Parmi la large moisson de CD où un(e) jeune soliste illustre un répertoire neuf, rares sont les réelles découvertes comme les consécrations. Cet enregistrement se distingue du lot par la révélation d’un compositeur largement méconnu et, surtout, la confirmation des qualités exceptionnelles d’une jeune soprano, Maria Savastano. Depuis Papagena (2008, Paris Bastille), son parcours, conduit avec clairvoyance, lui permet de s’imposer comme une des plus prometteuses de sa génération. Mozartienne accomplie (Serpetta, Suzanna, Servilia), elle a élargi son répertoire des grands baroques à Menotti, avec des choix toujours judicieux. Même si le disque nous prive de sa présence scénique, pour l’avoir appréciée à plusieurs reprises, on peut affirmer qu’après avoir déjà beaucoup donné, elle promet encore bien davantage. Son timbre clair et charnu, corsé, une large tessiture, une voix homogène, égale, avec de beaux graves, un modèle de conduite vocale et de diction, tout est là, au service d’une intelligence singulière du texte. Emouvante, espiègle, sensible, elle traduit à merveille tous les états psychologiques que traversent ses héroïnes. La vivacité des récitatifs et des récitatifs ariosos, le soutien de la ligne, son modelé, tout emporte l’adhésion. Si les conseils d’Iñaki Encina Oyón ont certainement leur part à cette incontestable réussite, le mérite en revient déjà à cette magnifique interprète.
Giovanni Alberto Ristori (1692 ou 93-1753) fait partie de la cohorte de ces maîtres de l’apogée du baroque qui, formés en Italie, accomplirent l’essentiel de leur carrière dans les théâtres italiens qui avaient envahi l’Europe. Le nôtre passa l’essentiel de sa vie à Dresde, avec un détour à Saint-Petersbourg, et une parenthèse napolitaine. Il occupa à peu près toutes les fonctions dans la capitale du Prince Electeur de Saxe, Roi de Pologne, Auguste III, à côté de Hasse et Zelenka. Tombé dans un profond oubli (aucune de ses œuvres ne fut publiée de son vivant), malgré l’abondance et la variété de sa production, tant dramatique que religieuse, on en redécouvre maintenant les qualités d’écriture et la vigueur expressive. Les trois cantates de ce CD – dont deux sont enregistrées pour la première fois – sont contemporaines. Leur livret, dû à la princesse électrice de Saxe, illustre trois figures féminines tourmentées : Lavinia s’efforce de justifier sa séparation d’avec Turnus, son fiancé ; Didon, délaissée par Enée, va s’immoler ; enfin Nice, infortunée, éprise de Tircis, s’en prend à l’Amour, responsable de ses tourments. De la même veine que celui de Porpora, de Pergolesi et de Leo, le langage est bien dans l’air du temps, avec sa vocalité comme ses conventions. Le plaisir de l’écoute est constant.
Il en va de même pour l’extraordinaire concerto pour hautbois (authentique, à la différence du célébrissime réalisé d’après Cimarosa par Arthur Benjamin en 1942). Un très beau hautbois, bien articulé, se joue de toutes les difficultés de sa partie avec une sorte d’espièglerie désinvolte. Rien que du bonheur dans cet enregistrement. Johannes Pramsohler hisse de son pupitre de premier violon son Ensemble Diderot au plus haut niveau des formations illustrant la musique des Lumières sur instruments anciens, ou de façon historiquement informée, comme on dit à présent.
Un livret particulièrement riche (trilingue : allemand, anglais et français) et soigné accompagne le disque. Les notices en sont rédigées avec minutie, bien documentées, claires.