La Mša Glagolskaja [Messe glagolitique] de Leoš Janáčěk est certainement l’une des œuvres les plus singulière du répertoire « sacré* ». Tirant son nom de l’alphabet d’inspiration grecque utilisé par les saints Cyrille et Méthode pour évangéliser la « Grande Moravie », la partition construite sur la traduction slavonne du texte liturgique de l’ordinaire s’articule ici en 9 sections – Marek Janowski remonte à la version originelle déjà gravée par Mackerras (Supraphon). Hormis quelques différences (le « double » Intrada (au début et à la fin) et quelques mesures du Věruju [Credo] – ici trop lent et flottant), cette Urfassung ne diverge pas de la partition « raccourcie » et n’interdit en rien une comparaison discographique dans laquelle le présent enregistrement a tout à perdre.
Si la mise en place se veut parfaite – autant que l’intonation et l’intelligibilité du texte des chœurs et des solistes – cela ne suffit pas, loin s’en faut, à garantir la réussite de cette lecture aux couleurs souvent mal choisies. La pâte sonore est trop épaisse (Svet !) et les forces vocales peu caractérisées. A côté de bois parfois ternes et d’un orgue trop sage (loin de celui, brûlant, du prédestiné Bedrích Janáček chez DG), seuls les cuivres étincelants tirent véritablement leur épingle du jeu. L’équipe soliste se trouve quelque peu déforcée par Aga Mikolaj, soprano toujours juste mais souvent au bord du gouffre dans l’aigu. Iris Vermillon et Arutjun Kotchinian servent quant à eux l’office honnêtement, sans se hisser pour autant au niveau du remarquable Stuart Neill, techniquement impressionnant quoique expressivement moins poignant que Ernst Haefliger (DG). Au vu de la difficulté inouïe de la partie de ténor (des aigus tout en force), ses prouesses vocales apportent l’exaltation qui manque à cette interprétation décevante. Car il nous est impossible d’adhérer aux tempos choisis par le chef dès lors qu’ils creusent de tels fossés entre les sections. Ce faisant, Janowski ne parvient qu’à disloquer le tout. On (re)trouvera l’universalité chez Kubelik (DG) et des couleurs bien plus fascinantes – quoique parfois inattendues – chez Ančerl (Supraphon).
Pour suivre, la « rhapsodie slave » sur le Taras Boulba de Gogol est dirigée avec trop de tiédeur pour emporter l’adhésion. Pas de véritable passion dans La Mort d’Andrej (exécuté par son père pour être tombé amoureux d’une princesse polonaise) ni d’angoisse suffisante dans les harmonies de quartes qui précèdent le démembrement d’Ostap (un mouvement aux tempos mal équilibrés – car ne respectant pas les indications métronomiques de Janáček – et à la mazurka ratée). Janowski se contente du service minimum et se repose sur les qualités d’un orchestre ici très honorable. Pas de quoi se détourner des grands classiques dont, en tête, Talich (Supraphon), Ančerl (idem) et Mackerras I – avec les Wiener Philharmoniker (Decca).
*Quoiqu’il ne bouleverse pas l’organisation du texte latin, Janáček exprime ici un panthéisme païen, prétexte à la manifestation du panslavisme pour lequel il a toujours milité – même si Bohême et Moravie sont, à l’époque de la composition de l’œuvre (1926), affranchis de la tutelle des Habsbourg, la République Tchécoslovaque indépendante et la Russie soviétique.