Les admirateurs de Daniela Dessi seront heureux de retrouver la cantatrice dans l’un de ses meilleurs rôles, celui d’Adriana Lecouvreur, capté à Milan en 2000. Noble et fragile, théâtrale et amoureuse, celle-ci brosse un portrait complet de cette héroïne fatale et flamboyante. Musicienne intègre, elle se joue avec élégance des subtilités qui caractérisent cette tragédienne, usant de son art du cantabile dès son air d’entrée « Io son l’umile ancella », filant adroitement ses longs aigus, soignant la liquidité de ses phrasés et la tenue de ses piani, tout en surveillant de près l’évolution de ce personnage auquel son timbre flottant et sa précision technique apportent un supplément d’âme bienvenu. Enflammée dans les bras de son amant, sur la défensive face à sa rivale, elle déclame la Phèdre racinienne avec une ardeur blessée, sait émouvoir sans fard au cours d’un « Poveri fiori » parfaitement négocié, avant de mourir emportée dans un dernier délire. Sans pouvoir faire oublier la légendaire leçon laissée par Magda Olivero, Adriana pour l’éternité, Daniela Dessi est sans conteste la digne héritière de Raina Kabaïvanska et de Mirella Freni, deux titulaires pour le moins marquantes.
Scéniquement impassible, mais vocalement sans véritable reproche, Carlo Guelfi campe un honorable Michonnet, tandis que le regretté Sergei Larin, ténor fréquemment entendu à Paris du temps de Hugues Gall, prête sa fougue et son « italianita » au Comte de Saxe, rôle qui lui va comme un gant. Impétueuse, Olga Borodina donne comme souvent beaucoup de voix, mais sa Princesse de Bouillon, à défaut de finesse, va à l’essentiel sans se soucier certes de nuancer ou des colorer son chant, mais avec une réelle autorité, Giorgio Giuseppini (il Principe di Bouillon), Mario Bolognese (L’abate di Chazeuil) et Ernesto Gavazzi (Poisson), tout comme Adelina Scarabelli (Melle Jouvenot) et Annamaria Popescu (Melle Dangeville), complétant fort louablement cette distribution homogène.
Pour raffinée qu’elle soit, la mise en scène signée par Lamberto Puggelli, également responsable de la captation télévisée, en 1989, n’évite pas les poncifs du spectacle dans le spectacle, l’action étant située dans les coulisses d’un théâtre, mais l’agitation un peu vaine des premières scènes gagne cependant en densité au cours du dernier acte. Elève du maestro Gianandrea Gavazzeni, Roberto Rizzi Brignoli est un chef rompu à ce répertoire qui ne s’embarrasse pas toujours du détail, mais dont le sens de la narration, la maîtrise des ensembles et les tempi sont surs et respectueux du style académique, mais au combien éloquent, de Cilea.
François Lesueur