Quel beau retour de Patricia… Nouvel opus studio, le premier sous la griffe de sa désormais officielle maison de disqueq, la Deutsche Grammophon qui lui offre un portrait judicieux au sein d’un programme cohérent, s’appuyant sur Mozart, Haydn et Gluck.
Petibon a déjà une carrière appréciable derrière elle, notamment en France où sa notoriété s’appuie sur des éléments valorisants comme ses indéniables qualités de cantatrice et de musicienne, le respect de son identité et des collaborations fructueuses avec de grands chefs dans la sphère baroque de son activité. Ce baroque lui offrira ses incarnations les plus abouties, une reconnaissance médiatique saluée par plusieurs récompenses totalement justifiées ainsi qu’un enregistrement d’airs, à ce jour, le meilleur de sa production. Au cours des dernières saisons, Patricia surprit plus d’une fois par des choix quelque peu histrioniques dont on ne comprit pas toujours la démarche. Nous parlons notamment de la mise en espace et des choix «artistiques » de certain récital « french Touch », nous donnant au delà des libertés musicales inadmissibles prises par une artiste de cette classe, la sensation d’un immense gâchis. Il nous semble également que cette volonté de se démarquer à tout prix, notamment au sein de l’espace hégémonique et injuste d’une collègue sensée boxer dans la même catégorie poids plume, coûta cher à Petibon et à sa carrière, surtout dans l’Hexagone. Plus discrète dernièrement, elle conserva le soutien de quelques grands noms. Les bonnes nouvelles vinrent surtout de l’étranger, notamment de l’exil à Vienne où elle remporta, toujours dans des véhicules lyriques parfaitement appropriés, des succès totalement mérités. Le contrat d’exclusivité avec la DG s’ensuivit assez naturellement. A l’écoute de cet enregistrement réussi, on est frappé par l’évolution vocale de Patricia. Audiblement, l’instrument s’appuie sur une évolution naturelle mais également, une émission totalement repensée. L’essentiel de ce travail est convaincant et ouvre, toutes proportions gardées, de nouvelles perspectives.
L’écrin offert par la DG fonctionne à satiété. Daniel Harding, au-delà de quelques tempi (question de sensibilité), est un soutien efficace et sert les nombreuses propositions musicales de Patricia Petibon. Cela s’avèrera une donnée importante participant activement la réussite de ce disque. Le Concerto Köln, démontre une fois encore, que sa rapide ascension médiatique n’est en rien usurpée. La formation permet à la cantatrice de s’exprimer stylistiquement avec clarté et différenciation.
Ce disque est une réussite à bien des niveaux. Il est d’abord agréable à écouter, équilibré dans sa programmation, il ne lasse à aucun moment et au-delà des propositions musicales et expressives auxquelles on adhèrera ou pas, Patricia nous parle simplement de sa vision de toutes ces héroïnes amoureuses et argumente au moyen du meilleur d’elle-même : une sincérité de tous les instants et une simplicité retrouvée réellement émouvante.
Au sujet de son émission, le disque confirme la sensation des Zampa parisiennes. La voix a sensiblement mûri. Surtout dans la première octave jusqu’au second passagio. Le timbre s’est légèrement assombri et on note une émission un peu plus en arrière qu’auparavant. Il y a eu une recherche évidente sur le registre grave (obsession de toutes les soprani légers) qui suivant la présentation des intervalles est plus ou moins convaincant et naturel. L’aigu et le suraigu à très peu de choses près, sont toujours aisés, même si on note que la cohésion entre les différents registres n’est pas toujours au rendez-vous. Ainsi, « Der Hölle Rache » débute de manière plus que convaincante dans le dramatisme des premières portées mais Petibon s’avère incapable de le porter jusqu’aux cimes de l’aria. Elle est alors contrainte de respecter sa nature legerissimo pour accrocher les contre notes si chères au public amateur de trapèze. Cela est gênant, car on entend quasiment deux cantatrices différentes. Il est d’ailleurs peu probable que cet air figure au programme de ses prochains concerts promotionnels. Pour demeurer dans Mozart, il nous a été particulièrement agréable, au-delà de la réussite vocale et musicale de ces pages, d’entendre la belle personnalité de Petibon s’exprimer dans ces pages maintes fois entendues pour ne pas dire rabâchées. A titre personnel, le « Vorrei spiegarvi » aurait gagné en humanité dans sa première partie avec un tempo et un esprit plus sereins. Les deux extraits des Nozze di Figaro ne sont qu’émotions. Emotion renouvelée dans le « Fra i pensier » de Giunia assez remarquable tandis que le « Ah se il crudel periglio », même si la cantatrice remporte une victoire sur ses propres moyens, appelle une interprète d’une autre dimension et d’un autre gabarit vocal.
La plus grande réussite de ce disque est l’ensemble des pages de Haydn, remarquables à tout niveau. Petibon file droit au centre de la cible à chaque fois. Ce répertoire reflétant son exacte pointure vocale ; ses qualités transcendent même la relative pauvreté de certains extraits. La palette de couleurs est exemplaire, immédiate d’effet et la galerie de portraits parfaitement croquée. Un pur bonheur.
Gluck permet à Patricia d’exprimer au mieux son évolution vocale et donne à croire que de nouvelles réussites pour de futures prises de rôles, l’attendent dans ce pan du répertoire. Cela se fera également sur le plan théâtral, nous le croyons fermement, car Patricia, surtout quand elle comprend que le dénuement et la simplicité sont les meilleurs vecteurs de son art, est une actrice crédible, capable de passer du rire aux larmes, mais surtout, capable d’émouvoir en servant fidèlement.
En quelques mots, un disque équilibrant bonheur vocal, musical, proposant un message, une carte de visite reflétant sans tricherie les moyens et la personnalité rare d’une artiste attachante. Un disque utile chez DG, tout arrive…
Philippe PONTHIR
Ses prochains concerts en France, avec un programme Mozart, Haydn, Gluck :
- A Strasbourg le 16/12/08 au Palais de la Musique et des Congrès.
- A Paris le 19/12/08 Salle Gaveau
- A Versailles le 22/12/08 à la Galerie des Glaces