Les années se suivent et ne se ressemblent pas. Septembre 2016 nous servait sur un plateau d’argent et de plumes noires Verismo, un album consacré au répertoire italien du tournant du 19e siècle où Anna Netrebko apparaissait au sommet de son art. La rentrée 2017 nous bazarde sur un coin de comptoir Romanza, un enregistrement à plus ou moins deux voix auquel nous n’aurions pas forcément consacré une critique entière si ne figurait au générique la soprano la plus demandée du moment.
Accompagnée de son inévitable époux, Yusif Eyvazov, celle qui vient de triompher – à juste titre – dans Aida à Salzbourg se présente sous un jour peu favorable aux amateurs d’art lyrique. Dix-huit chansons trempées dans le même sirop harmonique et mélodique par le producteur et compositeur Igor Kroutoï composent un programme conçu à l’origine pour le marché russe. Les paroles ont été pour la plupart traduites en italien afin de séduire une clientèle internationale. Une édition dite « de luxe » ajoute un deuxième CD et une petite vingtaine de titres piochés au hasard dans la discographie de la chanteuse, de 2003 (la romance de Rusalka dirigée par Emmanuel Villaume) à l’an passé (deux extraits de Verismo).
En ce qui concerne Romanza, avec onze titres pour Anna Netrebko, quatre pour Yusif Eyvazov et trois duos, la répartition joue en faveur de la soprano. On ne s’en plaindra pas tant le timbre du ténor continue de plomber un répertoire prétendument moins exigeant. L’amour n’est hélas pas pierre philosophale. La voix voluptueuse d’Anna Netrebko elle-même ne sort pas indemne de la confrontation avec un genre pour lequel elle n’a pas été formée. Que sauver de ces mélopées écrites dans un haut medium finalement peu flatteur : la longueur du souffle, la lumière de l’aigu… On cherche ne serait-ce qu’un argument en faveur de ce que l’on nous présente comme l’album le plus personnel de la chanteuse mais on a beau chercher, on ne trouve pas.