Voici une sorte d’anthologie des madrigaux du premier livre (1587) au huitième (1638), couvrant donc toute la période créatrice de Monteverdi, sous forme d’un coffret de trois CD. Chacun d’eux est dédié à une ville chère au coeur du compositeur, ayant jalonné son parcours : Cremona, Mantova et Venezia. Sur le premier, des madrigaux des trois premiers livres, pour le second des trois suivants, le dernier réunissant des œuvres des livres VII et VIII.
Réalisés patiemment entre 2011 et 2015, édités séparément, puis enfin réunis, ils reflètent le travail approfondi, individuel et collectif, des Arts florissants. Paul Agnew se frotte de longue date au répertoire monteverdien. Il est vrai que William Christie avait cultivé ces madrigaux avec une attention toute particulière, alors que le chanteur rejoignait l’ensemble, dont il allait prendre progressivement la direction.
Le premier CD (livres I à III) est confié à six chanteurs, dont Paul Agnew, a cappella. Le deuxième (livres IV à VI) voit des effectifs plus nombreux, enrichi des cordes et de la basse continue, enfin le dernier (livres VII et VIII) couronne le tout, marquant ainsi la progression de l’écriture et de la richesse des timbres. La direction est exigeante, millimétrée, et impressionne par ses équilibres subtils, ses mixtures, l’homogénéité des voix. La vie donnée à chaque pièce, dont l’intelligence du texte est manifeste, le galbe, les madrigalismes réjouissent l’auditeur. Tout cela est très beau, élégant, retenu, pudique (y compris le Combattimento…), très pur. Quelques sommets, ainsi le Zefiro torna, mais on reste un peu sur sa faim : Si l’émotion est liée à la perfection de la conduite de la ligne, à la dynamique, où est la sensualité de la Ninfa, sinon en filigrane ? La passion, la violence, les contrastes, l’outrance expressionniste voulus par Monteverdi restent au niveau de la projection. Tout est contrôlé, magnifiquement, sans doute trop, une sorte de classicisme idéal. Malaisé dans ces conditions d’oublier la chaleur des couleurs, de la langue aussi, de telle ou telle intégrale de référence. Le choix de madrigaux, qui privilégie les plus connus, sans doute à juste titre, en fait néanmoins une très belle introduction à cet univers.
Le riche plaquette d’accompagnement, bilingue, nous vaut, outre la traduction des textes chantés, les commentaires de son maître d’œuvre.