Oeuvre de la maturité, mais aussi de la surdité,la Missa solemnis de Beethoven ne devrait plus être à présenter. On peut toutefois se demander ce qui pousse le label SDG à proposer une version DVD de l’œuvre. Une réponse est à trouver dans le commentaire du chef, John Nelson : « […] ce n’est pas chaque jour que l’on voit chaque élément assemblé en une sorte de perfection, c’était ce jour-là ». Il fallait l’image et le son pour nous restituer cette très belle soirée.
Sans aller jusqu’à parler de perfection, il faut bien reconnaître que quelque chose de particulier s’est passé lors de ce concert. Cette œuvre, qui n’est pas la plus accessible, tant du point de vue de l’auditeur que de l’interprète, trouve ici sa sonorité, son rythme, sa poésie. Et ce, dès la première mesure, saisissante, sans que jamais cela ne se démente – les quelques rares accents mozartiens de ce Beethoven tardif n’ont jamais paru aussi poétiques. Il faut sans aucun doute en attribuer le mérite au chef, car John Nelson, lumineux et inspiré, sait insuffler aussi bien la sérénité de la foi que susciter le feu sacré, aidé d’un Orchestre de chambre d’Europe irréprochable, dont on saluera particulièrement la qualité des vents. Il faut aller chercher du côté de chefs comme Michel Corboz pour trouver cetesprit, qualité indéfinissable, mais évidente. La référence est d’autant plus pertinente que le Choeur de la fondation Gulbenkian est souvent dirigé par le chef helvétique. Un chœur sans faille qui nous offre un son riche, rond et d’une magnifique plénitude.
Quant aux solistes, on regrettera hélas que Nikolai Schukoff soit un peu tendu : le timbre manque de brillance, et sa première intervention rompt avec l’émerveillement installé jusque-là. Il parvient heureusement ensuite à rejoindre le flot de l’œuvre, et la voix se bonifie tout au long du concert, au point qu’on en vient, de par son engagement sans faille, à oublier les défauts précités. Brindley Sherratt assure sa partie sans accroc, l’instrument est riche, parfois un peu rocailleux. On appréciera particulièrement la voix magnifiquement équilibrée et voluptueuse de la mezzo Elizabeth Deshong, irréprochable et brillante. Enfin, Tamara Wilson est confondante d’aisance et semble se jouer avec une sérénité aristocratique d’une partition qui n’est pas réputée pour être particulièrement vocale.
Quid du DVD en lui-même ? Les bonus consistent en deux interviews intéressantes, mais pas capitales. Le concert est bien filmé, sans plus. Les cuts ne font pas toujours sens, les plans choisis non plus, mais les caméras sont bien disposées et on apprécie la justesse du rythme dans le montage. En sus, il faut dire que voir Nelson diriger est un bonheur. Et si le chef américain a trouvé une forme de perfection ce soir-là, c’est qu’il nous semble que, le tout étant plus que la somme des parties, l’Esprit était descendu sur cette Missa solemnis pour en offrir une version qui restitue la plénitude dramatique de sa sacralité.