Dans un précédent article, nous relations le coup de fil très sérieux d’une journaliste qui, dans le cadre d’un reportage autour des phénomènes paranormaux, enquêtait sur le Fantôme de l’Opéra. Il nous fallut pour la détromper de l’existence réelle du spectre inventé par Gaston Leroux déployer une force de persuasion telle que, dépitée, elle oublia de nous remercier des pièces à conviction que nous avions pris la peine de recueillir et lui transmettre. Aujourd’hui, il nous suffirait de lui conseiller la lecture de l’ouvrage que Gérard Fontaine consacre à ce qui reste, envers et contre la légende, un personnage de fiction.
L’auteur, docteur en Philosophie, s’est fait une spécialité du Palais Garnier. Plusieurs de ses livres, certains édités comme le présent volume aux Editions du Patrimoine, rendent hommage au plus fantasmagorique de nos théâtres lyriques – pas plus tard que l’an passé L’Opéra de Charles Garnier. La confrontation avec son Fantôme était inévitable. Elle sert de prétexte à l’exploration des coulisses et de l’histoire du monument, à travers une enquête digne de Rouletabille – autre héros sorti de l’imagination prolixe de Gaston Leroux.
Avec le roman pour fil conducteur, Gérard Fontaine s’attache à démêler le vrai du faux. Des origines de chaque personnage – dont l’énigmatique Persan ! – aux péripéties d’une histoire entre toutes rocambolesque, chaque élément est scruté à la loupe, chaque fait est replacé dans sa perspective historique, chaque mécanisme narratif est démonté pour reconstituer le cheminement créatif du romancier. Ce faisant, le voile est levé sur les innombrables particularités du bâtiment : son lustre – qui ne s’est jamais effondré –, ses loges dont celle des artistes meublées avec un luxe inédit à l’époque, le ou les bureaux des directeurs, le lac souterrain mais aussi les bals dont on apprend que la tradition fut interrompue par la crise économique de 1929. Pourtant, qu’il devait être plaisant de tourner en habit « de taffetas serin » sous les ors du Grand Foyer ! A chaque époque, ses divertissements. Aujourd’hui, les splendeurs décoratives du Palais Garnier servent de cadre à un Escape Game dont le Fantôme est le héros, preuve de l’empreinte profonde laissée dans l’imaginaire collectif par le roman de Gaston Leroux.
L’enquête s’accompagne d’une iconographie luxueuse : photographie et presse d’époque, costumes, tableaux, dessins… Cette débauche d’images sur papier glacé dans une reliure majuscule justifie l’adjectif « beau » naturellement accolé à ce livre et le prix qui en découle (35€). Le sujet se prêtait-il à un traitement aussi fastueux ? Un format plus modeste et une couverture souple n’auraient pas forcément desservi la démarche quasi policière adoptée par Gérard Fontaine, complémentaire d’une certaine manière à celle, métonymique, de Timothée Picard dans La Civilisation de l’Opéra (Fayard 2016) qui prend aussi pour fil rouge le chef d’œuvre de Gaston Leroux.