Andreas Bauer Kanabas s’est fait rare sur nos rives du Rhin. Pourtant, à chaque occasion qu’un des chroniqueurs de Forumopera a eue de l’entendre, sa prestation a été saluée. La sortie de ce premier album d’airs (et d’une scène) s’avère une parfaite opportunité de faire connaître davantage cette basse allemande, longtemps installée dans la remarquable institution francfortoise.
Une basse profonde où la noirceur du timbre se double de résonances caverneuses. Une technique léchée, une aisance confortable, une diction et un phrasé remarquables figurent dans les atouts notoires d’Andreas Bauer Kanabas. Ils illuminent chacune des pistes de l’album et en particulier les pages du répertoire slaves ou de l’Europe centrale. L’air d’Aleko se déploie avec naturel et poésie, remarquablement secondé par le Latvian Festival Orchestra sous la direction de Karsten Januschke, pas forcément inspiré ou en soutien du chanteur dans d’autres pages. La basse allemande trouve toujours les justes couleurs et les ressources pour porter l’interprétation un cran plus loin et susciter ainsi l’émotion. La complainte de Vodnik extraite de Rusalka confirme son adéquation avec ce répertoire et cette époque stylistique. La scène de la 7e Porte du Château de Barbe-Bleue, où Tanja Ariane Baulgartner lui donne un excellente réplique, répète la même facilité à caractériser des personnages en quelques phrases musicales : tout y sonne juste, entre noiceur, autorité et menace rentrée.
Un seul air en français figure parmi les huits pistes de l’album, celui de Philippe II dans Don Carlos. La conduite du chant n’appelle là encore que des éloges, n’étaient-ce que voyelles étranges (« l’EscOUrial »). Le Verdi italien complète ces portraits (airs pour basses extraits d’Ernani, Nabucco et Macbeth). On saluera la probité stylistique du chanteur tout en remarquant que cette écriture met en tension l’extrême aigu de sa tessiture, bien plus sollicité dans ce répertoire, sans entamer sa capacité à colorer et trouver les accents et inflexions qui portent le sens du texte musical.
Enfin le monologue de Marke se devait d’être le pinacle de l’album après ses performances déchirantes à Francfort début 2020. Hélas, le chant, parés de toutes les qualtiés que nous avons exposées, verse ici plus dans la démonstration stylistique que dans la lecture scrupuleuse, celle qui devrait gagner en densité lancinante tout au long du monologue. Au lieu d’entrer dans les méandres de la souffrance de Marke, on y assiste de manière extérieure. Péché véniel sûrement d’une première gravure en studio qui ne retire rien aux qualités intrinsèques de l’artiste qu’il nous tarde de retrouver en scène.