C’est le motet Infelix Ergo, une des œuvres les plus célèbres de Byrd qui donne son nom à ce magnifique enregistrement, mais cette pièce est loin d’être la seule perle que nous livre ici Philippe Herreweghe et son Collegium Vocale. Trois autres motets, d’une égale élévation d’inspiration, et une messe complète à cinq voix du même Byrd, plus deux motets à peu près contemporains, dus respectivement à la plume d’Alfonso Ferrabosco et à celle de Philppus de Monte, complètent le programme.
Depuis plus de trente ans, le chef gantois explore avec ce chœur, aujourd’hui réduit à douze chanteurs seulement, le répertoire sacré des XVIIe et XVIIIe siècles et affine ses interprétations, creuse son sillon avec la même rigueur, le même sens du texte, le même amour passionné, la même humilité. Rien de commercial dans sa démarche, dans les choix de répertoire, dans l’approche musicologique, mais au contraire un profond respect des œuvres, un travail ardu et savant, une extrême exigence qui le mènent avec ses musiciens, au fil des ans, sur les chemins austères de la perfection. Toute la richesse de la musique sacrée de Byrd, catholique isolé dans le très protestant monde élisabéthain, repose sur sa savante polyphonie rhétorique, dont il trouva sans doute l’inspiration sur le continent davantage qu’auprès de ses prédécesseurs insulaires.
Mais au delà de la rigueur et de la science, c’est la vie même que les musiciens insufflent à cette musique qui fait tout le sel de cette interprétation. Chaque motet, pour qui veut se donner la peine d’en lire le texte, respire, prend sens avec un naturel déconcertant. Sans aucun soutien instrumental, le chœur d’une justesse absolue dévoile la richesse de ces compostions avec un soin constant, sans pédanterie ni ostentation, un remarquable équilibre. De cette justesse, de cet équilibre naît une réelle sensualité.
La souplesse de la ligne de chant, l’homogénéité de chaque pupitre individuel et du chœur dans son ensemble, l’application apportée au travail de la couleur sont autant de raisons, si on veut en faire l’analyse, d’adhérer à cet enregistrement. Mais on peut tout aussi bien baisser un peu la lumière, demander le silence autour de soi et se laisser simplement porter par la musique sans trop chercher à comprendre, et ainsi entrer en communion avec les âges par le biais de l’émotion pure. D’autres – s’ils le veulent – choisiront d’en faire un chemin mystique et y trouveront sans doute autant de sens.