Comme Greta Garbo dans Ninotchka, Xavier Sabata rit. Sur la pochette de son disque, du moins. Et il le fallait bien, après la mine patibulaire qu’il avait affichée pour Bad Guys. Mais si cette trogne peu engageante était de circonstance pour un récital consacré aux méchants de Haendel, rien n’indique qu’il y ait vraiment de quoi s’esclaffer avec le présent enregistrement.
Une voix de contre-ténor et trois instrumentistes (clavecin, luth et violoncelle) : avec un tel effectif, il n’est pas toujours facile de retenir l’attention de l’auditeur pendant toute la durée d’un disque. Et même si celui dure à peine moins d’une heure, à une époque où l’on s’autorise souvent à frôler les 80 minutes, l’écueil de la monotonie ne semble pas avoir été entièrement évité. Le programme retenu propose un choix d’œuvres datant de la première moitié du XVIIIe siècle, essentiellement des cantates de chambre. Répertoire intimiste, donc, auquel s’adjoignent néanmoins deux airs tirés de l’Armida abbondonata, œuvre lyrique scénique de Giovanni Maria Ruggieri. Et la dernière plage est réservée à une œuvre hors-normes, véritable opéra en miniature : la Lucrezia de Benedetto Marcello, l’un des cinq monologues « expérimentaux » composés par ce Vénitien, contemporain de Vivaldi.
Le disque offre un échantillonnage de la production musicale italienne, du nord au sud, à travers des compositeurs sur lesquels on sait parfois fort peu de choses : il s’agissait pour la plupart de dilettantes – d’où le titre du disque –, d’amateurs éclairés que leur statut social empêchait de s’adonner pleinement à la musique.
Ce qui frappe d’abord, c’est le contraste entre la douceur du timbre de contre-ténor et l’âpreté de la basse continue, où les instruments de l’ensemble Latinitas Nostra semblent rechercher une rugosité extrême. Passé cette première impression, on se dit surtout que toutes ces musiques se ressemblent un peu, malgré quelques rares moments plus guillerets. Tous ces amants (ou amantes, car la première plage donne la parole à la bergère Phyllis, et la dernière, après une introduction confiée à un narrateur, laisse s’exprimer Lucrèce en personne, jusqu’à son dernier soupir) exhalent leur douleur sur un ton assez uniformément éploré. L’ensemble ne respire donc pas la franche gaieté, mais peu importe ; le plus gênant est que les morceaux se succèdent sans que l’attention soit jamais véritablement accrochée. Seule exception : la Lucrezia susmentionnée, où Marcello impose à l’interprète un numéro de cirque en faisant alterner voix de tête et voix de poitrine, aigus « féminins » (on ignore si l’œuvre était destinée à un castrat ou à une chanteuse) et graves barytonaux.