De façon pleinement justifiée, cet enregistrement prend place dans la série « rarities » que publie le label suisse Claves, en coproduction avec la radio SFR 2 Kultur. Dans l’Oberland grison, sur le versant sud des Alpes suisses, l’Engadine ne recèle pas que des trésors naturels. Nos chercheurs ont retrouvé un recueil de 1707, où les 150 psaumes de Sweelinck (*) figuraient, entre autres, avec les copies manuscrites de chacune des parties assorties du texte du parler local, propre aux vallées de Bergell et de Puschlav. Ainsi est-on surpris d’écouter Goudimel chanté dans un idiome roman, comme les psaumes de Genève, joyaux de la musique réformée. Or la notice, bien documentée, trilingue, y compris le français, publie les textes chantés, mais en oubliant notre langue. C’est d’autant plus regrettable que les textes reproduits nous sont souvent incompréhensibles (en Rheto-Roman). Il faut donc se référer aux versions originales pour accéder à leur sens. L’auditeur doit revenir au psautier, si possible dans les traductions de Clément Marot, de Théodore de Bèze ou de Loÿs Bourgeois, de préférence, pour en retrouver la signification.
Lamaraviglia, que dirige la mezzo Stephanie Boller, fait appel à neuf autres chanteurs, tous spécialistes de musique ancienne, formés à la Schola de Bâle. Leur ensemble, né il y a une bonne dizaine d’années, est assurément rompu à l’exercice : homogène, équilibré, où chaque partie conduit sa ligne avec un réel souci du texte (prononcé à l’ancienne) comme de la mélodie. Le programme est soigneusement composé : 13 Psaumes, le plus souvent dans deux versions (sauf le 150, qui clôt le CD, chanté trois fois). La monodie (Psautier de Genève), remarquablement illustrée par l’ensemble, précède souvent une version homophone (de type choral) de Goudimel, ou contrapuntique de Sweelinck, quand ce n’est pas des deux. La variété des réalisations permet ainsi d’échapper à la monotonie, d’autant que les unissons de Lamaraviglia sont irréprochables, encore empreints de la conduite du plain-chant.
Hormis la difficulté de compréhension du texte, la seule réserve réside dans l’humilité retenue des interprètes. En effet, les psaumes semblent appeler une large palette expressive, de l’accablement à la jubilation rayonnante, qui sont ici lissés, d’une constante plénitude où l’on attendait davantage de vigueur. Si le psaume 42 (dans la version polyphonique de Sweelinck) est souple, empreint de joie confiante, avec un certain allant, la joie est contenue dans les psaumes 100 et 122, comme la supplique recueillie des 25 et 63. Certainement un parti pris de fidélité à l’esprit qui présidait à leur pratique ancienne ?
Une belle réalisation musicale, desservie par un livret qui ne s’adresse qu’à un public limité, alors que l’interprétation mérite une plus large diffusion.
(*) disparu il y a juste quatre siècles, le 16 octobre 1621, précisément.