Outhere music présente, sous le label Fuga libera, le premier enregistrement d’un jeune baryton-basse islandais, Andri Björn Róbertsson. Il a débuté sa carrière à l’opéra studio de Zurich, dont il rejoint la troupe dès 2014-15. Lauréat HSBC au Festival d’Aix-en-Provence, il engrange de l’expérience ici et là. Il bénéficie du soutien de la fondation Kiri te Kanawa et de la Fondation Behrens, décroche un petit rôle dans l’opéra de George Benjamin Lessons in love and violence présenté successivement à Hambourg et à Lyon ; on le retrouve pour la première fois dans un grand rôle (Figaro dans les Noces de Figaro de Mozart) à l’opéra de Reykjavík au cours de la saison 2019-2020. Les reprises de l’opéra de Benjamin, ainsi que plusieurs autres productions auxquelles il devait prendre part en 2020 et 2021 ayant été annulées, c’est vers le Lied, moins contrarié par la crise sanitaire qu’il tourne ses efforts cette année, travail dont il nous présente ici le fruit, en compagnie de la pianiste Astriður Alda Sigurðardóttir.
C’est vers Robert Schumann et deux de ses cycles de la foisonnante année 1840 que le jeune chanteur porte son choix, répertoire qu’il a déjà pratiqué en concert.
La voix est profonde sans être sombre, souple, bien timbrée, sans artifice avec un caractère juvénile correspondant bien à l’élan romantique de la musique de Schumann, mais naturellement peu tourné vers l’élément dramatique.
Incontestablement, le chanteur possède une bonne maîtrise de la forme, un sens spontané de la mélodie, une excellente diction allemande, un sens du phrasé et de la poésie qu’il peut ici mettre en valeur utilement, plaçant sa prestation à un niveau tout à fait honorable. Mais hélas dans ce répertoire, la concurrence est rude, surtout pour un jeune chanteur, et on pourra sans doute trouver ailleurs une palette de couleurs plus large, une personnalité plus affirmée qui soutiendrait davantage l’intérêt de l’auditeur, une intensité dramatique plus élaborée. Ces débuts sont néanmoins encourageants, et gageons qu’on le reverra bientôt s’épanouir aussi dans d’autres répertoires. Sa pianiste ne démérite pas, elle non plus, et livre une prestation très propre mais sans grand relief.
Soucieux également de défendre son répertoire national, Andri Björn Róbertsson inclut dans son programme six mélodies d’un compositeur largement inconnu en Europe continentale, Arni Thorsteinson, qu’il convient sans doute de présenter en quelques mots. Fils d’un notable islandais (à l’époque où l’île était danoise), largement autodidacte, cet amateur éclairé, lui même chanteur largement apprécié du public, critique musical mais aussi photographe, est une figure semble-t-il marquante de l’histoire de la musique islandaise. Son œuvre est presqu’exclusivement composée de partitions pour piano et voix. De facture très simple, ses mélodies s’inspirent de sources folkloriques locales. L’accompagnement de piano est plus rudimentaire encore, réduit à quelques accords établissant l’harmonie, qui d’ailleurs ne varie guère au cours d’une pièce.
La voix de Andri Björn Róbertsson dans cette deuxième partie est curieusement un peu moins satisfaisante que dans Schumann : moins libre, avec un certain engorgement et un vibrato un peu large, elle peine à donner un véritable intérêt à la musique de conception très simple du compositeur islandais.