Ce DVD nous propose un bien curieux attelage : rien de commun en effet entre la tragédie moderne de Poulenc et la fantaisie de Chabrier, si ce n’est que les deux ouvrages étaient montés au Théâtre Impérial de Compiègne, respectivement pour le centenaire de la naissance du premier, et pour celui de la mort du second. A la scène, Compiègne proposait d’ailleurs un autre couplage, avec La Colombe de Gounod. L’avantage du DVD, c’est toutefois que l’on n’est pas obligé de les écouter à la suite !
La composition d’Anne-Sophie Schmidt dans La Voix humaine, est tout bonnement remarquable. Le timbre manque un peu de séduction, de couleurs, mais la diction est exemplaire, la musicalité impeccable. L’attention et le soin apportés à ce chanté-parlé, l’accentuation d’une parfaite justesse, le naturel enfin, sont difficiles à atteindre par des chanteurs non francophones. Une interprétation méconnue qui gagnerait à être largement diffusée pour faire comprendre ce qu’idiomatique veut dire. Mal capté, l’orchestre nous laisse un peu sur notre faim, malgré une bonne direction de Jean-Pierre Tingaud. La mise en scène de Pierre Jourdan est simple et émouvante, très bien filmée par celui-ci.
Une Éducation manquée de Chabrier est proposée dans une version arrangée par Darius Milhaud. On doit à celui-ci des récitatifs en remplacement des textes parlés (musicalement un peu en rupture par rapport au style bonhomme de Chabrier) ainsi qu’un air supplémentaire pour Hélène (plus adéquat), inspiré d’une mélodie inédite de Chabrier. Le Théâtre Français de la Musique de Pierre Jourdan a toujours affiché des ambitions musicologiques, bénéficiant de plus de l’incomparable expérience d’Irène Aïtoff, véritable mémoire du chant français. On regrettera toutefois que le rôle de Gontran, originellement dévolu à un soprano, soit ici confié à un ténor. On y gagne en crédibilité, mais ce n’est pas ce que l’on doit chercher ici. On y perd cette espèce d’évanescence de deux voix féminines se répondant l’une à l’autre et Gontran n’est plus cette espèce de variation sur le personnage de Chérubin. La mise en scène de Pierre Jourdan essaie d’accentuer le côté comique de l’ouvrage, avec une amusante simulation de film muet en ouverture, mais la page la plus drôle, le duo entre Gontran et Pausanias, tombe un peu à plat. Ces réserves posées, Franck Cassard est un Gontran bien chantant et amusant. Mary Saint-Palais est une Hélène délicieuse, au timbre un peu suranné et d’une remarquable musicalité. En Pausanias, Philippe Fourcade est efficace mais le chant manque un peu de rondeur. Malheureusement, la prise de son dessert cette sympathique équipe. Dans ce type d’ouvrage, il faut allier un débit rapide mais toujours compréhensible et un accompagnement orchestral vif, discret mais présent. Or nous entendons plutôt ici une bouillie sonore qui n’est certainement pas le fait de l’excellent Michel Swierczewski (nous étions dans la salle). Il faut espérer que les archives du théâtre ont conservé une meilleure prise de son dans leurs caves.
Un DVD bonus propose de retracer l’histoire du théâtre au travers de quelques interviews, ainsi que de nombreux extraits de vingt spectacles proposés sous la direction de Pierre Jourdan.