Après nous avoir gratifié en 2010 de la splendide somme – et désormais incontournable en langue française – de plus de 1600 pages consacrées aux quelques 250 cantates du cantor, Gilles Cantagrel poursuit très logiquement son œuvre avec un ouvrage s’attachant cette fois à éclairer les autres monuments de la musique sacrée occidentale que sont les passions, messes et motets du musicien allemand. Comme il l’explique lui-même dans son avant-propos, la même méthode que pour son précédent opus, consistant à nous présenter le contexte, les œuvres, les textes avec leur traduction et les instrumentations a été employée. Pour résumer, disons que notre spécialiste national de Bach nous entretient ici notamment des Passions selon St Jean et St Matthieu, de la Messe en si, du Magnificat et des Motets.
Commençons par le négatif, qui ne pèse pas très lourd comparé au reste. Par rapport à son aîné, le volume fait presque office de gringalet : 421 pages de texte seulement ! Il est vrai que le corpus envisagé est plus restreint mais paradoxalement beaucoup plus dans l’oreille des mélomanes. Ainsi les passages consacrés aux nombreux très grands moments des Passions ou de la Messe en si auraient peut-être gagné à avoir été un peu plus étoffés, commentés ou expliqués. Le lecteur, sans doute déjà familier des ouvrages du même éditeur consacrés aux différents genres musicaux (comme le Guide de la musique sacrée, l’âge baroque, paru en 1992) ou bien même au plus ancien Bach d’Alberto Basso (paru en 1984 également chez Fayard) n’aurait certainement pas été contre un peu plus d’approfondissement car on sent très bien que l’auteur est loin d’avoir été au bout de son (dis)cours et qu’il aurait pu aisément jouer les prolongations, pour notre plus grand plaisir. Autre petit motif de déception : les instrumentations affectées aux morceaux isolés sont parfois fautives voire contradictoires d’une page à l’autre (c’est notamment flagrant pour les deux versions du Magnificat ou pour la Passion selon St Matthieu). Et si cet inconvénient se retrouvait déjà dans le précédent ouvrage, on pourra rétorquer que c’est du chipotage et on aura probablement raison.
Ceci posé, on retrouve bien évidemment toutes les qualités propres aux écrits de Gilles Cantagrel : une parfaite maitrise de son sujet ainsi que la capacité qu’il a à nous plonger sans effort apparent dans l’univers intellectuel, spirituel et musical de Bach. Tous les amateurs de la musique du compositeur trouveront donc ici des compléments passionnants et éclairants. La maquette est très claire, les illustrations bienvenues et les exemples musicaux, réécrits ou bien présentés en facsimile, s’ils sont assurément trop peu présents, apportent un complément visuel d’information indéniable.
Pour conclure, osons – comme Platon l’avait déjà fait auparavant – une comparaison avec la gastronomie : Cantagrel est un très grand chef, son plat est excellent mais il est possible que vous quittiez le restaurant en étant resté sur votre faim.