Forum Opéra

Tristan und Isolde (Bohm)

arrow_back_iosarrow_forward_ios
Partager sur :
Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur pinterest
Partager sur whatsapp
Partager sur email
Partager sur print
CD
22 juin 2017
Tristan in excelsis

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Richard Wagner (1813-1883)

Tristan et Isolde

​Opéra en trois actes, sur un livret du compositeur

​Créé le 10 juin 1865 à Munich (Théâtre royal de la Cour)

Détails

Tristan

Wolfgang Windgassen

Le Roi Marke

​Martti Talvela

Isolde

​Birgit Nilsson

Kurwenal

​Eberhard Waechter

Melot

Claude Heater

Brangäne

Christa Ludwig

​Un pâtre

Erwin Wohlfart

​Un pilote

Gerd Nienstedt

​Un jeune matelot

​Peter Schreier

Choeurs et orchestre du festival de Bayreuth

Chef des choeurs

​Wilhelm Pitz

Direction musicale

Karl Böhm

3 CD + 1 Blu-Ray Deutsche Grammophon 479 7291, 218′

​Enregistré sur le vif à Bayreuth (Palais des festivals), en juillet-août 1966

Le retour aux fondamentaux est toujours salutaire. Les versions dites de référence (qu’à tort on croit devoir être anciennes) jalonnent la discographie d’une oeuvre comme autant de points de repère et leur fréquentation constitue le viatique de tout mélomane éclairé, a fortiori s’agissant d’oeuvres complexes et denses. Il en va ainsi de ce Tristan et Isolde dirigé par Karl Böhm à Bayreuth en 1966, à bon droit entré dans la légende et que nous restitue aujourd’hui Deutsche Grammophon dans une présentation modernisée. Cinq décennies de recul ne lui ont pas conféré la moindre ride, bien au contraire, et l’on est frappé, à la ré-écoute, par l’absolue modernité de cette version, sur laquelle les Dieux semblent s’être penchés. Est-ce parce qu’on y trouve l’un des témoignages sonores les plus aboutis et les plus accessibles du Neues Bayreuth à son apogée ? Sans doute. 

En cet été 1966, il restait à Wieland Wagner quelques semaines à vivre. Ce qu’il mettait en oeuvre, depuis 15 ans, trouvait alors sa consécration : le festival n’affichait cette année là que des mises en scène de sa main (outre Tristan, le Ring, Tannhäuser et Parsifal étaient à l’affiche). Après 13 ans de magistère quasi-ininterrompu du vétéran Hans Knappertsbusch, Pierre Boulez dirigeait pour la première fois Parsifal sur la Colline sacrée, repoussant encore plus loin les limites du sacrilège. Les chanteurs qui, en humbles artisans, avaient construit avec Wieland la légende du Bayreuth resuscité des ténèbres, jetaient leurs derniers feux, mais quels feux ! Hotter était une dernière fois Wotan et Gurnemanz, Varnay dardait d’ultimes Kundry et Brünnhilde, quant à Mödl, définitivement usée pour les rôles lourds, elle brûlait les planches en Waltraute, bouleversante à jamais. Pour ces grands anciens, grandis avant et pendant la guerre, la fin approchait. Pour Nilsson et Windgassen, ce fut cet année-là l’apogée, comme si mus par un pressentiment, ils avaient voulu offrir à Wieland le meilleur de leur art. Les étés suivants ne furent que répétitions. 

​Rares sont les enregistrements d’une oeuvre qui ne laissent pas le moindre espace à la critique. Ce Tristan à l’évidence en fait partie. ​La direction de Karl Böhm y est pour beaucoup : légère, incandescente et en même temps remarquablement analytique, elle irradie d’un bout à l’autre de l’oeuvre, à des années-lumières des célébrations pesantes ou trop ivres d’elles-mêmes (suivez mon regard). Le feu de la passion qui consume, il est bel et bien d’abord dans la fosse, et l’orchestre, chauffé à blanc, n’est qu’un torrent de lave aux éruptions spectaculaires (la fin du I ! l’hallucination de Tristan au III !). Jamais la tension ne retombe durant les trois heures et demi de la soirée, l’arc reste tendu jusqu’à une Liebestod marquée par une forme d’urgence. 

​Le couple éponyme appartient à la légende de l’oeuvre au disque, aux côtés de celui formé, trois décennies plus tôt, par Kirsten Flagstadt et Lauritz Melchior. ​Birgit Nilsson – 208 fois Isolde sur scène – livre ici sa prestation la plus convaincante. Les moyens restent inentamés, et c’est peu dire qu’ils sont spectaculaires. Après plus de dix ans de fréquentation du rôle (y compris à Bayreuth, dès 1957), l’interprétation, au départ bien extérieure, s’est creusée ; les mots enfin sont projetés comme ils doivent l’être et – ô miracle ! – on croit même déceler ici ou là une authentique émotion. Cette Isolde, c’est évident, tutoie la perfection. ​

D’émotion, son partenaire Wolfgang Windgassen n’est pas avare. A aucun moment il ne cherche à se faire passer pour ce qu’il n’est pas (au hasard : Lauritz Melchior ou Max Lorentz). Son Tristan n’est pas hiératique, encore moins cosmique. Il assume sans tricher la lourdeur du rôle, jusque dans un acte III absolument hallucinant à force d’être halluciné. Il fait face, puis fait front avec sa partenaire, sans jamais être dans une relation déséquilibrée. On connaît des voix plus intrinsèquement belles, des incarnations sans doute plus raffinées, mais aucun ne surpasse ce Tristan dans la probité et l’honnêteté. Et une fois encore, quel acte III !

