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Marie-Eve Munger : Maestrino Mozart

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CD
25 octobre 2022
Etincelante, mais…

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Il sogno di Scipione, K. 126 (1772)
Aria «Biancheggia in mar lo scoglio» (Costanza)

La finta semplice, K. 51 (1769)
Aria «Amoretti che ascosi» (Rosina)

Die Schuldigkeit des ersten Gebots, K. 35 (1767)
Aria «Ein ergrimmter Löwe brüllet» (La Miséricorde)

Bastien und Bastienne, K. 50 (1768)
Aria «Mein liebster Freund hat mich verlassen» (Bastienne)

La finta semplice, K. 51 (1769)
Aria «Colla bocca, e non col core» (Rosina)

Recitativo «O temerario Arbace» – Aria «Per quel paterno amplesso», K. 79
(1766)

Mitridate, rè di Ponto, K. 87 (1770)
-Aria «Al destin che la minaccia» (Aspasia)
-Aria «Nel grave tormento!» (Aspasia)
-Recitativo «Ah ben ne fui presaga» – Aria «Pallid’ombre» (Aspasia)

Ascanio in Alba, K. 111 (1771)
Aria «Dal tuo gentil sembiante» (Fauno)

Lucio Silla, K. 135 (1772)
-Aria «Fra i pensier più funesti di morte» (Giunia)
-Recitativo «In un istante» – Aria «Parto, m’affretto» (Giunia)

Détails

Marie-Eve Munger, soprano

Les Boréades de Montréal

Sur instruments d’époque (430 Hz)

Direction musicale

Philippe Bourque

Texte de présentation (intéressant) par Marie-Eve Munger

CD ATMA Classique ACD 22815

Réalisation, enregistrement montage et mixage : Anne-Marie Sylvestre

Enregistré à l’Église Saint-Augustin, Mirabel (Québec), Canada
Les 1, 2 et 4 novembre 2021

Durée : 65′

Parution 15 octobre 2022

Voilà un nouvel album-récital, après ceux d’Elsa Dreisig, Marina Rebeka, Jodie Devos, Lisette Oropesa, Nadine Sierra, Regula Mühlemann, Sabine Devieilhe, Jeanine De Bique, Rachel Willis-Sørensen, bientôt Julie Fuchs, sans parler de celles qui sont passées sous nos radars… Sans parler non plus des mezzos (Marina Viotti !), ni des voix d’hommes, on  n’en finirait pas. C’est l’âge d’or, récemment évoqué par Forum Opera…

Ce disque témoigne aussi de la santé du chant québécois : Marie-Nicole Lemieux, Karina Gauvin, Michèle Losier, Julie Boulianne, sans oublier Philippe Sly, Frédéric Antoun, Etienne Dupuis… et donc Marie-Eve Munger, soprano lyrique léger dont on a maintes fois déjà dit ici toutes les qualités, notamment d’engagement scénique. Dotée d’une voix aux aigus et suraigus faciles, elle est une Reine de la nuit, une Gilda, une Zerbinetta, une Lakmé, une Isabelle du Pré aux clercs, mais on l’entend aussi dans un répertoire plus lyrique (Juliette, Ophélie, Lucia, la Comtesse Adèle du Comte Ory, et même Donna Elvira).


© D.R.

Elle donne ici un album d’airs de Mozart composés avant ses 17 ans : l’évidence du génie mozartien avant la radicale originalité de la trilogie Da Ponte, ou celle d’Idomeneo comme de la Clemenza di Tito, un talent caméléonesque à se couler dans le moule, mais déjà la préfiguration de toute autre chose…

Un jeune caméléon

Ainsi l’acrobatique première plage, « Biancheggia in mar lo scoglio », extraite d’Il sogno di Scipione s’appuie-t-elle déjà sur une orchestration brillante (Mozart composera huit symphonies en cette année 1772 où il a seize ans…) : l’air multiplie les prouesses, les sauts de notes et les suraigus spectaculaires. Costanza y assure qu’elle n’a peur d’aucune tempête (telle Fiordiligi qui affirmera dans quelques années qu’elle est solide comme un rocher dans la tourmente…) Air de bravoure, c’est le cas de le dire, qui atteste de l’habileté de Marie-Eve Munger à se jouer d’une collection de chausse-trappes perfides. Et des qualités d’articulation et de couleur des Boréades de Montréal, un ensemble qui sous la direction de Philippe Bourque joue sur instruments d’époque.

