On connaît l’anecdote – apocryphe ? – selon laquelle un candidat au baccalauréat de philosophie, ayant à traiter le sujet « Qu’est-ce que le courage ? », aurait rendu une copie blanche où il avait simplement écrit : « Le courage, c’est ça ». Geste téméraire qui, toujours selon l’anecdote, lui aurait valu une excellente note.
Il y a un peu de ce courage-là dans le défi que s’est lancé Marc Mauillon, même si, en l’occurrence, la copie est loin d’être blanche. C’est en tout cas dans le plus simple appareil que l’artiste vient au devant du public avec son nouveau disque, Songline. Si la nudité du corps est encore souvent l’apanage de ces aborigènes australiens que recherche Bruce Chatwin dans le roman The Songlines, source d’inspiration ici revendiquée, c’est la nudité de sa voix au grain si particulier, si immédiatement reconnaissable, que le baryton exhibe dans ce disque, avec un culot rare.
Bien sûr, avec un tel pari, le répertoire se répartit nécessairement en deux grandes catégories : la musique médiévale, très largement représentée, et la création contemporaine ou presque, avec Scelsi, Aperghis, Philippe Leroux et Meredith Monk. Ces quatre plages passent d’autant moins inaperçues qu’elles sont intégrées au reste du programme, et que l’auditeur glisse ainsi sans transition du latin ou de l’ancien français du XIIIe siècle aux plus audacieuses expérimentations modernes sur le langage. Et bien sûr, on se surprend à trouver d’étonnantes similitudes entre certains effets, comme si la monodie du Moyen Age demandait au gosier humain exactement le même genre de souplesse que les partitions d’aujourd’hui et s’appuyait sur des ressources finalement assez comparables.
Bien sûr, nous sommes là très loin du fastueux déploiement d’étoffes vocales ou instrumentales auquel nous a habitués la musique pendant plusieurs siècles, mais le dépaysement n’en est que plus grand, et c’est sans doute l’objectif de ce « récital nomade » qu’a choisi de présenter le chanteur. Pour une fois, abstenez-vous donc de toutes les feuilles de vigne ajoutées au fil du temps, et laissez-vous prendre à l’envoûtement de ces mélismes émis par la voix seule. Marc Mauillon promet « L’abondance dans la simplicité » ? Il dit forcément vrai : pas d’effets de manches, rien dans mains ni dans les poches, puisqu’il est tout nu.