La profondeur de la musique de Campra forme une alliance étonnante avec la pureté de timbre et de chant de Stephan Van Dyck. L’écouter fait comprendre d’emblée la différence entre haute-contre et contre-ténor. Il possède une voix de ténor aigu, ni légère, ni blanche, étonnamment sonore, unie, limpide !
Possédant une partie un peu en retrait, le ténor Ivan Goossens n’en constitue pas moins un beau contrepoint au chant de son « collègue aigu ». Le baryton-basse Conor Biggs, sachant jouer de son curieux timbre « clair-obscur », complète harmonieusement ce trio de solistes d’un « Requiem-affaire d’hommes », si l’on peut dire.
Admirable de naturel, de charme et de poésie, la prestation du choeur Laudantes Consort nous offre un chant si soigné et approfondi, pour une musique si simplement recueillie, qu’il nous fait quasiment accepter les sonorités sèches-rèches et grinçantes des violons, ainsi que le côté bucolique étrange, donné par la flûte à bec semblant rappeler les moutons d’un pastoureau échappé, avec son pipeau, des toiles de Fragonard. La direction du Maestro Janssens épouse en tout point et magnifie le naturel frappant qui se dégage de la musique.
On sent, dès le début de l’audition de la Missa pro defuncti de Michael Haydn, quel poids représentent les quelques quarante années de différence : une envergure plus théâtrale (les « coups martelés » de la musique, appuyés de timbales ou de cuivres), une urgence dramatique se faisant expression tragique et éperdue dès le deuxième morceau.
Au timbre pur et cristallin de Elke Janssens répond le mezzo pulpeux et chaleureux de Sandra Nazé. Le ténor Philip Defrancq semble léger mais ses aigus « blancs » sont rachetés par un médium et des graves sonores. Arnout Malfliet donne d’abord l’impression que sa voix trémulante de basse est mal assurée, il sait en fait l’alléger dans un médium clair avant de retomber dans des graves sombres et délicats. Le chœur excelle également dans cette musique à la tension plus théâtrale, plus pressante.
Le Maestro Janssens contribue à donner un tout autre ton à ce second Requiem, dirigé sans relâche — trompettes et timbales au vent —, d’un rythme serré mais non précipité, suivi, tenu… et qui nous tient, précisément, en haleine comme s’il s’agissait d‘un acte d’opéra. Le rythme semble se ralentir lors du Benedictus et du dernier morceau, Agnus Dei mais reprend bientôt, plus triomphant et lumineux du reste, que tragique ainsi que pour la conclusion de la Missa, toujours rythmée.
Quelle belle démonstration artistique, dans ce pays où les beffrois d’hôtels de villes s’élancent et rivalisent avec les flèches des cathédrales… Nous sommes ici à Saint-Trond, dans la Province de Limbourg, en région flamande, et rien ne permet de déceler la présence du public dans ce concert à la sonorité si pure, si ce n’est cette stimulation des interprètes, difficilement mesurable mais certainement effective.
Une passionnante et admirable confrontation : de quoi réconcilier les passionnés exclusifs d’opéra avec la musique religieuse !
Yonel Buldrini