L’exposition organisée à l’Opéra de Bordeaux pour commémorer les 40 ans de la mort de Maria Callas fait l’objet d’un beau catalogue reprenant l’intégralité des photos exposées, toutes tirées des archives de ParisMatch. Enfin, toutes sauf une : la célèbre photo où on la voit enserrée et par son mari Meneghini et par son futur amant Onassis. L’insertion de cette photo n’a rien d’anodin. Ce que cette exposition et son catalogue mettent en lumière, ce n’est bien évidemment pas la vraie personnalité de la diva mais bien le versant mondain de sa vie entre 1957 et 1969. Entre quelques photos de récital, on trouve surtout des photos de dîners et de reportages, réalisées chez elle et savamment mises en scène.
Ces photos sont souvent magnifiques. On les doit à Willy Rizzo, Michou Simon, Claude Azoulay, André Sartres, Philippe Le Tellier, Jack Garofalo, Jean Tesseyre ou Jean-Claude Deutsch. On remarquera particulièrement celles, très dramatiques, des pages 19 et 27, son sourire espiègle (page 37) ou bien rayonnant (pages 97 et 21), ou encore son recueillement au milieu de l’orchestre capturé par le haut page 69. Nous avons juste un doute sur la photo page 45 : est-ce vraiment elle face à Jeanne Moreau ? Elle est méconnaissable.
Mais on ne peut pas dire que ce fonds photographique soit particulièrement mis en valeur par les textes. On passera rapidement sur la pompeuse préface du commissaire de l’exposition qui conclut en disant à quel point il aime Bordeaux… Pour les légendes, c’est assez succinct : on a la ville et la date mais pas le lieu précis. Les autres personnes figurant sur les clichés, à moins d’être célèbres, sont rarement identifiées, sauf à être des personnages mondains comme le PDG de ParisMatch ou sa couturière par exemple. Chaque photo se trouve accompagnée au mieux d’une citation de la Callas, sans que l’on sache d’où elle est tirée. Des interviews parues dans ParisMatch ? La plupart souffrent certainement d’être sorties de leur contexte et se révèlent assez creuses, surtout en comparaison des interviews radios ou vidéos de la diva que l’on peut aisément se procurer aujourd’hui.
Et en l’absence de citation, on doit se contenter d’un commentaire stéréotypé quand il n’est pas contradictoire ou infondé. Ainsi on apprend page 38 que la Callas aurait « peur de tomber amoureuse » mais « ne parvient pas à refuser l’invitation » d’Onassis à une croisière sur son yacht. Sur quoi se base le commissaire pour affirmer cela ? Pourquoi Maria Callas n’aurait-elle pas simplement été heureuse d’accepter cette invitation sans se douter de ce qui allait suivre ? Un peu plus loin page 60, on nous dit « Grâce à son immense succès, la Callas peut profiter pleinement de la vie. Elle n’a aucun souci financier » et la page suivante de la citer décrivant sa désespérante solitude. Il aurait été plus pertinent de dire qu’elle aurait pu profiter pleinement de la vie grâce à son succès, sans même citer sa richesse. Mais cela semble être très important puisqu’on nous signale un peu plus loin le montant du cachet qu’elle a touché pour tourner avec Pasolini. Enfin, au lieu de connaître la couleur des marbres de sa salle de bain (que l’on ne voit pas), on aurait préféré savoir quelles sont les chanteuses du XIXe siècle devant les portraits desquelles elle pose page 93.
Bref, un joli catalogue d’exposition qui se regarde plus qu’il ne se lit.