Théodore Dubois, passe encore. Victorin Joncières et Benjamin Godard, soit. Mais Fernand de la Tombelle ? Il fallait un certain culot pour oser consacrer un disque à cet illustre inconnu, organiste et cofondateur de la Schola Cantorum, compositeur de musique sacrée, et auteur d’un ouvrage consacré aux Pâtés de Périgueux. Du culot, le Palazzetto Bru Zane n’en manque heureusement pas, et il ne sera désormais plus permis d’ignorer ce mélodiste délicat (1854-1928). En 2011, le Centre de musique romantique française avait déjà soutenu la publication de ses Sept dernières paroles de Notre Seigneur Jésus-Christ par le label XXI, mais le reste de la discographie consacrée à La Tombelle se bornait jusqu’ici à ses œuvres pour orgue ou à sa musique de chambre.
Le disque est un peu avare d’informations sur la date de composition de ces mélodies, mais une rapide enquête sur Internet permet de déterminer que, sur les quelque soixante-quinze mélodies qu’on lui doit, les plus anciennes remontent à la toute fin des années 1870, et que La Tombelle composa pratiquement jusqu’à sa mort, une vingtaine d’entre elles ayant été réunies dans le recueil Chansons et rêveries, publié en 1892. La sélection opérée pour le disque se focalise très majoritairement sur les deux dernières décennies du XIXe siècle.
Bien sûr, cette parution ne remet pas en cause les hiérarchies établies, et l’on ne découvrira pas ici un second Duparc. On trouvera ici représentés les diverses tendances de son époque : orientalisme avec « Cavalier mongol », et surtout historicisme avec plusieurs mélodies néo-Renaissance. Comme on pouvait s’y attendre de la part d’un folkloriste comme La Tombelle, l’inspiration populaire est bien représentée : pour « La Pernette », le texte est presque exactement celui de la comptine « Ne pleure pas, Jeannette » ; quant aux Couplets de Chérubin, il s’agit ni plus ni moins de variations sur Malbrough s’en va-t-en guerre. Ce sont là les seules mélodies strophiques, car toutes les autres échappent résolument à ce type de composition encore en vigueur chez certains de ses contemporains.
Au moins Fernand de la Tombelle eut-il souvent le bon goût de choisir des textes intéressants, même s’il faut bien toute l’énergie de sa partition pour faire digérer le poème d’Henri Darsay pour « Ha ! Les bœufs ! marchez droit ! ». On ne compte plus les mises en musique du poème « Les Papillons » de Gautier (Chausson, Debussy, Paladilhe, Louis Vierne, Benjamin Godard, Cécile Chaminade, parmi des dizaines d’autres), et la version La Tombelle n’a pas à rougir de cet illustre voisinage.
Pour ce nouveau volume de sa série consacrée aux mélodiestes français, le PBZ n’a pas changé son équipe, et il faudrait à nouveau chanter les louanges de Jeff Cohen et de Tassis Christoyannis. A ce niveau d’excellence, permettons-nous simplement de chercher la petite bête, et de signaler un « solennelle » prononcé « solen-nelle », et un rien trop de consonnes dans « ma mie », qui devient « mammmie ». Pinaillage ridicule face à la beauté vocale et à la finesse d’interprétation déployées dans ces pièces.