Le Palazzetto Bruno Zane, en partenariat avec Actes Sud, publie les actes d’un colloque tenu à l’occasion du bicentenaire de la naissance de Jacques Offenbach, les 19 et 20 juin 2019 à Cologne puis 21 et 22 juin à Paris. Vingt-neuf textes ont été réunis par les organisateurs de l’événement – Jean-Claude Yon pour la France, Arnold Jacobshagen et Ralf-Olivier Schwarz pour l’Allemagne. La variété des sujets abordés témoigne de la vitalité et de la variété des recherches musicologiques autour du « petit Mozart des Champs-Elysées » – surnom dont la paternité est attribuée à Rossini.
Quel rapport en effet entre l’enquête menée par Matthias Brzoska sur La Duchesse d’Albe, un projet d’opéra-comique envisagé à la fin des années 1840 puis avorté, et l’étude de Yannick Simon relative à la circulation de l’œuvre d’Offenbach de 1858 à 1914 dans les régions françaises à travers l’exemple du Théâtre des Arts de Rouen ?
Comment faire le lien entre le passage en revue par Jean-Claude Yon des figures de musiciens dans le répertoire offenbachien, et l’analyse par Markéta Štědronská des écrits d’August Wilhelm Ambros, critique musical, compositeur et historien autrichien qui assimilait l’opérette à une « peste aquatique musicale » ?
Si les récits de l’accueil réservé aux ouvrages d’Offenbach, en Espagne par Serge Salaün, et au Portugal par Mário Vieira de Carvalho, procèdent de la même démarche, quid de la liste par Richard Sherr des allusions musicales dissimulées et supprimées dans Pépito, ou du match arbitré par Gesa Zur Nieden entre La Belle Hélène et L’Africaine au théâtre impérial du Châtelet dans les années 1860 ?
A la recherche difficile du dénominateur commun des sujets abordés, les auteurs ont opté pour le titre de Offenbach, musicien européen car « ce volume est plus que le reflet d’une carrière qui, fortement ancrée à Paris, a pris l’Europe entière (et au-delà) pour champ d’action », explique Jean-Claude Yon. « Et au-delà », tout à fait. L’œuvre d’Offenbach est d’abord universelle. Preuve en est que ces études, articulées en quatre partie – la vie, l’œuvre, sa diffusion et sa postérité –, outrepassent le cadre géopolitique.
Leur lecture s’adresse d’abord aux universitaires, à quelques exceptions près dont une passionnante confrontation entre Offenbach et Wagner, « deux musiciens qui ne se sont jamais rencontrés personnellement, mais qui étaient étroitement liés par une aversion mutuelle et peut-être une affinité secrète ». Auteur d’un ouvrage sur Wagner et l’antisémitisme*, Dieter David Scholz désosse les correspondances entre deux positions musicales, esthétiques, politiques et sociologiques moins opposées qu’on ne pourrait le penser pour arriver à cette surprenante affirmation : « Offenbach, au fond, a réalisé l’unité si souvent invoquée par Wagner entre le mot et le son ». La vie parisienne et Tristan, même combat en quelque sorte. On ne réjouira jamais assez de voir enfin reconnu le génie d’un compositeur longtemps considéré avec mépris.
* Wagners Antisemitismus, wbg academics, 2014