Virtuosité un peu gratuite… Il y avait en somme davantage de musique dans l’air de Rosina « Amoretti che ascosi », de La finta semplice, que le prodige composa à treize ans pour à une voix plus lyrique, mais avec les inévitables coloratures à risques, que Marie-Eve Munger négocie aisément, sans y mettre toutefois le surcroît de sensibilité qu’on aimerait. D’où une légère frustration qui se confirmera au fil de ce disque : à cette démonstration incontestable, mais monochrome, de maîtrise manque une touche personnelle qui la transcenderait.


© D.R.

C’est d’abord la facilité de Mozart à intégrer tous les canons de son époque et un mimétisme étonnant qui se laissent entendre dans ce programme bien conçu. Avant que les extraits de Mitridate, Lucio Silla ou Ascanio in Alba ne le montrent dans l’essor de sa singularité.

Précocité qui le fait composer à l’âge de 11 ans Die Schuldigkeit des ersten Gebots, manière de drame sacré pour la cour archiépiscopale de Salzburg, allégorie où l’Esprit de la Chrétienté, la Divine Justice ou l’Esprit du Monde tentent de réveiller un chrétien de sa léthargie. Ici la Miséricorde s’y essaie dans l’air « Ein ergrimmter Löwe brüllet ».

Sous clef

On raconte que le prince-archevêque Sigismund von Schrattenbach aurait fait enfermer dans une pièce l’enfant pour être sûr que ce n’était pas Leopold qui tenait la plume (lequel écrivit tout de même la dernière colorature). Etonnante aussi l’orchestration qui sollicite cors et hautbois. La performance n’est pas mince, certes, même si l’air est, admettons-le, des plus banals. La musique se soucie peu d’illustrer les paroles. Marie-Eve Munger se joue évidemment de ces exercices de voltige et pose d’élégantes volutes au-dessus d’un tissu orchestral savoureux.

A dix ans

Mozart n’avait que dix ans quand il écrivit le récitatif « O temerario Arbace » suivi de l’aria « Per quel paterno amplesso », étonnant de pathétique. Arbace se laisse accuser d’avoir commis un crime, alors qu’il sait que le coupable est son propre père. Difficile de deviner l’âge du compositeur à l’écoute de cet air de concert grave et tendre (sur un texte de Métastase), où les seules vocalises sont réservées à l’évocation de la bien-aimée.

Beaucoup de charme dans la romance « Mein liebster Freund hat mich verlassen » de Bastien et Bastienne (12 ans), chantée avec simplicité ou dans l’ariette « Colla bocca, e non col core » de La finta semplice (13 ans) qui sollicite le plus haut de la voix, et montre un Mozart ayant compris déjà les codes de l’opera buffa (et utilisant habilement les flûtes comme il utilise les hautbois dans Il sogno di Scipione).


© D.R.

Une impavide perfection

L’air du Fauno, « Dal tuo gentil sembiante », extrait d’Ascanio in Alba (1771, 15 ans) vole avec facilité dans le suraigu. Trilles et colorature, notes piquées, sauts dangereux sont négociés par Marie-Eve Munger comme en se jouant. Difficile d’exprimer ici autre chose que sa virtuosité. Ce que faisait sans doute le castrat Adamo Solzi qui créa le rôle au Palais ducal de Milan lors d’un mariage princier.

Les trois airs d’Aspasia extraits de Mitridate, ré di Ponto (1770, 16 ans) nous laisseront interrogatif. « Al destin che la minaccia » est une nouvelle brillante démonstration de notes hautes et d’ornements qu’on ne peut que saluer, mais d’où vient que naît une certaine lassitude devant tant d’impavide perfection ?

