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Siegfried, acte III (version abrégée)

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CD
5 septembre 2019
Aux âmes bien nées…

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Détails

Siegfried

Stefan Vinke

Brünnhilde

Lise Lindstrom

Deutsche Radio Phiharmonie

Direction musicale

Pietari Inkinen

Enregistré à Saarbrücken en juillet 2018

1 CD SWR Music SWR19078CD, 59′

« On peut déjà se faire une idée des qualités de Pietari Inkinen dans Wagner, la Deutsche Radio Philharmonie ayant publié le 9 août des extraits symphoniques du troisième acte de Siegfried », indiquait le 12 août dernier notre collègue Yannick Boussaert dans son billet consacré au prochain cru bayreuthien du Ring. Nous y voilà.

Ce CD permet donc opportunément de se forger une opinion sur les qualités du jeune chef finlandais : il a en effet 39 ans, mais fait néanmoins figure de vétéran en comparaison du metteur en scène choisi pour cette production, Valentin Schwarz, tout juste 30 ans. Bayreuth mise donc sur la jeunesse. Ce choix ne constitue pas une nouveauté radicale dans l’histoire du Neues Bayreuth, si l’on veut bien se souvenir que Wolfgang Sawallisch avait 34 ans lors de ses débuts en 1957, Philppe Jordan 38 ans en 2012, Daniel Barenboim 39 ans en 1981, Pierre Boulez 41ans en 1966. Aucun de ces glorieux précédesseurs n’eut toutefois à débuter sur la Colline sacrée avec le Ring, et l’on sait que Kiril Petrenko a placé, de 2013 à 2015, la barre très haut. Quant à Patrice Chéreau, il n’avait guère que 32 ans en 1976 pour le premier été de sa mise en scène du Ring qui a marqué l’histoire.

Pour cette carte de visite en Wagner, Pietari Inkinen a choisi d’enregistrer une version abrégée de l’acte III de Siegfried : après le prélude, on zappe directement ( au moyen d’interludes orchestraux habilement troussés) à l’entrée de Siegfried à la fin de la scène 2 « Mit zerfrocht’ner Waffe  ») pour avoir, dans son intégralité, la scène 3, conclue par le fameux duo d’amour entre Siegried et Brünnhilde. Exit donc Erda, le Wanderer et Alberich. 

Sans entrer dans des transes déraisonnables et crier incontinent au génie, on peut sans difficulté trouver ces débuts au disque très prometteurs. Pietari Inkinen parvient déjà  – et c’est beaucoup – à tirer de son orchestre (dont le nom cache en réalité la fusion des orchestres des radios de Saarbrücken et Kaiserslautern) des qualités premières que l’on ne soupçonnerait pas spontanément : discipline, cohésion des pupitres, fini des phrasés et qualité des timbres sont de la meilleure veine. Après un prélude qui se cherche un peu, les choses rentrent très vite dans l’ordre. On peut alors admirer chez Inkinen de réelles qualités de meneur d’orchestre, mais aussi une attention toute particulière accordée à la poésie des timbres instrumentaux. Le passage instrumental qui précède le réveil de Brünnhilde est à cet égard une réussite complète, qui soutient sans difficulté la comparaison avec les meilleurs baguettes de la discographie. D’une pulsation légère et fougueuse, plus proche de celle de Krauss ou du jeune Karajan à Bayreuth que de celle de Knappertsbusch ou Keilberth, il porte le discours musical sans jamais faire retomber la tension : on pense plus d’une fois à Boulez pour la légèreté, et à Bernstein pour la fougue (il faut connaître absolument la video d’un Bernstein monté sur des ressorts pour diriger le début de l’acte III en version de concert à Vienne en 1983 : hautement jubilatoire). Voilà qui est donc de très bon augure.

Les deux chanteurs choisis pour incarner le couple maudit suscitent des jugements plus contrastés. Le Siegfried de Stefan Vinke probe, solide et idiomatique, a la voix et la connaissance du rôle (il fut le Siegfried de Petrenko à Bayreuth et Munich), ce qui est déjà beaucoup. Jugé sur un extrait relativement court, enregistré dans le confort du studio, il est évidemment difficile d’apprécier son endurance, vertu cardinale dans ce rôle. Une légère gêne dans le haut médium est par ailleurs perceptible. On sera moins indulgent pour la Brünnhilde de Lise Lindstrom : la vaillance est là, c’est indéniable, mais le timbre acide génère une stridence rédhibitoire, sans parler d’un vibrato vraiment envahissant et d’une prononciation parfois peu idiomatique (« Siegfried, dein war ich von yeah ! »).

Si l’objectif de ce disque est d’éveiller chez l’auditeur wagnérien l’impatience et le désir de mieux connaître le talent de Pietari Inkinen, alors il est atteint. Rendez-vous en juillet 2020 sur la Colline sacrée : d’ici là, le temps va paraître long.
 

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