Bouketov en 1997, toutes deux destinées au Met de New York en 1953. « L’histoire de la réception de Boris Godounov montre que chaque interprétation a été conçue pour répondre à un horizon d’attente du public, au-delà des intentions de Moussorgski » (J.-M. Jacono).

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L’Avant-Scène Opéra n° 191

Parution : mai 2018

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  • André Lischke : Genèse et versions
  • André Lischke : Introduction et guide d’écoute
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  • Lily Denis et André Lischke : Traduction française

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