De la mélodie à la chanson, la frontière est ténue. Le succès des Feuilles mortes conduit à classer les partitions de Joseph Kosma dans la deuxième catégorie. Trop hâtivement. Gérard Condé dans le Guide de la Mélodie et du Lied (Fayard) les dit « sans équivalent dans la musique de divertissement de leur temps » et les situe « parallèlement aux mélodies de Poulenc, dans le prolongement de Gounod (goût de l’épure et de la belle harmonie) ou de Massenet (sensualité avouée), comme Fauré ou Ravel », rappelant dans le même article leurs exigences en termes de diction.
Jeune ténor au parcours éclectique, de Mozart à Jolas, Fabien Hyon, accompagné par Juliette Sabbah au piano, s’attache dans un nouvel enregistrement à tisser ce réseau de correspondance, à l’élargir même à d’autres compositeurs : Albert Roussel, Déodat de Séverac et Reynaldo Hahn. Leur dénominateur commun ? Paris qui donne son titre à un album dont le programme veut raconter le vagabondage d’un gamin dans les rues de la ville, alors lumière.
On est effectivement loin de #saccageparis dans ce décor de carte postale, posé en doux équilibre sur des poèmes d’Apollinaire et Prévert – entre autres – mis en musique par des musiciens parisiens de naissance ou d’adoption (à l’exception de Déodat de Séverac). Le timbre de Fabien Hyon possède la fraîcheur que demande ce répertoire pour ne pas paraître daté. Rien d’outré, de forcé ou de faussement canaille dans la manière de chanter. Le naturel avec lequel le chanteur effeuille chacune des pages participe à l’impression de jeunesse. De ses dix doigts, Juliette Sabbah ajoute des touches de couleurs à une proposition vocale dont la pâleur serait sinon la faiblesse.
La voix de baryton déploie évidemment un nuancier plus large et Pierre Bernac, le partenaire de Poulenc à la scène, se pose en référence incontestable. Mais il y a dans le dialogue entre les deux jeunes artistes une spontanéité, une facilité aussi à vagabonder ainsi, de Montparnasse à Montmartre, à saute-ruisseau, d’une humeur l’autre, qui invite à les suivre dans ce Paris at night, « que j’aime et qui n’est plus » – force est de l’admettre aujourd’hui à la vue des photos sur les réseaux sociaux qui dénoncent la métamorphose de la ville.
A noter pour conclure sur une note plus positive, la technique « Home Concert » propre au label Passavant Music et mise en œuvre ici, qui veut restituer une image sonore « si fidèle que l’auditeur pourrait se croire au concert ».