Voici un livre qui fait du bien : un sujet passionnant pour ces temps de Fêtes et une étude brillante et superbement documentée. Après Wagner, Mozart, Richard Strauss et L’Opéra, la collection « Mode d’emploi » de l’Avant Scène Opéra nous propose cet ouvrage d’Alain Perroux sur la Comédie Musicale. Vaste sujet que l’auteur se doit de condenser au maximum en un volume de 256 pages agrémenté de superbes photos. Mission accomplie avec brio par l’auteur sans jamais sacrifier à la superficialité.
Alors que Paris se convertit plus que jamais à la Comédie musicale, il fallait sans doute que XXe siècle se passe pour qu’on se rende compte de l’apport essentiel de ce genre au théâtre lyrique de notre temps. Ce livre est très précieux en ce sens car il le place en cette perspective.
Alain Perroux sait de quoi il parle. Musicologue, critique musical, spécialiste d’art lyrique, il ose à peine avouer la passion qui l’anime : le théâtre musical sous toutes ses formes et, plus particulièrement, la Comédie musicale américaine. Il s’est même frotté à la mise en scène au Festival de la Bâtie à Genève en 2008, avec succès: sa réalisation de Sweeney Todd de Stephen Sondheim a été saluée unanimement par le public et la critique. Le spectacle est repris au Théâtre du Loup et l’Opéra de Poche de Genève tout ce mois de décembre. Le Festival d’Aix-en-Provence a su s’attacher là un collaborateur hors pair.
Comme dans les ouvrages de cette collection, ce livre peut être lu de bout en bout ou consulté comme un dictionnaire ou une petite encyclopédie. Le lecteur peut d’emblée se laisser guider par Alain Perroux. Il vous parle en ami avec un style bon enfant, raffiné et concis, il vous prend par la main jusqu’à vous inviter à tourner les pages à chaque fin de chapitre en ménageant un suspens en clin d’œil comme dans un feuilleton ! C’est toujours intelligent et jamais démagogue. C’est grâce à un travail de fourmi qu’Alain Perroux a réuni toutes ces informations, les a laissées décanter avant de raconter cette histoire avec autant de précision et de claire simplicité. Il n’est pas aisé de définir ce qu’est une comédie musicale et Alain Perroux a raison de se référer à la longue histoire du théâtre musical en occident, même si après avoir puisé ses sources en Europe ce genre s’est surtout épanoui en Amérique. De même il précise qu’il s’agit bien d’un genre avant tout théâtral et non pas cinématographique comme on le croit encore trop souvent. Passionnante aussi cette préhistoire de la Comédie musicale telle que contée par Perroux : il y met en parallèle le théâtre musical populaire depuis l’ancienne Grèce jusqu’à Mozart et l’opérette et l’opéra-comique français du XIXe siècle ou la zarzuela espagnole. Il met évidemment l’accent sur la grande époque des années 30 quand, suite à la crise de 29, les comédies musicales mettent en scène de simples quidams en butte aux difficultés quotidiennes jusqu’à ces années 60 où le genre a montré un dynamisme et un renouvellement permanents. Force est de constater qu’après les grands chefs d’œuvres de Stephen Sondheim, la relève tarde à venir aujourd’hui.
Ce livre est un joli manuel auquel il est aisé de revenir à l’occasion. Vous avez oublié le synopsis d’une œuvre ? 86 comédies y sont analysées. Qui était Richard Rodgers ? un Who’s Who de Broadway vous renseigne sur les grandes figures qui ont fait la comédie musicale. Enfin un chapitre intitulé « Ce que dit la chanson » est un modèle du genre. Loin d’une analyse musicologique assommante, Alain Perroux décrypte (ou radiographie, comme il dit) certains des songs les plus célèbres. Le décryptage de « Send in the clowns » extrait de Little Night Music de Sondheim (à l’affiche du Châtelet en février 2010) est un modèle du genre. C’est savoureux et vous n’écouterez plus cet air ensuite de la même manière.
Marcel Quillévéré