Il serait, après Jésus Christ et Napoléon celui qui a suscité le plus de littérature : Richard Wagner. Son nom s’accompagne d’un certaine appréhension, ne serait-ce que par la longueur de ses opéras. Il faut être sacrément motivé pour affronter des ouvrages dont la durée dépasse les cinq heures.
Si ses opéras intimident, c’est aussi en raison de leur complexité. Envisagés comme des œuvres d’art totale – Gesamtkunstwerk, le mot en lui-même est effrayant –, privés de structure formelle avec le leitmotiv pour seul repère au sein d’une mélodie voulue infinie, ils nécessitent préparation et concentration pour être appréciés à leur entière valeur. Au contraire d’autres chefs d’œuvre du genre lyrique, souvent italiens, leur séduction n’est pas immédiate.
Puis l’homme n’est pas sympathique. Opportuniste, déloyal, despotique, antisémite, il est souvent accusé d’avoir fait, par ses écrits et sa musique, le lit du national-socialisme allemand. On ne prête qu’aux riches.
C’est dans l’ascension de ce sommet escarpé – colline sacrée pour les thuriféraires – que nous guide Christian Merlin en un volume illustré de presque deux-cents pages, initialement édité en 2002, dont la réédition s’accompagne de la mise à jour nécessaire à la présence des nouveaux noms de la scène wagnérienne – Jonaaaaaas (sic) Kaufmann mais aussi Anja Harteros, Klaus Florian Vogt ou côté chefs d’orchestre, Christian Thielemann et Kirill Petrenko. Discographie, vidéographie et bibliographies ont aussi été révisées.
Cette version actualisée bénéficie, comme la précédente, d’articles à la concision exemplaire organisés avec clarté (voir plan). Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, certes mais encore faut-il une connaissance parfaite du dossier et un sacré talent pour ainsi résumer une somme d’informations conséquentes, démêler des principes enchevêtrés, expliquer simplement des concepts pas si faciles, trouver les bons mots pour tout dire succinctement et ne pas perdre son sens de l’humour en traitant d’un sujet qui en a peu (Les Maîtres Chanteurs n’étant pas l’exception à la règle ainsi que le démontre le paragraphe sur les enjeux de cet opéra).
Cet art de la concision, si peu wagnérien, fait de ce mode d’emploi un vade-mecum utile au néophyte comme à l’initié. Le premier trouvera les fondements nécessaires à son instruction ; le second, selon son degré d’initiation, comblera ses lacunes, rafraichira sa mémoire ou confrontera ses points de vue ; ensemble réunis dans la découverte cultuelle d’une musique que l’on peut écouter, n’en déplaise à Woody Allen, sans vouloir « envahir la Pologne ». .