Bonne idée que de consacrer un enregistrement à un manuscrit homogène de la fin du XVIe siècle , particulièrement lorsqu’il appartient à la bibliothèque de la ville où l’ensemble travaille, Stralsund, petite ville ancienne, florissante à l’époque de la ligue hanséatique, non loin de Rostock. Les 11 motets enregistrés, à 5 ou 6 parties, sont représentatifs du répertoire du temps : Josquin y côtoie Arcadelt, Senfl, Stoltzer, Isaac et aussi d’autres compositeurs contemporains de la confection du recueil.
Le souci de l’ensemble est de tendre vers une improbable authenticité. Les instruments sont des copies d’époque, les musiciens disposés de part et d’autre d’un grand lutrin où ils lisent leur partie, un par voix. L’enregistrement est réalisé dans le chœur de l’église où Eucharius Hoffmann, premier compositeur représenté, remplissait sa charge.
Trois motets sont influencés par l’Italie nouvelle, où l’intelligibilité du texte est privilégiée : In Domino, à 5, de Hoffmann, un Vulnerasti cor meum anonyme, et O pulchrima inter mulieres, de Jakob Meiland. La clarté de l’enregistrement est rare. Les voix naturelles, droites, ont un phrasé séduisant, l’émission pure est en adéquation avec le répertoire. Le choix des instruments, consort ou broken consort, est toujours bienvenu. Ainsi le motet d’Arcadelt, Nuptiae factae sunt, écrit à 6 parties de basses voit-il son cantus firmus confié à la voix, les autres parties à des instruments aux timbres différenciés, ce qui confère à l’ensemble une grande lisibilité. L’interprétation de celui de Josquin, O Virgo prudentissima/Beata mater, est instrumentale. Sa profondeur, sa retenue, sont pour partie dues à une registration qui fait penser à celle des orgues danoises ou d’Allemagne du Nord. Le cantus firmus est mis en relief, l’écriture savante et la structure valorisée. Si chacune des pièces présente un intérêt renouvelé, nous retiendrons particulièrement la version de deux chorals aux timbres familiers, Christ lag in Todesbanden, et Allein zu Dir, de Scandello. La mélodie du ténor solo du premier permet d’apprécier le beau contrepoint des autres parties. Quant au second, le chef a choisi de fusionner voix et instruments, ce qui lui confère une homogénéité admirable. Le monumental Christus filius Dei de Heinrich Isaac couronne cet enregistrement : alternant sections à petit effectif – un ou deux chanteurs et un instrument – à des tutti homophones, la pièce prend une dimension lyrique étonnante. La prière intimiste est chantée a cappella se conclut sur une vision triomphante du ciel, tutti.
Avec élégance, raffinement et distinction, sans jamais tomber le maniérisme, la Schola Stralsundensis, un ensemble avec lequel les meilleurs de ce répertoire devront maintenant compter, nous offre là un beau programme.
Le livret trilingue est bien documenté, d’une lecture aisée et comporte tous les textes et leur traduction.