​Autour des amants maudits, l’excellence, partout. Christa Ludwig, saisie ici dans sa seule prestation bayreuthienne, est tout simplement la plus belle Brangäne de la discographie. Pleinement soeur, en rien matronne, d’une plénitude vocale insensée, elle subjugue à chacune de ses interventions, à commencer par des Appels oniriques, durant lesquels, pour paraphraser Gurnemanz, le temps devient espace. Taillé dans le même bois, le Roi Marke insolent de beauté et de jeunesse de Martti Talvela renvoie définitivement aux oubliettes de la discographie tant de barbons chenus. Le Kurwenal d’Eberhard Wächter, vibrant et engagé, n’appelle lui aussi que des éloges. Les rôles secondaires (irréprochables), les choeurs… : tous les acteurs de ces soirées mémorables semblent en définitive emportés par un élan qui les dépasse. Sans doute est-ce dû aussi à ce qui est ici invisible : la mise en scène de Wieland Wagner, et sa direction d’acteurs qui sont pour beaucoup dans cette impalpable magie de Bayreuth, que l’on touche ici du doigt de la plus belle et évidente des manières. Il en résulte, le lecteur l’aura compris, un Tristan in excelsis, pour l’éternité.

Commentaires

VOUS AIMEZ NOUS LIRE… SOUTENEZ-NOUS

Vous pouvez nous aider à garder un contenu de qualité et à nous développer. Partagez notre site et n’hésitez pas à faire un don.
Quel que soit le montant que vous donnez, nous vous remercions énormément et nous considérons cela comme un réel encouragement à poursuivre notre démarche.
sans-titre_7

Note ForumOpera.com

4

Note des lecteurs

()

Votre note

/5 ( avis)

Aucun vote actuellement

Infos sur l’œuvre

Richard Wagner (1813-1883)

Tristan et Isolde

​Opéra en trois actes, sur un livret du compositeur

​Créé le 10 juin 1865 à Munich (Théâtre royal de la Cour)

Détails

Tristan

Wolfgang Windgassen

Le Roi Marke

​Martti Talvela

Isolde

​Birgit Nilsson

Kurwenal

​Eberhard Waechter

Melot

Claude Heater

Brangäne

Christa Ludwig

​Un pâtre

Erwin Wohlfart

​Un pilote

Gerd Nienstedt

​Un jeune matelot

​Peter Schreier

Choeurs et orchestre du festival de Bayreuth

Chef des choeurs

​Wilhelm Pitz

Direction musicale

Karl Böhm

3 CD + 1 Blu-Ray Deutsche Grammophon 479 7291, 218′

​Enregistré sur le vif à Bayreuth (Palais des festivals), en juillet-août 1966

Nos derniers podcasts

Nos derniers swags

This be her Verse, par Golda Schultz et Jonathan Ware

La parole aux femmes
CDSWAG

Le Bourgeois Gentilhomme

Un gentilhomme en fête
CDSWAG

Debussy La Damoiselle élue

Lignes claires
CDSWAG

Les dernières interviews

Stanislas de Barbeyrac : « Il y aura peut-être un jour Tristan, si je suis sage »

Interview

Questionnaire de Proust – Sophie Koch : « Christian Thielemann compte beaucoup pour moi »

Interview

Sophie Koch : « Aborder Isolde, c’est être devant l’Everest »

Interview

Les derniers dossiers

Questionnaire de Proust

Dossier

Les grands entretiens de Charles Sigel

Dossier

Philippe Boesmans (1936 – 2022)

Dossier

Zapping

Vous pourriez être intéressé par :

Compositrices : une anthologie en 10 cd par le Palazzetto Bru Zane

Les connues, les moins connues, les inconnues…
Cyrille DUBOIS, Aude EXTRÉMO, Yann BEURON
CD

Mozart in Milan, Sacred music around the Exsultate, jubilate

L’ombre milanaise du Padre Martini
Maximiliano BAÑOS, Federico FIORIO, Raffaele GIORDANI
CD

Voyage intime

L’arbitraire de l’intime
David KADOUCH, Sandrine PIAU
CD

Strauss : Four last songs

Rachel Willis-Sørensen en quête de l’essentiel
Andris NELSONS, PILGRIM SEBASTIAN, Rachel WILLIS-SØRENSEN
CD