Le deuxième air, « Nel grave tormento », se mue en un air virtuose, lent-vite-lent, scintillant et en somme désincarné. La douleur des sections lentes semble esquivée et les notes piquées qui pourraient être expressives ne sont que techniquement réussies, ce qui n’est déjà pas mal.

Le troisième, « Pallid’ombre », est introduit par un récitatif animé et habité, air superbe qui est du grand Mozart et souffre d’être chanté  comme une manière d’air de concert, sans se soucier trop de l’esprit des mots. Après tout, Aspasia choisit de trouver la paix et la liberté dans la mort et s’apprête, infiniment troublée, à boire la coupe du poison. Ni le chef, ni la chanteuse ne semblent ici vouloir exprimer la situation, faisant une fort belle musique, mais un peu vidée de son sens.

De Lucio Silla (1772, 16 ans), l’air « Fra i pensier più funesti di morte » de Giunia est une cantilène où Marie-Eve Munger peut déployer toute sa simplicité, son art du phrasé dans l’introduction lento, puis un sentiment plus passionné dans la partie rapide. On s’approche ici du grand Mozart, celui qui en quelques notes sait créer un personnage, suggérer ses états d’âme, et colorer de mélancolie un air qui pourrait n’être que formel.


© Olivier Jean

La touche personnelle

Cette sensibilité, dont on était un peu en peine au fil de ce récital, la voilà enfin dans toute son expansion avec le deuxième air de Giunia, le récitatif accompagné « In un istante », suivi de l’aria « Parto, m’affretto ». Le récitatif, pathétique, noble, intense, est un très beau moment, qui fait regretter que d’autres aient été coupés ici ou là, et l’air, fiévreux, s’il est parsemé d’ornements virtuoses, les met au service de l’expression. Marie-Eve Munger y montre ce tempérament fougueux qu’on lui aime sur scène, et Philippe Bourque entraîne les Boréades de Montréal sur un tempo très preste, qui met en valeur la virtuosité des cordes et la saveur des vents.

Bref, un récital admirablement chanté, avec beaucoup d’attention et de respect du détail, mais, comment dire ? avec une manière d’effacement de soi… La distance du travail en studio, sans doute. Ces airs ne sont certes pas des révélations, et en d’autres temps ils furent chantés par les Lucia Popp, Arleen Auger, Kiri te Kanawa, Patrizia Ciofi et autre Edita Gruberova…. L’heure n’était pas encore aux interprétations historiquement informées, mais on osait peut-être y mettre davantage de caractère et même, osons le mot, de sentiment.

C’est sans doute ce qui nous manque ici. Mais on s’en veut d’une remarque aussi subjective quand il y a là tant de maîtrise s’ajoutant à tant de dons.

 

 

 

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Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Il sogno di Scipione, K. 126 (1772)
Aria «Biancheggia in mar lo scoglio» (Costanza)

La finta semplice, K. 51 (1769)
Aria «Amoretti che ascosi» (Rosina)

Die Schuldigkeit des ersten Gebots, K. 35 (1767)
Aria «Ein ergrimmter Löwe brüllet» (La Miséricorde)

Bastien und Bastienne, K. 50 (1768)
Aria «Mein liebster Freund hat mich verlassen» (Bastienne)

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Aria «Colla bocca, e non col core» (Rosina)

Recitativo «O temerario Arbace» – Aria «Per quel paterno amplesso», K. 79
(1766)

Mitridate, rè di Ponto, K. 87 (1770)
-Aria «Al destin che la minaccia» (Aspasia)
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Ascanio in Alba, K. 111 (1771)
Aria «Dal tuo gentil sembiante» (Fauno)

Lucio Silla, K. 135 (1772)
-Aria «Fra i pensier più funesti di morte» (Giunia)
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Marie-Eve Munger, soprano

Les Boréades de Montréal

Sur instruments d’époque (430 Hz)

Direction musicale

Philippe Bourque

Texte de présentation (intéressant) par Marie-Eve Munger

CD ATMA Classique ACD 22815

Réalisation, enregistrement montage et mixage : Anne-Marie Sylvestre

Enregistré à l’Église Saint-Augustin, Mirabel (Québec), Canada
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Parution 15 octobre 2022

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