La série « The Baroque Project » fut initiée chez Sony par le musicologue Mario Macarini en collaboration avec le chef d’orchestre Marcello Di Lisa et son ensemble, Concerto De’ Cavalieri, afin d’entreprendre « un voyage […] à travers les formes et les styles du mélodrame italien du dix-huitième siècle ». Après deux premiers volumes consacrés à Alessandro Scarlatti et Giovanni Battista Pergolesi, cette expédition fait halte dans le nord de l’Italie (Mantoue, Venise, Vérone, Turin) et s’intéresse à la musique du Prêtre roux, Antonio Vivaldi, via un programme qui propose des extraits de ses opéras parmi les plus célèbres (dont deux empruntés à Geminiano Giacomelli) encadrés par trois brefs concerti.
Les volumes de cette série se suivent et se ressemblent, dans leurs qualités comme dans leurs défauts. A l’instar de l’enregistrement dédié à Pergolesi, le chant sauve la mise. La mezzo-soprano Kristina Hammarström, très fine connaisseuse de ce répertoire, livre une prestation sublime : sa voix clair-obscuriste, ronde aux aigus brillants, presque diaphane au comble de la fragilité, agile dans les vocalises, incarne chaque personnage dans sa variété d’émotions et de visages, et offre d’habiles variations lors des reprises. Il est très regrettable que le Concerto De’ Cavalieri l’étouffe au lieu de la suivre.
L’interprétation de Marcello Di Lisa succombe par son entrain excessif, proche de l’agitation voire de l’agressivité, qui casse la beauté de la ligne musicale, ne laisse pas la voix respirer et s’épanouir, ne distingue pas suffisamment le caractère et la structure tripartite (A-B-A’) des arie et manque de nuances, tant dans les tempi que dans les dynamiques. Le Concerto pour deux trompettes galope et perd en netteté, dans les parties solistes des trompettes et dans celle du tutti ; les attaques sont dures et le clavecin insuffisamment intégré aux cordes dans son largo tandis que son allegro manque de joliesse. Kristina Hammarström s’efforce de poser avec délicatesse l’air « Di verde ulivo » (Tito Manlio) face à un violoncelle trop appuyé et un clavecin martelé. Heureusement, le largo du Concerto pour deux violons apporte deux minutes d’apaisement qui permettent à la seconde partie de ce programme de trouver son équilibre entre la voix et la partie instrumentale, de comprendre la différence entre énergie et surexcitation, et impriment la bonne direction au magnifique « Sol da te, mio dolce amore » (Orlando Furioso).